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Mugabe démissionne pour éviter une destitution humiliante

Nov 21, 2017
Mugabe démissionne pour éviter une destitution humiliante

Robert Mugabe a mis fin mardi à son règne autoritaire de trente-sept ans à la tête du Zimbabwe en présentant sa démission de la présidence du pays, poussé de plus en plus vers la sortie par l'armée, son propre parti et la rue au terme d'une semaine de crise.

Le plus vieux dirigeant en exercice de la planète, âgé de 93 ans, a annoncé sa décision dans une lettre envoyée au président de l'Assemblée nationale, qui débattait depuis le début de l'après-midi de sa destitution.

«Moi, Robert Gabriel Mugabe, (...) remets formellement ma démission de président de la République du Zimbabwe avec effet immédiat», a lu Jacob Mudenda, provoquant un tonnerre d'applaudissements dans les rangs des élus.

Très attendue, l'annonce du départ du chef de l'État a été saluée par des milliers de personnes en liesse, dansant dans les rues de la capitale Harare, accompagnées d'un concert de klaxons.

«Je suis si heureux que Mugabe soit parti», a réagi Tinashe Chakanetsa, 18 ans. «Trente-sept ans de dictature, c'est pas rien. Maintenant, je rêve d'un nouveau Zimbabwe dirigé par le peuple et non une seule personne. J'ai hâte de trouver un boulot une fois que l'économie sera remise sur pied.»

«Nous sommes tout simplement tellement heureux. Enfin, les choses changent», a lancé Togo Ndhlalambi, coiffeur de 32 ans. «On se réveille depuis si longtemps en attendant ce jour. Ce pays a traversé tant de périodes difficiles.»

Accueilli en libérateur à l'indépendance de la colonie britannique en 1980, le «camarade Bob» a dirigé son pays d'une main de fer, muselant tous ses opposants et ruinant son économie. Mais il semblait indéboulonnable, dernier chef d'État africain issu des luttes pour l'indépendance encore au pouvoir.

La première ministre britannique Theresa May a salué son départ, estimant qu'elle « offre au Zimbabwe l'opportunité de se forger une nouvelle voie, libre de l'oppression qui a caractérisé son pouvoir ».
C'est sa deuxième épouse, Grace Mugabe, 52 ans, qui a précipité la chute de son régime.

Le 6 novembre, elle a obtenu l'éviction du vice-président Emmerson Mnangagwa, qui lui barrait la route dans la course à la succession de son mari, à la santé de plus en plus fragile.

L'éviction de ce fidèle du régime, héros de la lutte de « libération » du Zimbabwe, a provoqué l'intervention de l'armée, qui contrôle le pays depuis la nuit du 14 au 15 novembre.

Les militaires, qui se sont défendus de mener un coup d'État, essayaient depuis d'obtenir en douceur la reddition du chef de l'État afin d'éviter les critiques et les menaces d'une éventuelle intervention des pays voisins, où l'aura du « libérateur » Robert Mugabe est restée très forte.

Mais à plusieurs reprises, M. Mugabe a catégoriquement rejeté les appels à la démission. Dimanche soir, il s'est même permis un ultime bras d'honneur en refusant d'annoncer à la télévision nationale le départ que tout le monde attendait.

La direction de la Zanu-PF, son propre parti, l'avait pourtant spectaculairement démis de ses fonctions de président dimanche, avait exclu de ses rangs son épouse et avait menacé de le révoquer s'il refusait de se démettre.

Faute de signe de sa part, la Zanu-PF a lancé mardi au Parlement une procédure de destitution, du jamais vu dans l'histoire du pays.
«Mugabe a autorisé sa femme à abuser des ressources de l'État (...), à insulter et humilier le vice-président de ce pays, l'honorable Emmerson Mnangagwa» et à «menacer de tuer le vice-président Mnangagwa», l'a accusé son parti dans sa motion de destitution.
Le débat avait à peine commencé au Parlement, lorsque le président de l'Assemblée a lu la lettre de démission de M. Mugabe.

«Ma décision de démissionner est volontaire. Elle est motivée par ma préoccupation pour le bien-être du peuple du Zimbabwe et mon souhait de permettre une transition en douceur, pacifique et non-violente qui assure la sécurité nationale, la paix et la stabilité», a écrit le chef de l'État démissionnaire.

Des Zimbabwéens euphoriques ont immédiatement retiré le portrait de M. Mugabe qui trônait dans le centre de conférences d'Harare où le parlement était réuni.

Samedi, à l'appel des anciens combattants de la guerre d'indépendance devenus les fers de lance de la fronde, des dizaines de milliers de manifestants étaient descendus dans les rues de Harare et de Bulawayo, la deuxième ville du pays (sud-ouest), aux cris de «Bye bye Robert» et «Adieu grand-père».

Selon toute vraisemblance, la période de transition qui s'ouvre devrait être dirigée par l'ancien vice-président Mnangagwa.

Celui-ci ayant été limogé, c'est en principe l'autre vice-président du pays, Phelekezela Mphoko, un proche de la Première dame exclu de la Zanu-PF, qui devrait prendre les rênes du pays, selon la Constitution.

«Je pense qu'Emmerson Mnangagwa va prêter serment très rapidement», a anticipé l'analyste Derek Matyszak, de l'Institut pour les études de sécurité (ISS) de Pretoria.

«D'après ce que je sais, Mphoko n'est pas dans le pays. Le gouvernement devrait se réunir (...) et nommer un président ou un vice-président».

En exil, M. Mnangagwa est sorti mardi du silence pour inviter dans un communiqué M. Mugabe à « tenir compte des appels lancés par le peuple à sa démission de façon à ce que le pays puisse avancer ». C'était chose faite quelques heures plus tard.

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