Les autorités maliennes ont reconnu jeudi avoir perdu Kidal, ville du Nord reprise par les rebelles touaregs, une cinglante défaite qui les a contraintes à un humiliant «cessez-le-feu immédiat» et à envisager de demander un appui à la force française déployée dans la région.
«Actuellement, nous nous sommes retirés de Kidal», qui fut le théâtre mercredi de combats entre soldats maliens et groupes armés, a déclaré le ministre malien de la Défense Soumeylou Boubèye Maïga à l'antenne de la télévision publique malienne ORTM.
Mais, a-t-il affirmé, les forces maliennes conservaient jeudi leurs positions «intactes» partout ailleurs dans le nord du pays. «Ménaka n'est pas tombée. Et partout dans les autres secteurs, nos positions sont intactes : Tessalit, Aguelhoc, dans le secteur de Gao, Tombouctou...».
Mercredi, un responsable du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA, rébellion touarègue indépendantiste) avait affirmé qu'une coalition de trois groupes armés avait combattu les forces maliennes à Kidal, tombée sous leur contrôle. Il avait ajouté que ces groupes avaient ensuite pris, sans combats, d'autres villes du Nord abandonnées par les soldats maliens, citant Anderamboukane, Ménaka, Aguelhoc, Tessalit, Anefis.
Ces informations n'ont pas été confirmées de source indépendante.
Ménaka est «sous pression» des groupes armés, a admis jeudi M. Maïga.
«Et sur Ménaka, nous sommes en relation avec la force Serval (de la France) qui est prête à considérer positivement notre demande d'appui», a-t-il dit sans préciser la nature de cet appui.
Paris de son côté a appelé jeudi à une reprise urgente du dialogue.
«Il est essentiel que les hostilités cessent et que des pourparlers inclusifs démarrent» entre rebelles touaregs et Bamako, a estimé le ministère français des Affaires étrangères.
Les combats avaient éclaté le 17 mai à Kidal entre forces maliennes et groupes armés touaregs, à l'occasion d'une visite du premier ministre Moussa Mara, et ont fait des dizaines de morts, se soldant par la déroute des forces régulières.
Environ 45 soldats français étaient présents, mais le rôle des forces françaises s'est borné à assurer la sécurité du premier ministre malien, selon l'état-major des armées françaises.
Kidal - à 1500 km au nord-est de Bamako - est un défi pour l'État malien : dans ce fief du MNLA, il n'a jamais réussi à complètement reprendre pied, malgré l'offensive lancée en 2013 par l'armée française qui a permis de libérer le Nord du Mali de l'emprise de groupes islamistes.
Les dernières violences ont suscité à Bamako et dans plusieurs villes des réactions d'hostilité envers les soldats français et onusiens déployés dans le Nord, accusés de passivité vis-à -vis du MNLA et des indépendantistes touaregs.
«Libérez Kidal!», «MINUSMA (force de l'ONU), à bas! La France, à bas!», «MINUSMA dégage!», a-t-on entendu lors de manifestations à Bamako, Gao, Goundam (nord).
Les autorités ont multiplié les appels au calme et à la retenue.
Après avoir reconnu l'échec de l'armée et appelé à un «cessez-le-feu immédiat», le gouvernement a demandé aux Maliens de faire preuve «d'un sens élevé de la responsabilité, pour éviter tout amalgame ou toute stigmatisation pouvant entamer la cohésion nationale et nuire à la qualité des relations avec les partenaires du Mali». «La MINUSMA, la force Serval et les représentants de la communauté internationale (...) ne sont pas nos ennemis», a-t-il souligné.
Selon le ministre malien de la Défense, 97 soldats maliens, dont 22 blessés», étaient jeudi à Kidal dans un camp de la MINUSMA.
Il a précisé que le nombre de morts et de prisonniers n'était pas encore disponible, en soutenant cependant qu'il y avait moins de détenus qu'annoncé par les groupes armés.
Le MNLA a fait état de quarante soldats maliens tués, cinquante blessés et 70 faits prisonniers après les affrontements de ces derniers jours.
Pour Bamako, des «groupes rebelles» touaregs sont responsables de l'attaque, mais avaient reçu le soutien de «terroristes d'AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique) et (de) narcotrafiquants».
Des témoins à Kidal ont évoqué la présence, aux côtés des combattants touaregs, de «djihadistes» portant des «pantalons coupés court» typiques des fondamentalistes et qui criaient «Allah akbar (Dieu est grand)».
Selon une source sécuritaire africaine, plusieurs groupes armés ont pris part aux affrontements : le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA) était en pointe des combats, au côté du MNLA et du Mouvement arabe de l'Azawad (MAA).
Le HCUA a été formé par des dissidents du groupe djihadiste Ansar Dine, dirigé par l'islamiste malien Iyad Ag Ghaly, aujourd'hui en fuite.
Des renforts français ont été envoyés en urgence à Gao et Kidal (un peu moins de cent hommes), pour un total de 1600 hommes dans l'ensemble du Mali.
Leur mission est d'appuyer les forces maliennes et de l'ONU, de lutter contre les «groupes terroristes» et non d'intervenir dans les affaires maliennes, avait rappelé mardi le Quai d'Orsay.
En raison de la situation, le chef de l'État mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, président en exercice de l'Union africaine, était jeudi à Bamako. – AfricaLog avec agence