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Tiken Jah Fakoly, le coup d’Etat permanent

Sep 28, 2010

Reggae. Inlassable militant, l’Ivoirien revient avec «African Revolution». Rencontre à la veille d’un concert périlleux en Guinée.

Portable vissé à l’oreille, Tiken Jah Fakoly est assis sur sa Coccinelle aux couleurs du Mali et du reggae devant sa maison de Bamako, près du fleuve Niger. Alors que la capitale malienne se prépare à l’arrivée de 27 chefs d’Etat pour célébrer le cinquantième anniversaire de l’indépendance, la star du reggae ivoirien palabre depuis une heure au téléphone pour la tenue d’un concert en Guinée à la veille du second tour de l’élection présidentielle.

Il a pourtant plus urgent à faire : ce week-end-là, il inaugure une salle de concert à Bamako, où il vit depuis 2002, au-dessus de son studio d’enregistrement, et lance African Revolution, son septième album, qui sort aujourd’hui en France.

Mais Tiken Jah, qui prend son rôle de conciliateur très au sérieux et dit avoir «toute l’Afrique dans les tripes», se verrait bien, tel Bob Marley en 1978 en Jamaïque, rassembler sur scène les candidats de cette première élection libre se déroulant dans un état de tension critique.

Pour organiser ce concert, il a créé le collectif «Pour la paix en Guinée» avec l’artiste guinéen Fodé Baro et le rappeur sénégalais Didier Awadi. Leur show a été reporté plusieurs fois, comme le second tour du scrutin guinéen, repoussé au 10 octobre. Mais ces chanteurs engagés ne lâchent pas l’affaire : «On tient à ce concert, parce qu’on a envie d’anticiper les violences, explique Tiken Jah.

Très souvent en Afrique, comme partout ailleurs, c’est quand ça éclate que les gens cherchent à recoller les morceaux. La seule règle de notre engagement, c’est de rester impartial. Nous avons d’ailleurs dû exclure un artiste de notre collectif parce qu’il avait été approché par la femme d’un candidat qui lui a donné de l’argent pour enregistrer.»

«Réconciliation». Le chanteur ivoirien, lui, a préféré s’exiler à Bamako en 2002, quand la situation en Côte-d’Ivoire, ses textes contre le concept d’«ivoirité» ou le maintien au pouvoir du général Guei menaçaient sa vie. Il est cependant resté impliqué. En 2007, il retourne dans son pays et donne un concert pour la «réconciliation».

Quand, en décembre 2008, en Guinée, le militaire Dadis Camara prend le pouvoir, Tiken Jah Fakoly va à sa rencontre : «Je lui ai dit qu’il y avait deux possibilités qui s’offraient à lui : le général Guei en Côte-d’Ivoire, qui a refusé de quitter le pouvoir en 2000 après sa défaite à une élection libre, ou Amadou Toumani Touré au Mali, qui s’est retiré un an après son coup d’Etat. L’exemple à suivre, c’est le Mali : organiser des élections et quitter le pouvoir. Malheureusement, il ne m’a pas écouté. Pour Guei, je m’étais contenté d’écrire une chanson : Quitte le pouvoir. Avec Dadis, je me disais qu’en le rencontrant, ma voix aurait plus d’impact ; mais non.»

Tout ce combat pour la démocratisation du continent africain imprègne les textes du nouvel album, coécrits avec Magyd Cherfi, Féfé ou Mr Toma. Tout comme son séjour à Bamako a ressourcé son reggae au blues mandingue, aux instruments traditionnels peuls. – Libération

 

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