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Gloria Mika: “Il faut avancer avec ses convictions”

Feb 22, 2010

Gloria Mika commence sa  carrière  dans la mode aux Etats-Unis vers la fin des annĂ©es 90. Elle commence Ă  militer pour les Ă©lections libres et transparentes dans son pays, le Gabon en 2009 avec  l’association les Anges gardiens de la transparence  qu’elle fonde en s’inspirant de certains resistants Ă  l’oppression comme Mohandas Ghandi.

AfricaLog: Pour quel candidat avez-vous voté lors des élections présidentielles au Gabon?

Gloria Mika: Je ne pense pas que connaitre la personne pour qui j’ai votĂ© ait de l’importance. Par ailleurs, mĂŞme si j'avais votĂ© pour M. Ali Bongo, cela ne changerait en rien les faits. Il y a eu un coup d'Etat Ă©lectoral, vraisemblablement en sa faveur. Mais contrairement Ă  d’autres, j’aurai Ă©tĂ© profondĂ©ment déçue et n’aurai jamais acceptĂ© pour autant, que mon candidat apparaisse comme quelqu’un que le peuple n’aurait pas rĂ©ellement choisi, ou comme quelqu’un qui aurait cautionnĂ© une rĂ©pression militaire sur son peuple pour assoir son pouvoir et cela mĂŞme si moi mĂŞme j’avais votĂ© pour celui-ci! Ce n’est tout simplement pas digne d’une attitude de leader politique. 

AfricaLog: Votre engagement était pour une transition transparente et les élections démocratiques. Est-ce que votre objectif a été attaint?

Mon engagement Ă©tait une veille citoyenne pour une Ă©lection historique pour le Gabon, dont la credibilitĂ© Ă©tait remise en question. Je voulais m’assurer qu'Ă  l’heure ou le peuple rĂŞvait de changement, que cette Ă©lection soit rĂ©ellement libre, transparente et dĂ©mocratique. 

Mon objectif a Ă©tĂ© en partie atteint. Nous avons effectivement vu une mobilisation citoyenne gabonaise, africaine et mĂŞme europĂ©enne qui a manifestĂ© Ă  plusieurs reprises pour exprimer la nĂ©cessitĂ© d’un report de la date de cette Ă©lection apparue comme trop prĂ©cipitĂ©e, afin d’en assurer une meilleure organization dans la transparence. Or, toutes les requĂŞtes dĂ©nonçant d'innombrables irrĂ©gularitĂ©s dans l'organisation de cette Ă©lection, notamment Ă   l'endroit de la dĂ©mocratie et du respect des Droits de l'Homme sont toutes restĂ©es lettre mortes. Je dirai que toute personne regardant les vidĂ©os et les articles de la presse sur internet verra bien que nous avons eu une transition transparente d'une Ă©lection non dĂ©mocratique entachĂ©e de fraude, avec un coup d'Ă©tat Ă©lectoral proclamant officiellement comme vainqueur celui qui Ă  80% du dĂ©compte des voix Ă©tait arrivĂ© en 3ème position!

AfricaLog :  Qu’est ce que vous avez appris de votre activisme? Est-ce que vous ressentez un fatalisme de la jeunesse puisque malgrĂ© votre pression rien n’a vraiment changĂ© dans l’organisation des Ă©lections? 

J’ai beaucoup appris et continue d’apprendre tous les jours. Mon activisme m’a effectivement confirmĂ© que c'est l’union qui fait la force et m'a aussi montrĂ© Ă  quel point il y a beaucoup de personnes qui sont engagĂ©es dans diffĂ©rents domaines Ă  diffĂ©rentes Ă©chelles et qui apportent leur contribution Ă  leur manière pour amĂ©liorer le monde dans lequel nous vivons. Mais j’ai aussi appris que la tache est lourde et que c’est un travail qui se fera sur un long terme pour offrir ce qu’il y a de mieux pour les gĂ©nĂ©rations futures, tout comme nous avons hĂ©ritĂ© nous-mĂŞmes de beaucoup de droits et libertĂ©s grâce aux combats que d’autres ont menĂ©s par le passĂ©.

En dĂ©pit de la mauvaise organisation dĂ©libĂ©rĂ©e de l'Ă©lection, il y avait toutefois un semblant d'espoir malgrĂ© les actes que posaient les autoritĂ©s en place. La population qui avait un droit de regard sur le dĂ©pouillement du scrutin connaissait les rĂ©sultats et refusait de croire que certains oseraient aller Ă   l'encontre de ceux-ci. Malheureusement un certain nombre de personnes Ă  des postes clĂ©s ont faillit Ă  leur devoir rĂ©publicain et ont fait d’autres choix.

 

 Le ressenti de fatalisme s'est plutĂ´t vu après l'intĂ©gration dans le gouvernement de personnes auxquelles beaucoup ne s'attendaient pas. Mais il est important que les jeunes comprennent que nous ne sommes jamais a l'abri de dĂ©ceptions. Il faut avancer avec ses convictions et ne pas s'attacher aux hommes qui eux sont parfois si faibles, mais aux idĂ©aux et Ă  des valeurs universelles pour lesquelles nous ne devrions jamais cesser de garder espoir et de nous battre. 

AfricaLog: Quel a été selon vous le rôle de la France lors de l’organisation du scrutin et la proclamation des résultats? L’opposition avait jugé les félicitations de la France prématurées…

La France a prĂ©tendu ĂŞtre neutre dans l’organisation de l’élection au Gabon. Je pense en contrepartie que le quai d’Orsay s’est prononcĂ© de manière quelque peu prĂ©cipitĂ© quant Ă  la validation de cette Ă©lection qui en rĂ©alitĂ© n’a Ă©tĂ© qu’une mascarade de bout en bout avec: organisation prĂ©cipitĂ©e du scrutin, listes Ă©lectorales gonflĂ©es, multiples violations du droit constitutionnel, Ă©norme dĂ©sĂ©quilibre financier et mĂ©diatique entre les candidats qui, ailleurs, auraient fait crier au dĂ©ni de dĂ©mocratie.  Mais le secrĂ©taire d’Etat Ă  la CoopĂ©ration, Alain Joyandet a jugĂ© le scrutin rĂ©gulier alors que par ailleurs, de nombreuses fraudes ont Ă©tĂ© dĂ©noncĂ©es tant au Gabon que dans les ambassades Ă  l’étranger. A l’ambassade du Gabon en France, l’ambassadrice a mĂŞme Ă©tĂ© prise la main dans le sac, en possession de plus de cent fausses cartes d’électeur; Ă  l'ambassade du Gabon aux Etats-Unis il y a eu une tentative d'incendie...bref. Je pense tout comme l'opposition que des fĂ©licitations Ă©taient prĂ©maturĂ©es.

AfricaLog: Est ce qu'il ya une rupture avec l'ère Omar Bongo Ondimba ou le nouveau president Ali Bongo est le nouveau-né de la Françafrique à votre avis?

Je ne saurai dire si Mr Ali Bongo est le nouveau-nĂ© de la Françafrique, mais je trouve que les autoritĂ©s françaises se sont montrĂ©es particulièrement clĂ©mentes face au contexte du dĂ©roulement de cette Ă©lection historique pour les Gabonais. Ce que je trouve d’ailleurs triste et regrettable pour la France qui est un pays Ă  l'image des Droits de l'Homme. 

Les mobilisations citoyennes qui ont eu lieu Ă  maintes reprises Ă  Paris comme dans le Sud de la France, pour dĂ©noncer les manquements et abus face au droit, ainsi que les jeunes innocents qui ont payĂ© le prix de leurs vies, avaient pour seul tort rĂŞvĂ© d'une transition dĂ©mocratique. Je peux en consĂ©quence comprendre tout ceux qui considèrent tout ceci comme un signe de "rupture dans la continuitĂ©" de la Françafrique.

AfricaLog: Dans un communiquĂ© transmis Ă  AfricaLog vous aviez demandĂ©  â€śpourquoi la GuinĂ©e et non le Gabon”? Vous avez ensuite participĂ© Ă  une confĂ©rence Ă  Paris avec l'Ă©crivain Thierno MonenĂ©mbo et Kofi Yamgnane, qui Ă©tait candidat Ă  la
présidentielle au Togo. Est-ce que vous avez trouvé des réponses à cette question?

Non, je n’ai pas trouvĂ© de rĂ©ponse  Ă  la question: “pourquoi la GuinĂ©e et pas le Gabon?” Ă  notre confĂ©rence sur les “Crises en Afrique”. Par ailleurs, je pense toujours que le Gabon mĂ©rite sa part de justice. Le rapport de Port-Gentil a Ă©voquĂ© un recul dĂ©mocratique au Gabon en dĂ©nonçant l’opprĂ©ssion militaire sur les citoyens Gabonais et ce n’est pas parce qu’il n’y pas eu de vidĂ©os ou photos aussi crues que celles du massacre du 28 Septembre en GuinĂ©e, que des citoyens n’ont pas Ă©tĂ© victimes d’attrocitĂ©s au Gabon.

AfricaLog: Il y a eu des actes posés par le nouveau président comme l’augmentation du salaire minimum, la réduction du train de vie de l’Etat etc… L'opposition parle d'une "dictature émergente" alors que certains observateurs pensent que le «grand chambardement» est nécessaire pour relancer le pays. Quelle est votre opinion sur la gestion du pouvoir par Ali Bongo Ondimba?

L’acte posĂ© comme vous dites fait suite Ă  une polĂ©mique que le premier ministre a du Ă©claircir en prĂ©cisant quelques dĂ©tails concernant le salaire de base et les primes pour arriver Ă  la somme de 150.000francs CFA de SMIG promis lors de la campagne. Un acte beaucoup plus symbolique en terme de meilleures rĂ©partition des richesses d’un pays aussi riche que le notre aurait plutĂ´t Ă©tĂ© l’application du dividende universel et non de simples tentatives de reductions du train de vie de l’Etat, duquel il faudrait encore s’assurer de la bonne gouvernance. Par ailleurs, je ne vois pas Ă  quel “grand chambardement” on fait allusion, mais le temps nous le dira, mĂŞme si je ne pense pas qu’il en ait beaucoup. Quand on prend le pouvoir par la force, on est dans l’obligation de faire ses preuves dans l’espoir de pouvoir conquĂ©rir le peuple un jour. Comme disait Gandhi:  “La victoire obtenue par la violence Ă©quivaut Ă  une dĂ©faite, car elle est momentanĂ©e”

Le site officiel de Gloria Mika: http://www.gloriamika.info

 

Propos recueillis par André Brikop

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