En Afrique les homosexuels comptent parmi les "minorités" les plus affectées par le VIH. Ces dernières années, un phénomène d'homophobie s'est développé, contribuant à l'exclusion des MSM (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, en anglais) des traitements contre le VIH/SIDA, ont relevé des experts et chercheurs participant à la 15e Conférence internationale sur le sida et les infections sexuellement transmissibles en Afrique (ICASA), qui se déroule de mercredi à dimanche à Dakar. "38 des 53 Etats d'Afrique ont toujours des lois condamnant les minorités comme les homosexuels", s'indigne un membre d'International Gay and Lesbian Human Rights, Joël Gustave Nana, originaire d'Afrique du Sud.
Des études ont été menées pour "lever le mythe d'une Afrique n'ayant jamais connu l'homosexualité", révèle le sociologue camerounais Charles Gueboguo. Le terme homosexuel est apparu au 19e siècle. Il désigne "l'attirance d'un individu pour des personnes de même sexe ayant une implication identitaire, c'est-à -dire en tant qu'+identité homosexuelle+ ou comme étant une attirance pour les personnes de même sexe", explique le sociologue camerounais. A l'inverse, "la pratique homosexuelle s'inscrit dans l'ordre d'une pratique sexuelle où il n'y a pas systématiquement une conscience identitaire", ajoute-t-il. En Afrique, notamment en Angola, au Bénin et au Cameroun, des sociétés ont connu bien avant l'apparition de cette appellation, des expériences sexuelles chez un même genre. Aujourd'hui, ce phénomène est tabou. Il est souvent associé au problème du VIH/SIDA. En Côte d'Ivoire, le taux de prévalence des MSM "est trois fois plus élevé que la prévalence nationale", regrette le membre fondateur de l'association Arc-en-ciel (AEC), Cyraque Ako. La Côte d'Ivoire enregistre un taux de prévalence de 4,7%, le plus élevé d'Afrique de l'Ouest. La transmission du virus s'effectue dans 80% des cas chez les homosexuels. Quelques associations tentent de créer un cadre favorisant les dépistages et leur prise en charge en cas de détection d'une infection sexuellement transmissible. C'est le cas de la clinique de confiance créée dans les années 1990 afin d'assister les travailleuses du sexe. Cette structure, avec l'appui de l'association Arc-en-ciel, accueille 35 personnes sous traitement antirétroviral. Mais les MSM se heurtent à des barrières socioculturelles. Ce rejet se traduit aussi par un mouvement de violence, voire d'arrestations par la police. Joël Gustave Nana se souvient avec amertume de "l'arrestation de 11 personnes un samedi après-midi au Cameroun". "Ces personnes ont été enfermées 12 mois en prison. Parmi elles, figuraient Alim Mongochi, une personne vivant avec le VIH/SIDA, dont on avait privé de ses traitements le temps de l'incarcération. Il est décédé peu après sa sortie de prison", regrette-t-il. En fin novembre, le Burundi a introduit une loi pénalisant les pratiques homosexuelles sur son territoire. A l'échelle mondiale, 90 Etats pénalisent encore l'homosexualité. "Pour des raisons de droits de l'Homme, de santé publique et surtout d'efficacité de la réponse à l'épidémie, il ne faut aucune discrimination, que ça soit dans l'accès à la prévention et aux traitements", martèle le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères et européennes, Eric Chevallier. Certains pays européens sont en faveur d'un mouvement de "dépénalisation de l'homosexualité au niveau des Nations-Unies", explique M. Chevallier. "Nous pensons que la pénalisation de l'homosexualité n'est pas valide dans le droit international. Elle ne respecte pas les droits de l'Homme", a-t-il insisté. Victimes de persécutions, les homosexuels atteints du VIH/SIDA échappent souvent aux programmes de lutte contre la maladie. D'autres, préoccupés par leur "statut social", négligent leur traitement. "Il existe une forte auto-stigmatisation de la part des homosexuels car les malades n'osent pas, à un certain moment, prendre leur traitement", explique M. Ako. "L'homophobie rend les lesbiennes et les gays plus difficiles à toucher en terme de prévention. Ils sont plus vulnérables", témoigne l'homosexuel sud- africain, Joël Gustave Nana. "D'un côté, le ministre de la Justice nous dit +nous savons que vous avez besoin d'une prise en charge et nous vous incluons dans nos programmes de lutte contre le sida+. Mais d'un autre côté, la police arrête constamment des gays", déplore M. Nana. Et M. Nana de conclure : "nous voulons juste être acceptés et reconnus comme des être humains". - Xinhua