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Déclaration d’urgence sanitaire nationale: Devrait-il avoir polémique?

Aug 23, 2014
Déclaration d’urgence sanitaire nationale: Devrait-il avoir polémique?

Le mercredi 13 août 2014, une Déclaration d’Urgence sanitaire nationale était lue sur les antennes des médias d’Etat dans laquelle le Président de la République annonçait: « … l’OMS a déclaré l’Urgence sanitaire mondiale contre la maladie à virus Ebola.

- Considérant que la Guinée est membre signataire de la Constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé,
- Vu la Loi 97/021/AN du 19 juin 1997, portant Code de santé publique qui a pour principe fondamental d’assurer la protection et la promotion de la santé des individus, des familles et des collectivités en République de Guinée,
- Vu les dispositions relatives à la gestion des épidémies: Je déclare l’Urgence sanitaire nationale contre la maladie à virus Ebola en République de Guinée».

Alors que l’attention semblait se focaliser sur la mise en œuvre de cet acte présidentiel, des voix se sont élevées par rapport à la couverture juridique qui devrait le revêtir. L’une de ces voix, c’est bien celle de l’Universitaire Mohamed Camara, éminent juriste bien connu de la place.

Sans hésiter, il fait un rappel à l’ordre qui ne dit pas son nom: «Pour que l'on puisse parler de l'état d'urgence sanitaire, il y a lieu d'abord d'avoir une base juridique. En Guinée, il y a une loi organique L 016 du 23 décembre 1991 portant état d'urgence et état de siège. L'état d'urgence, fut-il sanitaire, se décrète, contrairement à ce qu'on a vu cette année à la RTG. C'est une déclaration qui y a été faite. Et pourtant, quand vous prenez la nomenclature des textes en Guinée, la déclaration ne se trouve pas sur les éléments indiqués à l'article 09 du Code civil».

Et pour cela, Mohamed Camara fait état de la nomenclature des actes en République de Guinée : «En Guinée, tout commence par la Constitution, après arrive la Proclamation, les traités, après il y a la Loi, l'Ordonnance, le Décret, l'Arrêté ministériel, la Décision ministérielle, l’Arrêté régional et enfin, la Décision régionale. Donc, nulle part, vous ne voyez la question de la déclaration. Encore que l'article 01 de la loi 016 du 23 décembre 1991 portant état d'urgence/état de siège indique très clairement que c'est par Décret que cela est institué. Si la mesure est salutaire au fond, sur la forme, elle soulève, un problème juridique».

Cependant, le Chef de l’Etat, avant de faire ladite Déclaration d’Urgence sanitaire, avait tenu à préciser, lors de la conférence qu’il a animée la veille de son acte que «Quand on dit état d’urgence, c’est une disposition qui limite les libertés des gens. En réalité, il s’agit d’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire, toutes les mesures qu’il faut pour renforcer l’aspect sanitaire ; renforcer la sensibilisation. Il ne s’agit pas de fermer les frontières. Il ne s’agit pas de proclamer l’état d’urgence. L’état d’urgence, c’est une connotation militaire», SIC.

Le juriste de poursuivre son constat: «Sur le fondement de l’article 2 de la Loi citée plus haut, l’état d’urgence peut être décrété "sur tout ou partie du Territoire de la République de Guinée, soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas menées subversives de nature à compromettre la sécurité intérieure, soit en cas d’événement présentant, par leur nature et leur gravité, un caractère de calamité publique". On se trouve dans le troisième cas de figure (calamité publique : Ebola en est une. Pour preuve, le cordon va être tenu par le personnel médical, les forces de défenses et de Sécurité). En droit, c’est la précision et l’indication des sources légales de rattachement. C’est autant dire qu’il n’ya pas de prix Nobel en droit, tout étant écrit», conclut l’Universitaire Mohamed Camara.

Le porte-parole du gouvernement apportera une précision tant la question a commencé à faire débat par rapport à la différence entre cette "Déclaration d’urgence sanitaire" et l’instauration de "l’état d’urgence": «L’état d’urgence, tel qu’il est prévu dans notre Constitution et tel qu’il a été appliqué en Sierra Leone et au Libéria, est totalement différent de la Déclaration d’urgence sanitaire nationale».

Après avoir défini l’état d’urgence qui se caractérise notamment par la restriction des libertés sous toutes leurs formes, restriction marquée par le déploiement des forces armées sur le territoire national, la fouille des maisons et d’autres lieux privés sans mandat, des arrestations sans charge, la confiscation et/ou la destruction des propriétés privées sans compensation, etc., Albert Damantang Camara de soutenir: «Je ne crois pas que c’est ce que la Guinée veut faire pour son pays et cela nous d’ailleurs été fortement déconseillé, lorsque nous en avons débattu avec nos partenaires au développement comme l’OMS mais également, les représentations diplomatiques occidentales».

«Il s’agit, dans la Déclaration d’Urgence sanitaire nationale donc, pas Déclaration d’état d’urgence, de prendre des mesures complémentaires qui viennent compléter celles qui ont déjà été prises et qui vont permettre d’aller plus loin dans la riposte à l’épidémie de la fièvre Ebola et surtout, d’éviter des contaminations supplémentaires donc, briser la chaîne de contamination: c’est ça la Déclaration d’Urgence sanitaire qui n’a rien à voir avec l’état d’urgence», devait souligner le Ministre Albert Damantang Camara.
La dernière précision gouvernementale est apportée par le Ministre d’Etat, Ministre des Affaires étrangères et des Guinéens de l’étranger. C’était à la faveur de la réunion de travail que le Président de la République a convoquée le mardi, 19 août 2014 à Sèkhutureya et à laquelle ont été conviés ambassadeurs et représentants de compagnies de transport aérien.

Lousény Fall abordera le sujet par un rappel: «Concernant l’Urgence sanitaire, c’est à la suite d’une réunion de l’OMS qu’il a été demandé aux Etats qui sont victimes de cette épidémie de faire cette Déclaration d’Urgence médicale».

Dans sa mise au point, il dira que «Cela n’a rien n’à voir avec l’état d’urgence. Nous n’allons pas dans les problèmes constitutionnels. Nous sommes dans une situation sérieuse. Ce sont des mesures que le gouvernement prend afin de contenir l’épidémie et de faire en sorte que nous puissions sortir de cette crise».

Et dans le cas précis, a relevé le Ministre Fall, «je crois que l’on n’a pas besoin d’un décret» et a souligné que «C’est une Déclaration qui répond à une recommandation d’une Organisation internationale. Et une Déclaration faite par le gouvernement a une force réelle. Ça montre la volonté du gouvernement réellement de prendre toute les mesures qu’il faut pour que nous puissions faire face à cette crise».
La polémique devrait-elle continuer? That is the question, now.

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