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La logique de guerre de Gbagbo, Ouattara gagnant selon l’ONU

Dec 03, 2010

Le chef des Nations unies Ban Ki-Moon a reconnu vendredi la victoire d`Alassane Ouattara à la présidentielle en Côte d`Ivoire, au moment où le pays était en crise après que le Conseil constitutionnel eut proclamé la victoire du sortant Laurent Gbagbo.

"Le secrétaire général félicite M. Alassane Ouattara (...) pour son élection et demande au président élu de travailler pour une paix durable, la stabilité et la réconciliation en Côte d`Ivoire", a déclaré le porte-parole de M. Ban.

"Le secrétaire général demande au président Laurent Gbagbo de faire ce qu`il doit faire pour le bien de son pays et de coopérer pour une transition politique sans heurts dans le pays", a ajouté le porte-parole.

M. Ban Ki-moon "souhaite souligner que la volonté du peuple ivoirien doit être respectée et demande à tous les Ivoiriens d`accepter le résultat certifié et de travailler ensemble dans un esprit de paix et de réconciliation", a poursuivi le porte-parole.

La Côte d`Ivoire était vendredi en pleine tourmente, le Conseil constitutionnel ayant proclamé la victoire du sortant Laurent Gbagbo à la présidentielle du 28 novembre, pourtant remportée par Alassane Ouattara selon la commission électorale.

Soro et l`ex-rébellion contestent la réélection de Gbagbo

Le chef de l`ex-rébellion ivoirienne des Forces
nouvelles (FN), le Premier ministre Guillaume Soro, et "l`ensemble" des FN
"rejettent" la victoire du sortant Laurent Gbagbo à la présidentielle,
proclamée vendredi par le Conseil constitutionnel, a annoncé une porte-parole.
Le Conseil constitutionnel a proclamé la victoire du chef de l`Etat en
invalidant des votes dans sept départements du nord, sous contrôle des FN
depuis le putsch raté de 2002.

Le secrétaire général Guillaume Soro et "l`ensemble" des Forces nouvelles
"rejettent avec la plus grande fermeté cette décision de convenance, frappée
du sceau de la partialité", indique la porte-parole Affoussy Bamba dans un
communiqué.

Les FN "adhèrent" aux résultats provisoires proclamés jeudi par la
Commission électorale indépendante (CEI) qui donnent Alassane Ouattara
vainqueur et la déclaration du représentant de l`ONU dans le pays qui le
"confirme".

Elles "ne veulent pas que cette légitimité et cette légalité soient remises
en cause", conclut le texte.

Guillaume Soro est devenu le Premier ministre de Laurent Gbagbo après avoir
conclu en 2007 avec son ancien ennemi l`accord de paix de Ouagadougou

Ouattara: "je suis le président élu de la République de Côte d`Ivoire"

Alassane Ouattara s`est présenté vendredi comme "le président élu de la République de Côte d`Ivoire", en se prévalant des résultats donnés par la commission électorale, invalidés par le Conseil constitutionnel qui a proclamé vainqueur le sortant Laurent Gbagbo.

"L`ONU vient de certifier les résultats proclamés par la Commission électorale indépendante (CEI)" qui le créditaient de plus de 54% des suffrages, a-t-il lancé lors d`une déclaration à Abidjan.

"Je suis le président élu de la République de Côte d`Ivoire. Je demande à toutes les institutions, notamment les forces armées nationales, la gendarmerie, la police, d`assumer leur mission de protection des personnes et des biens sur l`ensemble du territoire", a poursuivi l`ex-Premier ministre.

Demandant la levée de "la mesure d`interdiction des médias étrangers qui émettent par le satellite", en vigueur depuis jeudi soir, il a appelé les Ivoiriens à "demeurer sereins" et son "frère Laurent Gbagbo" à respecter leur choix.

Le Conseil constitutionnel, qui a proclamé la victoire du président Gbagbo en invalidant des votes dans le nord ex-rebelle où M. Ouattara arrivait en tête, "a fait de la forfaiture, le monde entier le sait et j`en suis désolé pour l`image de mon pays", a-t-il accusé.

Les ingrédients de la crise

Ce devait être un jour 'historique'. La première élection présidentielle à être ouverte à tous les candidats depuis l'indépendance de la Côte d'Ivoire, en 1960. Après six années de reports, le scrutin, dont le deuxième tour s'est tenu dimanche, devait permettre à tout un pays enlisé dans une guerre civile larvée et un marasme économique d'ouvrir une nouvelle page de son histoire.

Mais le 'pays des éléphants' s'est réveillé au bord du gouffre, vendredi 3 décembre, avec deux présidents à sa tête : l'opposant Alassane Ouattara, déclaré vainqueur avec plus de 54 % des voix par la Commission électorale, et Laurent Gbagbo, le président sortant, reconduit à la tête du pays par le Conseil constitutionnel, qui le crédite de 51 % des voix.

L'espoir a laissé place à l'inquiétude. Face à ce bras de fer juridique, les observateurs redoutent un troisième tour dans la rue et une nouvelle flambée de violences. Sous couvre-feu jusqu'à dimanche, le pays est en partie coupé du monde après la décision de l'armée de fermer les frontières.
Un scrutin historique Sous le règne du père de l'indépendance, Félix Houphouët-Boigny (1959-1993), qui ne souffrait aucune opposition, puis ceux de Konan Bédié (1993-1999) et de Laurent Gbagbo (2000-2010), aucune élection réellement pluripartite n'avait pu se dérouler. Initialement prévue au terme du premier mandat de M. Gbagbo, en 2005, cette première élection pleinement démocratique a été reportée à six reprises en raison, notamment, d'un conflit ethnique entre le Nord et le Sud qui a plongé le pays dans une quasi guerre civile.

Ces reports, et les enjeux de ce scrutin, expliquent l'immense attente de la communauté internationale, qui a investi des sommes considérables pour permettre ces élections. Entre les quelque 9 000 uniformes de l'Onuci (les forces des Nations unies pour le maintien de la paix en Côte d'Ivoire), les 966 soldats français de l'opération Licorne, les médiations successives de la France, de l'Union africaine et du président burkinabé Blaise Campaoré, 'cela fait près de dix ans que la communauté internationale est au chevet de la Côte d'Ivoire', explique Philippe Hugon, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste de la Côte d'Ivoire. 'Ce scrutin est sans doute l'un des plus chers de l'histoire'

Putsch électoral

On pourrait ergoter à l'infini sur les arguties juridiques que dégainent les deux camps. L'essentiel n'est pas là et tient en peu de mots: Laurent Gbagbo et les siens refusent d'admettre une nette défaite que confirment sur les rives de la lagune Ebrié toutes les sources indépendantes. A commencer par celles qui, Onuci en tête, sont en mesure de compiler les procès-verbaux émanant des bureaux de vote.

"Laurent est tombé dans le traquenard tendu par la CEI", s'indigne un ami proche du sortant. Argument spécieux: après avoir, en février, dissout dans un même mouvement le gouvernement et la Commission précédente, l'intéressé a avalisé la composition de sa nouvelle mouture. Erreur de jugement surprenante de la part d'un tel Machiavel subsaharien.

De même, son entourage a sous-estimé l'ampleur du report, en faveur de Ouattara, des voix collectées au premier tour par l'ex-président Henri Konan-Bédié. "On gagne ou on gagne!": le noyau dur du Front populaire ivoirien (FPI), le parti fondé par Gbagbo, a fini par s'enivrer de cette alternative singulière, élevée au rang de leitmotiv favori.

La presse ivoirienne redoute que se joue 'un scénario zimbabwéen'

Au lendemain d'une journée aux multiples rebondissements, la presse ivoirienne hésite, vendredi 3 décembre, entre la confiance dans les institutions judiciaires du pays – qui doivent désormais se prononcer sur la validité du scrutin du 28 novembre –, et l'inquiétude que le pays ne rebascule dans une nouvelle vague de violences. La veille, alors que le camp de l'ancien premier ministre, Alassane Ouattara, comptait ses morts après l'attaque d'un de ses locaux, le candidat d'opposition a été proclamé vainqueur de la présidentielle par la Commission électorale indépendante ; puis a vu cette annonce invalidée par le Conseil constitutionnel, saisi de plaintes du camp du président sortant, Laurent Gbagbo. Alors que le pays est toujours sous couvre-feu, les tensions s'exacerbent, d'un côté comme de l'autre.

Le Nouveau Réveil, quotidien résolument anti-Gbagbo, décrit un climat politique délétère, craignant que ne se répètent en Côte d'Ivoire les scénarios zimbabwéens et kényans de violences post-électorales. Le journal observe "le même contexte (les élections), les mêmes palabres (le refus d'accepter la victoire de l'adversaire), le même scénario : le président sortant use de toutes les méthodes pour conserver frauduleusement le pouvoir". Le journal ne se déclare guère surpris par le refus de Laurent Gbagbo de reconnaître la défaite : "Tout Ivoirien sait que l'homme, désormais obsédé par le pouvoir, a du mal à s'imaginer ex-président. Il est venu au pouvoir pour y rester, en jouir comme il l'entend, y mourir comme il l'entend." D'autres journaux d'opposition font comme si le Conseil constitutionnel n'avait pas à se prononcer sur la validité des résultats, à l'image de Nord-Sud, qui relaie un appel "à installer Ouattara" ou du Patriote, qui s'exclame, enthousiaste, en "une" : "Ouattara, enfin un homme d'Etat."

De l'autre côté de l'échiquier politique, Fraternité Matin – quotidien appartenant à l'Etat – s'inquiète des conséquences économiques des tensions politiques. "Depuis le 27 novembre, on observe un calme plat en affaires. Les commerces sont, en général, fermés. Quand ils ouvrent, prudence et peur d’éventuels pillages sont de mise. Le transport est quasi paralysé parce que les véhicules de transport communaux et intercommunaux se font rares, raconte le journal. En cette période où le commerce intérieur des fèves de cacao connaît traditionnellement son pic ascendant, c'est au contraire à la morosité qu'on assiste." Pour Frat'Mat', "le coût économique et financier de ces semaines gâchées sera sans aucun doute élevé" et pèsera sur la santé économique du pays.

Situation quasi-insurrectionnelle

Le pays navigue à vue et les inconnues politiques pèsent sur la Côte d'Ivoire, analyse le quotidien burkinabé Le Pays. "Depuis le 28 novembre 2010, le rythme cardiaque des Ivoiriens s'est emballé", tandis que "le pays risque de glisser vers une situation quasi-insurrectionnelle si on n'y prend garde". La semaine à venir, qui verra le Conseil constitutionnel se prononcer sur les recours déposés par le camp Gbagbo contre l'élection de son rival, sera cruciale. Mais la décision du juge constitutionnel ne mettra pas fin aux tensions pour autant, estime Le Pays, qui s'interroge : "Cette décision en dernier recours sera-t-elle acceptée par tous ?"

De nombreux titres de la presse africaine en doutent et dressent un portrait peu amène du président sortant : "un assoiffé de pouvoir qui veut se scotcher à son fauteuil à tout prix, dût-il entraîner son pays dans le gouffre, décrit L'Observateur paalga, quotidien de Ouagadougou. On se demande si, grisé par les nombreux sondages, plus ou moins crédibles, qui le donnaient toujours gagnant, le locataire en fin de bail au palais de Cocody n'a pas présumé de ses forces en se convainquant qu'en face, c'était 'maïs'." Pour L'Observateur, "l'entêtement de [Laurent Gbagbo] risque de créer une situation d'insurrection. Et les nouvelles, ces dernières 24 heures, n'étaient pas rassurantes, notamment avec le saccage d'un siège du Front populaire ivoirien [FPI, parti de Gbagbo] et l'attaque d'un bureau du Rassemblement des républicains [RDR, parti d'Alassane Ouattara] qui aurait fait huit morts. Si on ajoute à cela les manifestations des jeunes à Bouaké, on voit que le pire est à craindre." – AfricaLog avec agence

 

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