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Lansana Conté: le héros désorienté

Jun 21, 2010

Lansana Conté est né vers 1934 à Gbantama dans la préfecture de Dubréka. Il fut le deuxième président de la Guinée. Il succéda au défunt président Sékou Touré après la prise du pouvoir par l’armée Guinéenne le 3 Avril 1984.

Cet officier de l’armée nationale fut choisi par ses pairs du Comité Militaire de Redressement National (CMRN) pour conduire les destinées de la Guinée après les 26 années de règne dictatorial et sans partage du président Sékou Touré.

Fils de paysans, issu de l’ethnie Soussou, Lansana Conté au physique impressionnant intégra l’école des enfants de troupe de Bingerville en Côte d’Ivoire en 1950, celle de Saint Louis au Sénégal avant de rejoindre le peloton de Kayes au Mali. Il intégra l’armée française en 1955 et participa à la guerre d’Algérie. Après la proclamation de l’indépendance de la Guinée en 1958, le jeune soldat Conté rentra au pays pour intégrer la nouvelle armée guinéenne. Il commença alors une carrière militaire riche d’expériences et de succès.

Le 22 novembre 1970, lorsqu'un groupe composé de mercenaires portugais et d'exilés guinéens hostiles au régime du Parti Démocratique de Guinée (PDG) attaqua le pays à partir de la Guinée portugaise, dans le but de renverser le gouvernement du président Ahmed Sékou Touré et de libérer des prisonniers de guerres portugais dont le fils du maire de Lisbonne, Lansana Conté s’illustra de façon remarquable en défendant héroïquement la capitale Conakry. Les forces armées guinéennes, ayant parvenu à stopper l’invasion, Lansana Conté est promu en 1971 au grade de capitaine pour «service rendu à la nation», et jouit de la réputation de militaire courageux.

En 1973, il est nommé commandant de la région militaire de Boké (nord-ouest de la Guinée) afin d'aider le Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), mouvement de guérilla indépendantiste en Guinée Bissau et au cap Vert. Chef d'état-major adjoint de l'armée de terre à partir de 1975, puis chef de la délégation guinéenne au cours des négociations censées régler un différend frontalier avec la Guinée-Bissau en 1977, il est élu à l'Assemblée nationale en 1980, sur la liste unique du PDG. Deux ans plus tard, il est élu membre du comité central du PDG.
Le 26 mars 1984, Ahmed Sékou Touré, le «père de l'indépendance », meurt à Cleveland lors d'une opération cardiaque. Le PDG, unique parti de l'époque, sombre dans de violentes querelles de succession.

C'est dans un contexte d'incertitudes qu'une semaine plus tard, le 3 avril 1984, un coup d'État militaire dirigé par les colonels Lansana Conté et Diarra Traoré renverse le gouvernement et annonce la dissolution de l’assemblée nationale.

La junte, dénommée Comité Militaire de Redressement National (CMRN) choisi Lansana Conté comme nouveau président de la République. Les critères de choix, selon certaines sources furent le fait que le colonel Conté n’était pas de l’ethnie de son prédécesseur décédé, qu’il avait la réputation d’être l’un des plus braves et valeureux soldats de l’armée et d’être surtout l’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé.

Le nouveau chef de l'État dénonce le régime de Sékou Touré, s'engage à établir un régime démocratique, à sortir la Guinée de son isolement international et à exploiter ses ressources naturelles. Il se pose en défenseur des droits de l'homme en libérant 250 prisonniers politiques, encourageant ainsi le retour d'environ 200 000 Guinéens de l'exil.

Les promesses faites par le nouveau gouvernement redonnent l’espoir aux guinéens, mais les dissensions au sein du CMRN et la mise à l’écart du colonel Diarra Traoré viendront perturber brièvement cet espoir.

Dans la nuit du 4 au 5 juillet 1985, alors que Lansana Conté se trouvait à Lomé au Togo pour assister à une conférence de la CEDEAO, Diarra Traoré tente de le renverser, mais échoue lamentablement.

Le coup d’État non réussi de l’ancien Premier ministre Traoré aboutira à l’élimination sauvage, sans jugement d’une bonne partie de l’élite militaire issue surtout de l’ethnie Malinké. Pour justifier le sort réservé aux putschistes et à leurs alliés Lansana Conté dira devant une foule déchainée à son retour à Conakry ‘Wo Fatara’ (on a bien fait) en langue soussou.

Consolidant ainsi son pouvoir en écartant ses potentiels adversaires, le président Conté, dans son discours-programme du 22 décembre 1985 opte pour un libéralisme économique, après 26 ans d'économie centralisée. Il lance de nombreuses réformes: le rétablissement de l'initiative privée, la privatisation de nombreuses entreprises publiques, la dévaluation de la monnaie et le rétablissement du franc guinéen, ainsi que la réduction des dépenses du gouvernement et l'encouragement des investissements étrangers.

En 1990 la Guinée adopte la loi fondamentale et ouvre la voie au multipartisme et à la démocratie. En 1992, dans le cadre des préparatifs de l'élection présidentielle de l'année suivante, les partis politiques sont officiellement légalisés et douze lois organiques réglementent le statut d'institutions telles que la Cour suprême.

Lors de l'élection présidentielle de 1993, Lansana Conté, candidat du Parti de l'Unité et du Progrès (PUP), est opposé à huit candidats dont Alpha Condé (RPG). Le président sortant l'emporte dès le premier tour du scrutin avec 51,7 % des suffrages.

Cette élection est vivement contestée par les partis d'opposition suite à la décision de la Cour suprême d'annuler les résultats de deux préfectures où Alpha Condé avait obtenu plus de 90 % des voix; dès lors, le régime en place prend un visage plus radical. Désormais se sentant légitime et bien installé au pouvoir, il consolida celui-ci en mettant à la touche plusieurs de ses compagnons officiers militaires au profit des civils.

L’armée devenant de plus en plus mecontente à cause de ses conditions de vie se révolta en février 1996. La tentative de coup d’ État qui suivit la mutinerie fut sanglante. Sentant l’étau se resserrer autour de son pouvoir affaibli non seulement par la révolte de l’armée, mais aussi par la perpétuelle crise socio économique, Lansana Conté nomma Sidya Touré Premier Ministre pour remettre le pays sur les rails.

En quelques mois, le gouvernement de Sidya Touré réussira à restaurer la confiance des Guinéens en procédant à des reformes profondes de l’économie et des finances pour restaurer l'équilibre macro-économique et contrôler l'inflation. Malgré ses résultats positifs, le Premier ministre Sidya Touré sera dépossédé de ses principaux pouvoirs avant d’être remercié.

Réélu avec 56,1 % des suffrages en 1998 Lansana Conté renoue peu à peu avec les pratiques autoritaires de Sékou Touré, en faisant notamment arrêter de nombreux opposants dont le leader du RPG Alpha Condé. En novembre 2001, il soumet à la population un référendum prévoyant une modification constitutionnelle afin qu'il puisse briguer un troisième mandat à la tête du pays. Le référendum, qui réduit la décentralisation et prolonge le mandat présidentiel de deux ans, est adopté par 98,4 % des voix, et est dénoncé par les observateurs internationaux.

Le 30 juin 2002, alors que les principaux partis d'opposition boycottent les élections législatives, le parti présidentiel remporte à nouveau la majorité à l’Assemblée nationale, obtenant 61,5 % des suffrages et 85 des 114 sièges à pourvoir.

Cependant les conditions de vie des populations se détériorent, l’Etat n’étant pas en mesure de résoudre les problèmes auxquels les Guinéens sont confrontés à savoir la fourniture de l’eau, de l’électricité, le contrôle des prix des denrées alimentaires qui ne font que grimper, une inflation galopante, le chômage, l’extrême pauvreté sévit partout dans le pays.

Vus la frustration et le sentiment d’abandon du peuple à lui même, les leaders syndicaux constatant le désintérêt du gouvernement face au cri de détresse lancent des grèves générales illimitées pour attirer l’attention de la classe dirigeante. L’une de ces grèves entraina un réveil brusque, une prise de conscience, mais aussi des sacrifices énormes qui aboutiront à bouleverser relativement la situation socio politique du pays en 2007.

Un brin d’espoir, une sorte de bouffée d’oxygène pour une population qui n’avait d’autres choix que de recourir à la révolte pour se faire entendre. Avec la nomination de Lansana Kouyaté comme Premier ministre dit de « consensus » sur proposition des syndicats et des forces vives, le peuple de Guinée obtenait ainsi une grande victoire sur son général président malade, rongé par le diabète et la leucémie, mais affichant toujours une attitude inébranlable à quitter le pouvoir.

Les décisions au sommet de l’État montraient clairement que le général Conté n’avait plus les capacités requises de gouverner. Le 22 décembre 2008, le président de l’assemblée nationale, Aboubacar Somparé annonça la mort du président Lansana Conté après une longue maladie

Après 24 ans à la tête de la Guinée, Lansana Conté laissa son pays à l’image de son président malade, désorienté, fatigué et désespéré. – AfricaLog

 

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