Sékouba Konaté s’élève contre ceux qui torpillent la Transition | Alog News | www.africalog.com
home

Sékouba Konaté s’élève contre ceux qui torpillent la Transition

Sep 22, 2010

Ce 21 septembre dans la salle des congrès du Palais du peuple, le Général Sékouba Konaté a mis le doigt dans la plaie de ceux qui sabotent la tenue du second tour à cause d’intérêts personnels. Devant une loge officielle garnie des principaux acteurs de la Transition. Il s’agit de M. Jean-Marie Doré, Premier ministre, Hadja Rabiatou Serah Diallo, présidente du Conseil national de la Transition (CNT), Hadja Aminata Mame Camara, présidente par intérim de la Céni, Général Nouhou Thiam, chef d’Etat-major général des armées, les deux finalistes du premier tour de l’élection présidentielle à savoir M Cellou Dalein Diallo de l’UFDG et M. Alpha Condé du RPG, des représentants des organes des Nations-Unies.
Tous ont prêté leur attention au Général qui a dit haut et fort, ce que tout le monde pensait tout bas. Sékouba Konaté a réclamé une date pour le second tour, le plus tôt possible et a martelé qu’il s’oppose désormais à tout report. Il veut en finir avec cette “ longue ” Transition, comme tous les Guinéens d’ailleurs.

AfricaLog vous propose l’intégralité de ce discours que voici.

« Un deuxième report du second tour de l’élection présidentielle est exclu, je ne l’accepterai pas »

Notre rencontre intervient à un moment où la Guinée attend de connaître la date du second tour de l’élection présidentielle, qui semble encore plus difficile à déterminer à cause des divergences et des contradictions profondes autour de cette question majeure. Et pourtant chacun de nous veut maintenant un Président élu qui, fort de la confiance des électeurs dans un effort de rassemblement de toutes les intelligences et compétences, mettra le pays enfin au travail. En attendant que cette date ne soit connue, je le souhaite dans les heures à venir, la transition suscite beaucoup d’interrogations. Personnellement, après le report de la date du 19 septembre qui avait été retenue après consultation de tous les acteurs, j’ai les mêmes sentiments que beaucoup de Guinéens : la déception, la frustration et l’inquiétude après les premiers jours d’espoir de notre Transition. Ce n’est pas pour autant que la cause est perdue, au contraire nous devons tirer des difficultés actuelles la force et l’énergie d’aller au bout de nos efforts.

Je garde l’espoir que le sursaut de chacun et de tous nous permettra de relever très rapidement le défi. Si la Guinée, tout le long de son histoire, a subi de nombreuses occasions perdues, elle a aussi montré qu’elle est capable de surmonter n’importe quelle épreuve et d’aller au devoir de son destin. Ils doivent fixer une ligne rouge que personne ne doit pouvoir franchir pour que la nation guinéenne survive aux instincts de violence, de désordre, d’affrontement intercommunautaire. J’appelle également la médiation des diplomates accrédités auprès de notre pays. Ils ont déjà beaucoup fait pour rapprocher les positions et amener les uns et les autres à la raison. Des démarches que nous saluons, encourageons et souhaitons voir se multiplier jusqu'à ce que la haine et la passion soient vaincues en nous.

Je voudrais remercier les chefs d’Etat et toutes les personnalités à travers le monde qui nous ont rendu visite et ne cessent d’appeler les Guinéens à retrouver leur unité et la confiance en leur avenir qu’ils sont condamnés à bâtir ensemble dans la paix, le dialogue et la compréhension mutuelle.

Nous sollicitons toutes les bonnes volontés, d’où qu’elles viennent et écoutées par toutes les parties pour qu’elles se mobilisent pour le triomphe de la raison sans laquelle notre action est vouée à l’échec. À ce tournant de notre histoire où le meilleur comme le pire peuvent arriver, nous avons besoin de tout le monde pour que cette autre chance pour le pays de s’en sortir définitivement ne connaisse pas un triste sort.

Distinguée invités,

La Guinée doit reprendre confiance en elle, se faire violence, pour franchir le second tour d’une élection de tous les espoirs qui est un rendez-vous qu’il faut honorer pour réussir le test de la Transition. Nous n’avons pas le choix que de l’organiser vite et bien, si nous voulons que le monde nous prenne au sérieux et que notre pays amorce un nouveau départ. Avant tout, il faut gagner cette bataille sur nous-mêmes, car c’est en nous d’abord qu’il faut puiser le ressort pour relever un défi important de l’histoire. Il nous faut retrouver notre unité et notre cohésion sérieusement entamées par la campagne politique, la course au pouvoir. La Guinée c’est la nôtre, elle est en chacun de nous, nous nous retrouvons tous à travers elle. Personne n’a le droit de la prendre en otage, de la soumettre à des dures épreuves, elle nous appartient à tous. C’est à nous tous de la préserver. Chacun doit le savoir et l’accepter.

Tout Guinéen est chez lui en Guinée partout où il se trouve et où il est libre de se rendre. L’histoire et le destin ont créé entre nous des liens forts et éternels. La politique, ni les élections, ni l’ivresse du pouvoir ne peuvent nous diviser, diviser notre pays en amenant chacun à se replier sur lui, des siens, sa région, au détriment de la nation unie dans sa diversité que nous construisons depuis des années. Chacun d’entre nous doit se ressaisir pour comprendre que la Transition dure un temps, les élections vont passer, mais notre pays sera encore-là.

Nous allons continuer à vivre ensemble tant bien que mal parce que la Guinée qui est la terre de nos ancêtres est à la fois un héritage et un patrimoine à nous tous. Qui est plus Guinéen que l’autre ? C’est le lieu d’ailleurs d’appeler à sortir du débat actuel sur l’ethnie, la région, qui menace notre pays d’une profonde crise et laisse peser de sérieuses incertitudes. Il y a des citoyens guinéens avec leurs idées et leurs convictions, leurs choix politiques à partir desquels uniquement ils doivent être jugés et appréciés. J’invite tout le monde à combattre dans notre langage et notre engagement public les thèses tribales, régionalistes, discriminatoires qui ont montré les limites et les périls qu’elles comportent ailleurs.

Même si c’est à travers des textes et lois spécifiques, nous devons le faire avant qu’il ne soit trop tard. Parce que notre pays, il ne faut pas se voiler la face, est aujourd’hui la proie de dérives ethniques et de violences politiques graves, qui est un défi lancé aux démocrates, aux patriotes républicains. L’histoire nous condamnera si nous nous laissons faire, ce qui nous rappelle ce petit bout de phrase prononcé à une époque par le Général de Gaulle : “ Moi ou le chaos ”.

Mesdames et Messieurs,
Distingués invités,

La Transition, c’est le temps d’une élection dont nous avons tous soif, ce n’est pas comparable à un pouvoir légitime avec des perspectives certaines. C’est pourquoi le Gouvernement d’union nationale de transition a été limité à organiser des élections dans un bref délai.

Le Président Amadou Toumani Touré, lors de sa dernière visite dans notre pays, a déclaré qu’une transition n’est réussie que lorsqu’on tue la transition. Or, notre Transition a tendance à se prolonger, à résister au temps, au délai, au point de susciter quelques inquiétudes et interrogations. C’est peut-être parce que nous avons recherché à chaque étape le compromis que parfois nous avons perdu du temps. Il nous faut maintenant nous montrer responsable en décidant de ce que nous voulons, avancer ou reculer. Et depuis que nous avons cessé d’avancer, nous reculons dans le processus et prolongeons ainsi notre mission, qui, par la même occasion se complique.

Chaque jour désormais qui passe apporte son lot d’interrogations et d’incertitudes. Qui a intérêt à ce qu’on n’avance pas ? À ce qu’une mission qui a bien commencé finisse mal ? Si on n’avait pas été au premier tour, on comprendrait mieux la situation actuelle. Mais on a déjà voté une première fois, si j’ai insisté sur la date du 27 juin, c’est parce que pour moi, c’était l’étape à franchir pour réaliser nos espoirs. Parce que cette date n’a été déterminée sur aucune base légale. C’était une proposition de la Céni, qui a tenu compte de notre vœu à tous, de faire très rapidement les élections selon le calendrier fixé à Ouaga. L’institution avait besoin donc d’une volonté politique claire et d’un engagement personnel de ma part, car le défi était énorme dans un contexte encore trouble. Mais la date du deuxième tour est fixée par la loi, c’est-à-dire quinze jours après la proclamation des résultats définitifs du premier tour par la Cour suprême. Ma volonté n’était a priori utile en rien pour respecter cet engagement.

J’avais une entière confiance après le pari gagné du premier tour, car pour moi, il allait de soi que chacun allait mettre un point d’honneur à ce que les autres étapes se déroulent comme prévu par la loi. La surprise pour moi, une question tranchée par la loi, celle de la date du deuxième se révèle aujourd’hui un défi presque insurmontable qui nous interpelle individuellement et collectivement. Le monde entier nous regarde et attend de nous d’autres efforts après une première expérience plus ou moins réussie qui a nourri tous les espoirs.

Savez-vous pourquoi il est devenu difficile d’avancer ? C’est parce que contrairement au début, nous ne sommes plus unis et soudés derrière notre idéal commun de faire une Transition irréprochable. Il n’y a plus d’unité, ni de solidarité entre les différentes institutions de la Transition. Il n’y a plus de confiance et de loyauté entre les acteurs de la Transition.

Beaucoup d’actes posés manquent de transparence et de sincérité. Alors qu’il y avait un réel engouement et un intérêt pour les élections. Aujourd’hui, elles divisent, dressent les Guinéens les uns contre les autres. La Guinée qui nous avait mobilisés parce que nous l’aimons tous, semble aujourd’hui loin de nos préoccupations à cause du choc des ambitions et des conflits d’intérêt divers. S’opposent ceux qui veulent venir au pouvoir et ceux qui ne veulent pas le quitter.

Chacun essaie d’imposer sa volonté, personne ne semble vouloir comme lorsque nous nous engagions dans la Transition, que notre fierté et honneur à tous, c’est l’aboutissement de nombreuses années d’efforts et sacrifices pour l’organisation d’élections libres, transparentes dans notre pays et l’avènement d’un véritable État de droit. Qu’est devenue cette ambition commune face à toutes les querelles et les luttes politiques d’aujourd’hui ? et la Guinée dans tout ça ? Et moi aussi dans tout ça, qui ai fait mon devoir et attend des autres qu’ils en fassent autant, pour que nous soyons tous au rendez-vous de l’histoire, car nous sommes une équipe qui doit penser et agir ensemble pour gagner ? Chacun a sa mission dont il doit s’acquitter en respectant celle des autres.

Mesdames et Messieurs,

Dès le début, j’ai voulu partager avec tous les Guinéens, la responsabilité historique de conduire notre pays à la démocratie. Je n’ai jamais rien fait et décidé seul. Chaque fois j’ai consulté tout le monde à chacune des étapes de notre parcours. J’ai recherché le consensus pour que chacun ait le sentiment que son avis compte. J’attends toujours une proposition pour décider. C’est ainsi qu’il vous est revenu le choix du Premier ministre aux Forces vives, ce sont les Forces vives qui ont encore formé le Gouvernement en faisant appel à ceux qu’elles ont jugé qualifiés pour la mission qui nous est confiée. Le CNT est aussi l’émanation de toutes les composantes de la nation guinéenne. Je n’ai jamais imposé mes choix et mes décisions, je me contente d’un rôle d’arbitre. Là aussi, chaque fois que j’ai été sollicité. Pour moi, seule compte la paix dans le pays et l’unité des Guinéens, que je souhaite voir se mettre ensemble au travail pour combler les retards dans tous les domaines du pays.

Je suis davantage préoccupé de tenir la promesse d’organiser des élections et partir. Ne l’oublions jamais, tous, nous sommes venus pour accomplir un travail dans un temps précis et nous retirer dans l’honneur et la dignité. Dans ce travail, le temps qui nous est donné, il nous faut observer la neutralité absolue, nous n’avons pas de candidat à élire ou à faire élire et nous devons-nous garder de descendre dans l’arène. On ne peut être juge et partie. C’est mon devoir de veiller à cela et de réagir contre un éventuel manquement ou dérapage dans la Transition.

Mesdames et Messieurs,
Distingués invités,

Maintenant je dois m’adresser à la Céni en lui demandant de tirer les leçons de ses erreurs, en se montrant à la hauteur de la lourde tâche qui lui a été confiée. Elle est devant le jugement de l’histoire et a en entre ses mains, l’avenir et le destin de la Guinée. Si elle s’acquitte honorablement de sa mission, la Guinée lui exprimera sa reconnaissance. Si elle faillit à son devoir, elle court le risque de réer une crise qui va freiner notre élan démocratique et retarder notre pays de nombreuses années encore. Elle est confrontée à un double défi, celui du temps et de l’efficacité, car la Guinée attend d’elle à la fois qu’elle annonce une date pour les élections, qu’elle prenne toutes les dispositions pour le bon déroulement du scrutin, sans pression extérieure ni influence politique afin d’imposer l’acceptation des résultats. Face à cette grande responsabilité et tous les espoirs, la Céni a bien notre soutien et notre confiance totale. Je l’invite à proposer rapidement une date pour le second tour, pour préserver la crédibilité du processus électoral et rétablir la confiance à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

Quant à vous les leaders politiques, je l’ai déjà dit, nous les militaires, nous avons montré que nous sommes désormais acquis à la démocratie. Nous attendons de nous mettre à la disposition du Président dont l’élection en réalité dépend aussi de vous à travers le sens de la responsabilité et de la mesure que tout le monde attend de vous. Vos militants et sympathisants prendront l’exemple sur vous, selon que vous serez unis et solidaires dans l’objectif d’une Transition apaisée ; vos militants et sympathisants à leur tour seront disposés à cohabiter dans la paix et la tolérance.

Pendant qu’il est encore temps, j’invite les deux candidats qualifiés pour le second tour à prendre davantage conscience de leur rôle dans l’avenir de notre nation. Ils partagent une lourde responsabilité face à l’histoire. C’est pourquoi ils sont associés à tous les actes qui seront désormais posés ou consultés pour toutes les grandes décisions. Ensemble, à deux, ils doivent véhiculer dans des interventions communes et concertées des multiples projets, des messages de paix et d’espoir. Il appartient à nos deux candidats de rétablir immédiatement des valeurs indispensables à une bonne élection, mais surtout qui permettront à celui d’entre eux qui sera élu d’exercer dans les meilleures conditions le mandat acquis : unité nationale, respect de l’autorité de l’État, l’ordre et la discipline, la culture de la paix.

Je suis tenté de leur poser la question : “ que vous oppose-t-il ? ” Sans doute, la compétition politique et l’enjeu de l’élection. Qu’avez-vous de commun ? La Guinée ! L’ambition légitime de servir vous habite tous les deux. Alors pourquoi ne pas vous unir pour gagner ensemble le pari d’une élection paisible ? Gouverner ensemble est-il impossible face à d’énormes défis pour l’avenir ? J’insiste auprès des deux candidats qualifiés pour le second tour de la présidentielle, le destin de la Guinée et des Guinéens est dans leurs mains et celles de leurs partisans dont les propos et le comportement vont alimenter les tensions ou apaiser les cœurs et les esprits.

Mesdames et Messieurs,
Distingués invités

Je vous rassure que l’armée n’a pas envie de rester, ni de revenir au pouvoir qui n’a été exercé par elle que lorsqu’elle a été appelée à le faire. Elle veut être au service de la démocratie, de la République et des institutions comme c’est sa vocation naturelle. Pour ma part, je suis un soldat et un officier qui fait ce qui respecte sa parole, mais je ne suis pas le seul à avoir donné une parole. Aux Guinéens, aux partenaires de juger le moment venu qui a respecté ou n’a pas respecté sa parole.

En tout cas, un deuxième report du second tour de l’élection présidentielle est exclu, je ne l’accepterai pas. Autant que je le dise maintenant, pour ne pas qu’on crie après le fait accompli. Il y a longtemps que ma mission est terminée. C’est celle des autres que j’aide à accomplir mais pas éternellement. J’exige maintenant autant le respect de la date. C’est vraiment pour moi une question d’honneur. Le respect des autres commande qu’on ne leur dise pas ce qu’on ne peut pas faire. Dans l’armée, on a appris à dire ce qu’on pense, à respecter la parole. Pour moi, la vie est une question de confiance et d’honneur, le pouvoir est une question de destin qu’on ne peut pas forcer, mais qu’on peut parfois forger en respectant les sentiments et la vie des autres.

Vive la démocratie !
Vive l’unité nationale !
Vive la paix !
Je vous remercie !

AfricaLog.com

Liens Sponsorisés