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Silence, On sanctionne!

Nov 11, 2014
Silence, On sanctionne!

En milieu de semaine écoulée, on rapportait que le commandant du Bataillon Autonome des Troupes Aéroportées (BATA), Mohamed Lamine Diarra et deux de ses hommes (un sergent et un caporal) ont fait irruption au tribunal de première instance de Dixinn, séquestrant et brutalisant un juge ; troublant ainsi l'audience du tribunal.

La raison de ce trouble est ainsi racontée: «Tout a commencé dans la matinée, quand une femme dont la fille serait victime de viol s'est mise à murmurer. Elle accusait un juge d'avoir libéré « le violeur » de sa fille. Vers 15 heures, elle s'introduit au cinquième cabinet des juges en compagnie de trois bérets rouge venus lui prêter main-forte. Pendant ce temps, l'audience du tribunal se poursuit juste à côté, dans la salle d'audience. Tout à coup, on entend depuis la salle d'audience : "Tu ne sors pas d'ici ! Tu es qui pour libérer les criminels ! Tu es qui pour libérer les violeurs !" Ça crie davantage. Le président audiencier suspend l'audience, tout le monde se précipite vers le cinquième cabinet des juges. Les gardes pénitentiaires voient le juge Morlaye Soumah pris au collet par le commandant Mohamed Lamine Diarra. Les gardes s'attaquent au commandant et à ses deux hommes».

En plein brouhaha, les magistrats appellent la gendarmerie. Et quelques instants plus tard, ce sont les éléments de la police militaire qui font leur apparition sur les lieux. Ils mettent la main sur les fauteurs de trouble. De la salle d'audience, les militaires sont conduits au parquet (bureau des substituts du procureur. On demande à tous ceux qui ne sont pas militaires ou paramilitaires de quitter les lieux, notamment la Cour du tribunal. Les tractations et autres négociations s’engagent. Le personnel du tribunal s'impatiente. Il veut aussitôt voir les "perturbateurs" placés sous mandats de dépôt. Magistrats et avocats crient leur indignation et martèlent: «Ce n'est pas à négocier. C'est du flagrant délit, il faut qu'ils soient placés sous mandat de dépôt».

On apprendra que le commandant a nié les faits devant le procureur. «Il (le commandant) dit qu'il a juste demandé des explications aux juges».

Au finish, magistrats, gendarmes et militaires sortent du Parquet. Le commandant du BATA et ses deux hommes montent à bord du véhicule du commandant de la gendarmerie de la région de Conakry, colonel Balla Samoura. Direction, centre ville de Kaloum.
Le ministre délégué à la défense, Me Abdoul Kabèlè Camara, avocat de son état, demande de les recevoir avant qu'ils ne soient conduits à la Maison Centrale. Le personnel du tribunal émet un doute. Et, des menaces sont aussitôt, proférées. Un garde pénitentiaire lâche, amer: «Je les ai prévenus, s'ils libèrent ces gens, nous allons les désobéir». Quant au juge, il menace de « démissionner au cas où les militaires ne seraient pas jugés ou sanctionnés». Il [Morlaye Soumah] revient sur l’incident: «Quand il s'est introduit dans mon bureau, il m'a demandé : tu sais qui je suis? Je suis le commandant du BATA. Pourquoi vous avez libéré "untel" [la rédaction tait le nom de l’incriminé]».

Finalement, la sentence est tombée : le groupe de militaires a été CON-DAM-NE !
Les organisations de défense des droits humains (la FIDH, l’OGDH, MDT et AVIPA) saluent cet acte qui, selon le Vice-président de la FIDH, «montre aussi que la situation évolue, car un tel procès n’aurait probablement pas été possible il y a peu».

Thierno Maadjou Sow, président de l’OGDH, réagit: «Ce qui s’est passé au tribunal de Dixinn est extrêmement grave ! La justice est le fondement de l’Etat de droit et ne peut pas être piétinée par des militaires, dont le rôle ne devrait plus excéder la sécurité nationale. Nous apportons notre soutien au magistrat qui a été agressé et saluons qu’un procès ait pu être organisé dans les meilleurs délais».

Les trois militaires ont été jugés, en comparution immédiate, vendredi 7 novembre, devant le même tribunal. Ils étaient accusés d’outrage à magistrat, de coups et blessures et de violences. «Au terme d’un procès auquel nos organisations ont pu assister, ils ont été reconnus coupables et le commandant Diarra a été condamné à 6 mois d’emprisonnement, dont 3 avec sursis, tandis que ses subordonnés ont été condamnés respectivement à 2 et 1 mois», signalent la FIDH, l’OGDH, MDT et AVIPA.

Le Vice-président de la FIDH, Me Drissa Traoré, souligne, de son coté, que «Cette affaire illustre bien qu’il existe toujours en Guinée, particulièrement chez certains éléments des forces de l’ordre, un sentiment d’impunité mêlé d’une faible considération pour la justice, de sorte qu’un commandant peut décider de s’introduire dans le bureau d’un magistrat pour lui intimer de prendre ou de ne pas prendre une décision. Mais elle montre aussi que la situation évolue, car un tel procès n’aurait probablement pas été possible il y a peu. Il faut saluer la réaction des autorités judiciaires».

On rapporte que les trois éléments du BATA ont été effectivement incarcérés à la Maison centrale d’arrêt de Conakry, vendredi soir. Néanmoins, il semble qu’ils en aient été extraits pendant quelques heures avant d’y être réintégrés. Nos organisations demandent aux autorités judiciaires de garantir une juste application de la peine.

«Nos organisations appellent également les autorités nationales à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité des magistrats et le bon exercice de la justice, ainsi que pour garantir le strict respect, par les éléments des forces de l’ordre, de leurs attributions et consignes», souhaitent la FIDH, l’OGDH, MDT et AVIPA.

AfricaLog.com

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