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Orphelins et émus, les Cubains rendent hommage au «Comandante»

Nov 29, 2016
Orphelins et émus, les Cubains rendent hommage au «Comandante»

Des centaines de milliers de Cubains se sont recueillis, émus, lundi sur la célèbre place de la Révolution à La Havane face aux portraits de Fidel Castro, premier acte d'une semaine d'hommages rendus au «Comandante» mort vendredi à 90 ans.

Partout dans leur île, les Cubains étaient aussi invités à signer des registres dans un millier d'écoles, d'hôpitaux et d'autres bâtiments publics pour «jurer» de respecter leur «engagement à préserver le legs du Commandant en chef et à défendre les conquêtes de notre révolution».

Larmes aux yeux ou véritables scènes de pleurs, les inconditionnels de Fidel laissaient parler leur émotion, tandis que le point culminant de ces hommages sera les funérailles dimanche à Santiago de Cuba de l'ex-président, figure de la Guerre froide qui a forgé le destin de son pays avant de céder le pouvoir à son frère Raul en 2006, pour raisons de santé.

«Notre commandant est passé à l'immortalité», assure sur la place de la Révolution Pedro Alvarez, un professeur d'université de 36 ans. Il y défile devant l'un des trois portraits en noir et blanc de Fidel Castro installés sur la vaste esplanade d'où la voix du Lider Maximo a souvent résonné à l'occasion de tonitruants et interminables discours.

En mars, Barack Obama avait été le premier président américain depuis 1928 à poser le pied sur cette place emblématique de la capitale, signe du dégel historique amorcé fin 2014 avec son homologue Raul Castro.

Ce rapprochement se trouvait lundi brusquement menacé par le président-élu des États-Unis Donald Trump, qui a averti dans un tweet qu'il «mettrait fin au dégel avec Cuba si Cuba ne veut pas sceller un meilleur accord pour le peuple cubain».
La Maison Blanche a réagi en défendant ce rapprochement, «bénéfique pour le peuple cubain et aussi bénéfique pour le peuple américain».

Les déclarations de Donald Trump ont déconcerté et indigné les Cubains rencontrés place de la Révolution.

«Il est stupide! Déclarer de telles choses un jour comme celui-ci, où le peuple est en deuil (...) Il n'a aucun respect», s'est irrité Maurico Paz Acosta, 76 ans, un ancien de la guérilla qui porta les castristes au pouvoir en 1959.

Pour Michael Shifter, qui dirige le centre de réflexion américain Inter-American Dialogue, «la mort de Castro oblige (Trump) à prendre position pour satisfaire les Cubano-Américains du Parti républicain et se différencier d'Obama», mais les intentions du président-élu vis-à-vis de Cuba sont encore incertaines.

Hasard du calendrier, le premier avion à avoir effectué un vol commercial régulier entre les États-Unis et La Havane en plus de 50 ans a atterri lundi matin en provenance de Miami, nouvelle étape du dégel après l'ouverture de premières liaisons régulières avec la province cubaine le 31 août.

Mardi soir, les hommages à Fidel Castro se poursuivront avec une «cérémonie de masse» à laquelle ont été conviés la communauté diplomatique et les chefs d'État étrangers.
Une invitation à laquelle peu ont répondu: le président américain Barack Obama a fait savoir qu'il n'irait pas, son homologue français François Hollande non plus, se faisant représenter par sa ministre de l'Écologie Ségolène Royal.

En revanche, les dirigeants du Zimbabwe Robert Mugabe, de Guinée Equatoriale Teodoro Obiang, d'Afrique du Sud Jacob Zuma seront présents, de même que l'ancien roi d'Espagne Juan Carlos, l'ex-chancelier allemand Gerhard Schröder ou les vice-présidents iranien et chinois.

La gauche latino-américaine, à laquelle la révolution cubaine avait donné l'inspiration, sera représentée par les présidents d'Equateur Rafael Correa, de Bolivie Evo Morales ou encore du Nicaragua Daniel Ortega.

C'est au cimetière de Santa Ifigenia de Santiago de Cuba, qui abrite déjà la tombe du héros national de l'indépendance Jose Marti, que les cendres du Lider Maximo seront mises en terre dimanche.

Avant cela, elle auront traversé le millier de kilomètres séparant La Havane de Santiago, de mercredi à samedi.

L'urne funéraire n'a toutefois pas été présentée au public lundi, contrairement à ce que beaucoup espéraient place de la Révolution, tel Alberto Gonzalez, un médecin de 63 ans en blouse blanche. «Mais ce n'est pas l'essentiel, le plus important, c'est d'être ici et de lui rendre hommage».

Ecoliers, militaires, anciens combattants, médecins et infirmiers, douaniers, beaucoup portent l'uniforme. Alentour, une discrète présence policière est visible.

Certains immortalisent l'évènement avec leurs téléphones portables, beaucoup ont les larmes au yeux, et regardent une photo géante du célèbre «barbudo» sur la façade du bâtiment très stalinien de la Bibliothèque nationale.

«C'est le père de tous les Cubains, mon papa était mon papa, mais il n'a pas pu me donner ce que (Fidel) m'a donné. Il m'a tout donné, la liberté, la dignité», confie Lourdes Rivera, une fonctionnaire à la retraite de 66 ans qui a apporté un bouquet de glaïeuls.

En vertu du deuil national décrété de vendredi à dimanche, les rassemblements et les spectacles ont été annulés, les matches de baseball suspendus, les discothèques fermées et la vente d'alcool interdite.

L'hommage à Fidel Castro laissait en revanche de marbre la plupart des dissidents, qui ont choisi de rester discrets pendant ces neuf jours de deuil par respect, mais aussi de crainte de cinglantes représailles.

«On va rester tranquille, même si (Fidel) est le principal responsable de la misère et de l'absence de droits politiques à Cuba», explique Jose Daniel Ferrer, dissident historique et ex-prisonnier politique.

Passé le deuil, les dissidents assurent qu'ils reprendront leur lutte contre le régime. «Nous allons continuer à combattre le système que (Fidel) a créé. C'est cela, notre véritable ennemi», assure M. Ferrer.

Daniel Martinez, un cuisinier de 33 ans, ne porte pas non plus Fidel Castro dans son coeur, mais ne cautionne pas pour autant la liesse qui s'est emparée d'une partie de la communauté cubaine de Floride. «Je ne suis pas castriste mais je n'ai rien de personnel contre Fidel. Sans me considérer comme opposant, je n'aime tout simplement pas ce système, ni avec Fidel, ni avec Raul. Parce que rien ne change ici, rien ne bouge». – AfricaLog avec agence

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