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Buhari intransigeant face au soulèvement populaire

Oct 24, 2020
Buhari intransigeant face au soulèvement populaire

Déception et stupéfaction se sont exprimées jeudi après le discours du président nigérian Muhammadu Buhari, qui s’est montré intransigeant face au soulèvement populaire dans le sud du Nigeria et n’a pas mentionné la répression sanglante qui a ému le monde entier.

Le chef de l’État a parlé à la télévision 48 heures après la répression menée mardi contre des milliers de manifestants pacifiques à Lagos par des militaires et la police, qui a fait au moins 12 morts selon l’ONG Amnistie internationale.
Cette répression et la mise en place d’un couvre-feu à Lagos mardi ont été suivies par deux jours d’émeutes et de pillages à Lagos, la capitale économique du Nigeria.

Dans son discours, le président a prévenu les manifestants qu’il n’autoriserait « personne ni aucun groupe à mettre en péril la paix et la sécurité nationale ».  


«Résistez à la tentation d’être utilisés par des éléments subversifs pour causer le chaos et tuer notre jeune démocratie», a lancé à la jeunesse M. Buhari, ancien général putschiste dans les années 1980 puis démocratiquement élu en 2015.  
Après l’allocution, les réactions des célébrités nigérianes engagées aux côtés des manifestants oscillaient entre la sidération et la déception.
«Quelqu’un a remarqué que le président ne pouvait même pas reconnaître les vies perdues et les personnes blessées à cause de la gâchette de policiers ?», a déclaré sur Twitter l’actrice nigériane Kemi Lala Akindoju.  
«Au lieu de cela, il a célébré les braves policiers qui ont perdu la vie. Rien sur les fusillades», a-t-elle ajouté.

C’était la première fois que le président s’exprimait depuis la répression des manifestations, dont il n’a fait aucune mention directe.  

Le chanteur Davido, écouté dans le monde entier, a tweeté juste après le discours le mot «Wahala», qui signifie en argot nigérian la souffrance ou la peine.  
«Aucune empathie, aucune capacité à rassembler le peuple, ou même à montrer que vous comprenez ce qui se passe. Vous ne nous avez rien donné», a écrit sur Twitter Feyikemi Abudu, l’une des figures de la contestation.  

Ce mouvement a commencé début octobre pour protester contre les violences policières, les manifestants demandaient notamment la fin d’une unité de police accusée de racketter la population, d’arrestations illégales, de torture et même de meurtre.  

Le 12 octobre, le président avait annoncé la dissolution de cette brigade et promis de réformer la police. 
 
Jeudi soir, M. Buhari a affirmé avoir «montré des signes de faiblesse en acceptant les cinq demandes faites par les manifestants» pour réformer la police.
Rapidement, le mouvement s’est mué en un soulèvement contre le pouvoir. Depuis deux semaines, au moins 56 personnes sont mortes dans ces manifestations, selon Amnistie internationale.
Le discours de M. Buhari était très attendu par les 200 millions de Nigérians, mais aussi au-delà des frontières du pays.  

Des vidéos de manifestants agitant des drapeaux et chantant l’hymne national face à des militaires qui tiraient au-dessus d’eux ont été relayées dans le monde, provoquant l’indignation.  

Les États-Unis, l’Union africaine, l’Union européenne et l’ONU ont condamné les violences et ont demandé que leurs responsables soient traduits en justice.  Jeudi soir, le président les a remerciés, les invitant cependant «à attendre d’avoir tous les éléments entre les mains avant de juger».
La déception était grande jeudi aussi parce que de nombreux Nigérians attendaient du discours du président que les responsables de la répression soient désignés.
L’armée et la police, pourtant mises en cause, ont nié être impliquées. 
 
Après ce «mardi sanglant», comme l’ont appelé les Nigérians indignés, Lagos a plongé dans le chaos, des supermarchés ont été pillés, des coups de feu ont été tirés, et deux prisons ont été attaquées avant que les forces de l’ordre n’en reprennent le contrôle.

Un entrepôt où étaient stockés des milliers de sacs de vivres destinés à être distribués aux ménages pauvres affectés par la pandémie du coronavirus a aussi été pillé jeudi.

Sur des vidéos, on pouvait voir des centaines d’hommes et de femmes transportant des sacs blancs estampés du sigle «Covid».  

Le Nigeria, première puissance économique du continent africain grâce à son pétrole, est aussi le pays au monde qui compte le plus grand nombre de personnes vivant sous le seuil de l’extrême pauvreté.

À Lekki, le quartier de Lagos où l’armée avait tiré sur les manifestants, les soldats avaient repris le contrôle des rues jeudi. La situation était calme autour d’un grand centre commercial totalement détruit. 
 
«Maintenant ils savent de quoi nous sommes capables», a dit l’un des jeunes, toujours présent sur les lieux et toujours en colère. «On ne croira plus à leurs conneries désormais», a-t-il lancé, la voix éraillée. «Nous avons juste faim, nous sommes fatigués». - AfricaLog avec agence  

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