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Les petites affaires étrangères du consultant Kouchner

Feb 02, 2009

On se souvient du champion du droit d’ingérence qui, dans un rapport commandité par Total, avait absous la compagnie pétrolière française des soupçons de travaux forcés en Birmanie lors de la construction d’un oléoduc. Voici l’ancien French doctor Bernard Kouchner affublé ces jours-ci d’un nouveau costume peu reluisant : celui de conseiller de potentats africains en matière de santé, surtout soucieux de recouvrer les factures impayées, y compris après sa nomination à la tête de la diplomatie française.

Cette accusation extrêmement grave, Pierre Péan la porte dans un ouvrage à paraître mercredi (1), et dont l’hebdomadaire Marianne publie cette semaine les bonnes feuilles. L’affaire, qui avait déjà filtré il y a deux semaines sur le site Internet du même magazine, avait alors été qualifiée d’«allégations inexactes» par le principal intéressé, qui ne souhaite pas s’exprimer publiquement. Elle fleure bon cette «Françafrique» qui, décidément, ne veut pas mourir.

L’histoire débute lors de la petite «traversée du désert» connue par la personnalité politique préférée des Français. Après la réélection de Jacques Chirac à l’Elysée, en mai 2002, Bernard Kouchner quitte le ministère de la Santé. Peu après, il se lance dans le consulting. En 2003 et 2004, comme l’avait révélé à l’époque la Lettre du Continent, les sociétés Imeda (International Medical Alliance) et Africa Steps - dirigées par deux de ses proches, Eric Danon et Jacques Baudouin - signent deux contrats avec le ministère de la Santé du Gabon, pays peu connu pour son souci de bonne gouvernance. Ils portent sur un «audit complet du système gabonais et [une] proposition de réforme», et sur «l’élaboration d’un nouveau plan national de développement sanitaire». Le tout pour une somme dépassant les 2 millions d’euros. L’ancien ministre de la Santé de Lionel Jospin sera le maître d’œuvre de ces études.

«Son devoir». Interrogé par Libération, un proche de Kouchner, qui a requis l’anonymat, affirme qu’un rapport d’une centaine de pages a été remis aux autorités de Libreville, ajoutant qu’une loi instaurant une caisse d’assurance-maladie a bien été votée par le Parlement gabonais en janvier 2007.

Le paiement de la facture s’avère plus problématique. En mai 2007, au lendemain de sa victoire à la présidentielle, Nicolas Sarkozy nomme Bernard Kouchner au Quai d’Orsay, au grand dam des socialistes. A cette date, le contrat gabonais n’a pas encore été totalement réglé. D’après Pierre Péan, qui toutefois ne fournit pas la preuve de ce qu’il avance, le nouveau chef de la diplomatie française aurait sollicité, le 25 mai 2007, l’aide du chef de l’Etat gabonais, Omar Bongo, lors de sa première visite à Paris au président Sarkozy, pour régler le reliquat. Bernard Kouchner dément formellement.

En août et surtout en septembre 2007, alors qu’il a déjà été nommé ambassadeur de France à Monaco, Eric Danon envoie des lettres de relance aux autorités gabonaises, dont le site Bakchich s’est procuré les fac-similés. Interrogé par le Monde, Danon en a confirmé l’authenticité, tout en affirmant qu’il s’agissait de simples «actes de gestion». «En tant que chef d’entreprise, ce n’était pas seulement son droit, mais son devoir» que d’obtenir le règlement de cet impayé, assure, le plus sérieusement du monde, l’un de ses proches. Qui ne s’alarme pas d’une quelconque confusion des genres.

Finalement, le reliquat de 817 000 euros aurait été réglé en deux fois par les autorités de Libreville en 2008. En mars, le secrétaire d’Etat à la Coopération, Jean-Marie Bockel, était muté sans ménagement par Nicolas Sarkozy aux Anciens-Combattants après avoir stigmatisé, sans les nommer, les piliers de la Françafrique. Au pouvoir depuis 1967, Omar Bongo s’était, à juste titre, senti visé, et avait demandé expressément à son homologue français la tête de l’impudent ministre.

«Placement». Pierre Péan dénonce dans son ouvrage un «conflit d’intérêts», notant que Kouchner effectuait ses missions de consulting pour Bongo alors même qu’il dirigeait le groupement d’intérêt public, Esther (Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau), associant des établissements des pays du Nord à ceux du Sud. L’ancien fondateur de Médecins sans frontières avait été nommé à ce poste en novembre 2003 par le Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, et Esther bénéficiait de fonds importants alloués par le gouvernement français.

«La commande d’un rapport à une personnalité politique française n’a pas d’importance aux yeux d’un Omar Bongo, tranche Vincent Hugeux, auteur des Sorciers blancs (Fayard), une enquête sur les réseaux françafricains. C’est avant tout un placement pour l’avenir.» De fait, le président gabonais a toujours su se montrer généreux, à droite comme à gauche. En échange, le soutien des gouvernements français ne lui a jamais fait défaut depuis qu’il est au pouvoir. - Libération

(1) Le Monde selon K., Pierre PĂ©an.

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