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La junte militaire doit se retirer du pouvoir selon l’ancien ambassadeur des Etats-Unis en Guinée

Nov 12, 2009

Les groupes de la société civile peuvent contribuer à la transition vers la démocratie.

La mesure la plus importante que puisse entreprendre la communauté internationale pour aider le Guinée à sortir de sa situation actuelle est de faire pression sur la junte militaire pour qu’elle quitte le pouvoir, de façon que les groupes de la société civile puissent contribuer à la transition vers la démocratie, a déclaré l’ancien ambassadeur des États-Unis auprès de la Guinée, M. Dane Smith.

Lors d’une conférence sur les réformes politiques en Guinée, organisée le 28 octobre à l’Institut des États-Unis pour la paix à Washington, M. Smith a dit : « Le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) doit quitter le pouvoir dans les meilleurs délais et laisser la place à un gouvernement de transition qui aura pour mandat de diriger le pays en vue d’organiser rapidement des élections. La communauté internationale, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union africaine, l’ONU, les États-Unis, l’Union européenne et d’autres entités ont toutes souligné très clairement l’importance de ce point et semblent à ce jour parler d’une voix commune. Cet objectif est urgent. Un autre groupe d’officiers militaires risque de saisir le pouvoir à tout moment. La base du CNDD est composée surtout de jeunes officiers de la Guinée forestière (une région montagneuse boisée du sud-est du pays) qui sont une minorité dans l’armée. Donc leur mainmise sur le pouvoir est précaire. »

En outre, « il existe aujourd’hui à Conakry un sentiment très vif d’insécurité en raison d’assassinats et de tentatives d’assassinats qui auraient été perpétrés. Pour rétablir donc un climat de sécurité, il semble nécessaire de déployer dans un proche avenir un contingent ouest-africain d’observateurs militaires », a ajouté M. Smith. Pour se concrétiser, une telle mesure exige des efforts diplomatiques et « le maintien du rôle primordial » que jouent l’Union africaine, la CEDEAO et la communauté internationale.

M. Smith a occupé le poste d’ambassadeur des États-Unis à Conakry de 1990 à 1993 ; il est aussi membre du Comité consultatif pour l’Afrique de l’Ouest de BEFORE, une organisation internationale non-gouvernementale vouée à la prévention des conflits. En 2008, il a dirigé une équipe multinationale, envoyée en Guinée par BEFORE, pour effectuer une étude préliminaire sur d’éventuelles initiatives de prévention des conflits. Les résultats de cette étude sont pertinents dans la situation actuelle en Guinée, a indiqué M. Smith. « Nous avions observé que le système politique était dans un état avancé de dégradation. À l’époque, l’état de santé du président Lansana Conté soulevait depuis plus de cinq ans la possibilité de sa mort imminente ; en effet, il est décédé trois mois après la fin de notre étude » vers la fin de décembre 2008.

Alors que M. Conté sombrait « périodiquement dans un état comateux, le système présidentiel centralisé qu’il avait établi ne fonctionnait plus. Les décisions du premier ministre étaient contrariées ou bloquées au palais, et la clique de M. Conté détournaient quotidiennement de grandes sommes d’argent », a dit M. Smith. « Tous les Guinéens s’inquiétaient énormément de l’avenir de leur pays. » M. Smith a ajouté que beaucoup pensaient que le président Conté était à la tête « d’une dictature qu’il dirigeait d’une poigne de fer » - mais en fait, c’était « une impression erronée. « Rien de tel n’existait. C’était un État néo-paternaliste, comme les politologues décrivent de tels systèmes, avec seulement les apparences de la démocratie. Il y avait des violations des droits de l’homme, beaucoup de corruption et un système juridique en faillite. L’opposition politique existait », mais correspondait souvent aux lignes des divisions ethniques. Sous la houlette du président Conté, qui est resté au pouvoir 24 ans, il y avait eu une activité internationale importante en Guinée, dont a découlé « une société civile naissante » avec des groupes qui ne mâchaient pas leurs mots, a indiqué M. Smith. « L’émergence de cette société civile - malgré ses défauts qui sont nombreux - est un facteur (…) qui doit jouer dans les efforts internationaux visant à faciliter la transition vers un gouvernement plus amène. »

Le nouveau rôle de la société civile est important, a souligné M. Smith, parce que ses groupes - souvent organisés selon des lignes ethniques - sont de fermes partisans de la gouvernance démocratique et « doivent être invités à participer activement à la transition politique ». Ils sont aussi bien intégrés aux groupes de la société civile de la sous-région, tels que le West African Network for Peace (Réseau ouest-africain pour la paix), et le Mano River Union Peace Network (le Réseau de la rivière Mano pour la paix).

Il était ressorti de l’étude menée par l’équipe de BEFORE que les principales questions qui risquaient de déclencher des conflits étaient liées à l’inexistence de la primauté du droit, à la méfiance entre les ethnies, au manque de discipline, à la violence et à la rapacité dans les rangs des forces de sécurité, et aux difficultés et inégalités économiques. Le report des élections et le décès attendu du président avaient aussi été soulignés comme étant des causes potentielles de tensions, a ajouté M. Smith. « Au moment de notre séjour en Guinée, les élections avaient déjà été reportées deux fois et le calendrier électoral était vague. Selon la constitution, la mort de M. Conté aurait dû conduire à des élections organisées par son successeur dans de telles circonstances, à savoir le président de l’Assemblée nationale. Cependant, en saisissant le pouvoir, le commandant Moussa Dadis Camara et sa junte du CNDD ont écarté ce dernier et suspendu la constitution. »

Depuis, la lutte politique porte surtout sur le calendrier des élections et la question de savoir si M. Camara s’acquittera de sa promesse initiale de ne pas briguer la présidence. « C’est le fait qu’il n’ait pas clairement indiqué qu’il ne se porterait pas candidat qui a provoqué le rassemblement de l’opposition, le massacre et les viols du 28 septembre », a dit M. Smith à son auditoire. Il a ajouté que les Guinéens demeuraient fiers de « leur rôle de pionniers » dans le mouvement d’indépendance en Afrique francophone. La Guinée a en effet obtenu son indépendance de la France en 1958.

M. Smith participait à cette réunion avec deux autres conférenciers : le sous-secrétaire d’État aux affaires africaines, M. William Fitzgerald, et M. Siba Grovogui, professeur de sciences politiques à l’université Johns Hopkins. – America.gov

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