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14 Juillet en France: le boycott calculé de Gbagbo

Jul 15, 2010

Au banquet franco-africain du 14-Juillet, le menu était sans doute appétissant, mais il devait avoir un arrière-goût amer. Un malaise plane sur ces festivités voulues par la France autour de ses ex-colonies, amplifié par l’absence très remarquée de Laurent Gbagbo, le chef d’Etat d’un pays qui compte dans la politique africaine de la France. Le président ivoirien a boudé le 14-Juillet, tout comme il l’a fait pour le sommet de Nice en mai, pour revendiquer son indépendance vis-à-vis de la puissance colonisatrice. Il se pose donc en défenseur de la renaissance d’une Afrique décomplexée. Un argument sans doute généreux et très approprié, en ce cinquantenaire des indépendances au bilan très mitigé.

Gbagbo a su trouver un thème qui lui permet de faire la différence avec l’ensemble des autres dirigeants africains toujours empressés de répondre à une invitation de l’Elysée. Il veut exprimer ainsi son refus de se couler dans le moule doucereux mais sulfureux –car parfois compromettant- de la françafrique.
Beaucoup d’Africains sont sensibles à ce discours nationaliste face à une France qui se ferme de plus en plus à l’immigration et dont les relations avec les capitales africaines portent à critique. Mais entre Gbagbo et la France, c’est un contentieux, une lutte de pouvoir qui a débouché sur une confrontation politique.

Pour le pouvoir ivoirien, se rendre à Paris pour rehausser la puissance –certes déclinante de la France- c’est aller à Canossa. Tant que Gbagbo pourra surfer sur son image de néo-résistant pour des raisons de politique intérieure et extérieure, il ne manquera pas d’en user abondamment. Qui gagne et qui perd dans le boycott ivoirien du 14-Juillet ? Les nostalgiques de l’époque où Paris et Abidjan étaient bras dessus bras dessous vont sans doute exprimer une frustration. Même Nicolas Sarkozy en aura un pincement au cœur car au-delà des discours politiques convenus, ce sont des intérêts économiques importants qui sont en jeu.

De nombreux Français ont fait fortune au pays de Houphouët et d’autres se bousculent au portillon. La crise née avec l’arrivée de Gbagbo a provoqué une rupture. Tous ceux qui sont rentrés en France dans la précipitation en laissant tout sur place constituent un cas de conscience pour Nicolas Sarkozy. De son côté, on voit bien que Gbagbo, en diversifiant ses relations, ne compte plus trop sur la France.

Même si elle n’a pas rompu totalement le cordon ombilical avec l’ex-colonisateur (Bolloré est présent au port d’Abidjan), la Côte d’Ivoire est aujourd’hui un pays qui affiche son indépendance politique. Mais la démarche de Gbagbo a ses limites. Car tout en vouant aux gémonies la France droitière, il ne manque pas de s’afficher avec des hommes politiques de gauche, à l’image de Guy Labertit ou de Jack Lang.

On dira qu’il célèbre ainsi la solidarité entre socialistes. Mais comment Abidjan verra-t-elle la France dirigée par les socialistes, étant entendu que la politique africaine de la France est sensiblement la même, qu’elle soit à gauche ou à droite ? Certainement avec plus de bienveillance. Voilà pourquoi pour ses contempteurs, Gbagbo ne fait que de la manipulation. Pour le moment, en tout cas, sa stratégie marche. Rien qu’en faisant parler de lui autour de ce 14-Juillet, il montre que son pays demeure incontournable pour la France et qu’il détient les cartes du jeu. Jusqu’à quand ? On ne saurait le dire. Toujours est-il qu’il a fait tomber le mythe selon lequel tout dirigeant africain en rébellion avec Paris est voué à perdre son pouvoir. – Le Pays

 

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