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L'élection d'Obama relance le débat sur la diversité en France

Nov 06, 2008

Parce qu'elle souligne l'absence quasi-totale en France des Noirs et des Maghrébins dans la vie publique, l'élection de Barack Obama relance le débat sur la diversité dans la politique française. Démarche a priori isolée, le Conseil représentatif des associations noires de France veut se rendre dès mercredi à l'Elysée pour demander à Nicolas Sarkozy "d'apporter une réponse politique à l'espoir suscité par Obama".

Le CRAN, association minoritaire dont la représentativité est contestée, réclame l'évaluation des discriminations en France sur la base de "statistiques de la diversité" et une "véritable politique d'action positive". Dans un des pays les plus multi-ethniques d'Europe en raison de son passé colonial, les élus et les directions des partis sont presque uniformément blancs. Rama Yade, secrétaire d'Etat aux Droits de l'homme et seule Noire du gouvernement, se vit d'ailleurs comme "une exception un peu douloureuse".

"Le souffle provoqué par l'élection de Barack Obama doit sonner le moment pour nous aussi de la mobilisation", a-t-elle souhaité sur France Info. "Pour moi, c'est un honneur, mais quand on voit les Etats-Unis avec ces 641 maires noirs, ces quatre gouverneurs noirs, deux secrétaires d'Etat aux Affaires étrangères qu'ont été Colin Powell et Condoleezza Rice, et 42 Noirs à la Chambre des représentants, on se dit qu'il y a encore du travail à faire."

"LES GENS SONT PRÊTS"

Pour elle, les partis politiques sont coupables de ne pas faire monter une nouvelle génération, plus représentative de la société française. "Il faut que les personnalités politiques qui détiennent des mandats depuis 20 ou 30 ans puissent former des héritiers", a-t-elle souligné. Au Parti socialiste, qui s'apprête à renouveler sa ligne et sa direction, Ségolène Royal, Martine Aubry, Bertrand Delanoë et Benoît Hamon n'ont par exemple, à quelques exceptions près, ni Noirs ni Maghrébins dans leurs équipes.

Interrogé par Reuters, Razzye Hammadi, un des secrétaires nationaux du PS, déplore cette situation que le PS gère mal à ses yeux. "Jusqu'à 28 ans, j'ai été Français, depuis que je suis candidat, je suis issu de la diversité", raconte-t-il. Issue des banlieues et du milieu associatif, la secrétaire d'Etat à la Politique de la ville Fadela Amara met également en cause les appareils des partis politiques.

"Il faut que les partis aillent chercher des candidats issus de l'immigration, de toutes les origines, et qu'ils les offrent aux électeurs. Les gens sont prêts, c'est le système politique qui est en retard", a-t-elle dit dimanche dernier au JDD. Selon un sondage publié ce week-end, 80% des Français sont prêts à élire un jour un président noir et 58% pourraient choisir un Maghrébin mais ils ne croient pas à ce scénario.

Relancé après les violences de banlieues en 2005, le débat sur la "discrimination positive" est au point mort en France, où le principe d'égalité entre les citoyens y fait obstacle. Nicolas Sarkozy est un adepte de longue date d'une "affirmative action" à la française sur le modèle de la politique lancée aux Etats-Unis dans les années 1960 qui consiste à réserver aux minorités un accès prioritaire aux universités et aux emplois publics. En tant que ministre de l'Intérieur, il a nommé en 2004 Aïssa Dermouche préfet du Jura. Une fois élu président de la République, il a fait entrer au gouvernement Fadela Amara, Rama Yade et Rachida Dati. Mais toutes trois sont plutôt opposées à la discrimination positive.

Si Rachida Dati a imposé des quotas de femmes chez les procureurs généraux, elle n'a ainsi jamais évoqué les quotas de Noirs ou de Maghrébins ou même des mesures en leur faveur, notamment pour l'Ecole nationale de la magistrature.

Pour l'universitaire Gwénaële Calvès, spécialiste du sujet, la discrimination positive à l'américaine n'est pas transposable en France où les citoyens noirs ou maghrébins sont issus d'une immigration plus récente qu'aux Etats-Unis. Mais ce professeur de droit n'exclut pas une "instrumentalisation" du parallèle entre les situations.

Le problème de la représentation est plus général à ses yeux. "Est-ce que les jeunes, Noirs ou non, se sentent représentés par le Sénat français ? Les politiques sont coupés de la demande sociale, tout le monde se sent floué, dépossédé", a-t-elle déclaré à Reuters. 

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