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Côte d’Ivoire: toujours loin des élections, de plus en plus proche de la violence

May 11, 2010

Une rencontre s’est tenue ce lundi 10 mai à Abidjan, en Côte d’Ivoire, entre le chef de l’Etat ivoirien, Laurent Gbagbo et l’ancien président Henri Konan Bédié, pour tenter de débloquer le processus électoral gelé depuis deux mois dans ce pays d’Afrique de l’ouest.

Après deux heures d’entretien, le Premier ministre ivoirien Guillaume Soro a déclaré aux journalistes que les deux leaders ont passé en revue les questions de l’actualité politique nationale. Selon lui, il y a eu une convergence de vues qui permet de faire des progrès, non seulement dans le sens de l’organisation des élections, mais également dans le sens de la réunification du pays.

Mais, le climat politique actuel ne favorise véritablement pas l’espoir de voir se tenir des élections en Côte d’Ivoire de si tôt, constatent les analystes. Reporté à six reprises pour des raisons diverses, le scrutin présidentiel reste toujours improbable, pendant qu’un vent de violences menace le pays.

Des affrontements sont récurrents entre ex-rebelles, dont celui du 29 avril dernier à Bouaké – fief de l’ex-rébellion dans le centre - a coûté la vie à trois combattants des Forces nouvelles.

De leur côté, des milices progouvernementales sont de plus en plus actives dans l’ouest du pays, avec la reprise de leurs entraînements.

Par ailleurs, les autorités ivoiriennes ont annoncé qu’une importante cache d’armes a été découverte le 5 mai dernier par les forces de sécurité à Anyama, une ville située à l’est de la capitale économique Abidjan, et réputée comme un fief des originaires du nord du pays. Mais l’opposition a qualifié cette découverte de "montage" pour interdire sa prochaine manifestation.

En effet, la jeunesse de l’opposition se prépare à une grande manifestation le 15 mai pour, dit-elle, exiger une date pour la tenue des élections. Les partis d’opposition rejettent également la date du 10 mai prévue pour la reprise de l’examen du contentieux de la liste électorale pour n’avoir pas été associés par le Premier ministre et la Commission électorale indépendante (CEI). Finalement, le processus n’a pas repris ce jour.

Pour l’organisation non gouvernementale 'International Crisis Group' (ICG), basée en Belgique, la préparation de l’élection est depuis longtemps en panne et le processus qui doit y conduire est déjà porteur de risques de violences.

Dans son dernier rapport publié le 5 mai, ICG souligne que "la présence sur le terrain de groupes armés et de milices, combinée à la résurgence, dans le débat politique, du concept d’ivoirité et à une situation économique difficile, constitue un environnement explosif qui menace la stabilité de la Côte d’Ivoire".

Et l’ONG prévient : "Si les responsables politiques n’abandonnent pas les discours incendiaires, si les Nations Unies ne mettent pas rapidement en place les mécanismes politiques et sécuritaires à même de prévenir la violence, le processus de paix ivoirien risque de dérailler avec des conséquences graves pour la Côte d’Ivoire et ses voisins".

Le climat d’une paix relative, qui a prévalu depuis la signature de l’Accord de Ouagadougou en mars 2007, "est menacé, non seulement par l’intransigeance des uns et des autres, mais aussi par les insultes à caractère personnel", dénonce Rinaldo Depagne, analyste à ICG et auteur du rapport.

"Les acteurs locaux et internationaux doivent se mettre d’accord sur un nouveau plan de sécurisation pour les élections afin de renforcer la confiance de la population", suggère-t-il.

Mais, cette situation n’étonne guère le politologue Damien Kouadio, basé à Abidjan et interrogé par IPS. "Lorsqu’on n’avance pas, on recule. Et quand la situation exacerbe tout le monde, alors il y a toujours un risque explosif de violences comme les Ivoiriens doivent se préparer à en connaître dans les jours à venir".

Selon Kouadio, "le processus de paix avait connu une nette progression ces derniers mois. Avec de la bonne volonté, le bout tunnel aurait été atteint. Mais depuis la double décision de dissolution du gouvernement et de la CEI, on savait que tout le gros travail réalisé depuis le 4 mars 2007 venait de prendre un sérieux coup dont il serait difficile de se remettre".

Il a ajouté : "Il faut croire que le processus tient sur une corde raide, car à chaque étape du contentieux électoral, du désarmement, d’unicité des caisses, il y aura du temps à perdre pour les acteurs de la crise".

Abdoulaye Doumbia, 47 ans, architecte dans la capitale économique, déclare ne pas comprendre que les différents acteurs de la crise ivoirienne clament qu’ils veulent aller à la paix avec des propos haineux tenus comme discours aux populations.

"Certains décrètent la fin du pouvoir en place le jour de leur manifestation programmée. D’autres brandissent la force pour faire barrage à cette manifestation. Croit-on que nous allons à la fin de la crise", demande-t-il. "Je crois que non. Le pays glisse allègrement vers la violence alors qu’il faut laisser sa chance au processus qui redémarre", dit-il à IPS.

"Nous avons une liste provisoire et il y a le contentieux électoral qui va permettre à ce que le processus aboutisse à la publication d’une liste définitive. C’est une étape qu’il faut laisser aller à terme d’autant plus que rien n’a changé dans le contenu de son application", souligne à IPS, Mathurin Kobenan, juriste à Abidjan.

Pour Kobenan, "le boycott ou les actes de violences pour empêcher le processus en cette période n’arrangera rien, car nous reviendrons chaque fois pour recommencer alors que nous avions pris de l’avance".

La Côte d’Ivoire est divisée en deux par une rébellion armée qui occupe la moitié nord du pays. Depuis près de huit ans, des ex-soldats de l’armée régulière ont pris les armes pour lutter contre l’exclusion présumée des populations de cette partie du territoire. Des élections censées sortir le pays de cette crise ont été annoncées et reportées à six reprises. – IPS
 

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