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Les pro-Gbagbo dénoncent l'ingérence de la France

Dec 12, 2010

Lors de la commémoration du cinquantenaire des indépendances africaines en France, le 14 juillet 2010, les chefs d’Etat de l’Afrique francophone à savoir Ali Bongo, Denis Sassou Ngeusso, Paul Biya, Abdoulaye Wade, Idriss Déby…. sont tous au « sommet familial» autour de Nicolas Sarkozy. Laurent Gbagbo refuse de faire le déplacement.

Plusieurs centaines d'Ivoiriens ont manifesté dimanche à Paris pour dénoncer "l'ingérence" de la France dans les affaires ivoiriennes, au lendemain des accusations du gouvernement de Laurent Gbagbo contre des diplomates "occidentaux" à Abidjan.

Les manifestants, rassemblés devant le Conseil constitutionnel, ont clamé leur soutien au président sortant Laurent Gbagbo, brandissant des pancarte où l'on pouvait lire: "Sarkozy, la Côte d'Ivoire est indépendante et souveraine" ou encore "La démocratie doit être la même pour tous".
"Nous voulons que notre Constitution soit respectée et que l'ONU, la France et les autres arrêtent de se mêler de nos affaires", a déclaré Jean-Patrick Lorougnon, un Ivoirien de 32 ans employé d'une société de sécurité à Paris.

"Nous sommes venus devant une institution français pour délivrer ce message: la communauté internationale doit respecter les institutions ivoiriennes et arrêter de chercher à embraser la Côte d'Ivoire en divisant les Ivoiriens", a affirmé Brigitte Kuyo, responsable du Front populaire ivoirien (FPI, parti de Laurent Gbagbo) en France.

Jeunes travailleurs ou retraités, parfois venus en famille, ces Ivoiriens étaient d'abord venus manifester leur "indignation", affirmant dans leur majorité "ne rien attendre" de la France.

La Côte d'Ivoire est dans la tourmente depuis la présidentielle du 28 novembre: Alassane Ouattara, désigné vainqueur par la Commission électorale indépendante (CEI) avec 54,1% des suffrages, est reconnu comme le nouveau président ivoirien par la communauté internationale. Mais le Conseil constitutionnel, acquis à M. Gbagbo, a invalidé ces résultats et proclamé le président sortant avec 51,45%.

Le gouvernement de Laurent Gbagbo a accusé samedi des diplomates "occidentaux" en poste à Abidjan de chercher à "déstabiliser" le régime en tentant de faire basculer des militaires dans le camp de son rival.

Depuis le Burkina, le ministre de la Coopération Henri de Raincourt a affirmé dimanche qu'il n'y avait "pas d'ingérence" de Paris en Côte d'Ivoire, soulignant que "la communauté internationale dans sa totalité" s'était prononcée "dans le même sens".

La France face au dilemme ivoirien

La France observe avec attention et nervosité le chaos politique qui règne en Côte d'Ivoire, son ancienne colonie, menaçant ses intérêts économiques et son influence en Afrique francophone.
Si elle a demandé à Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite à l'élection présidentielle du mois dernier, Paris garde profil bas, laissant la communauté internationale prendre l'initiative tout en se gardant de menacer le très isolé président du premier pays producteur mondial de cacao.

"Il est clair que la France ne peut être sur la ligne de front", estime Philippe Hugon, de l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) à Paris.

"La force de Gbagbo, c'est de défendre la deuxième indépendance et d'accuser l'ex-puissance coloniale d'ingérence. Cette vue populiste des choses convient bien à une partie de la population", ajoute ce spécialiste de l'Afrique.

Au lendemain du second tour de l'élection présidentielle, le 28 novembre, la Commission électorale indépendante (CEI) avait déclaré vainqueur Alassane Ouattara. Mais le Conseil constitutionnel, acquis au chef de l'Etat sortant, a aussitôt inversé le résultat et proclamé Laurent Gbagbo vainqueur.
Les deux rivaux, qui affirment aujourd'hui être le président du pays, ont depuis nommé chacun un Premier ministre et un gouvernement, faisant craindre un retour de la guerre civile qui a meurtri le pays en 2002-2003.

En finir avec la Françafrique

La France reste le premier partenaire économique de la Côte d'Ivoire, qu'elle dirigea jusqu'en 1960. Selon son ambassade à Abidjan, le commerce bilatéral durant les six premiers mois de 2010 a grimpé de près de 9%, à 693 millions d'euros.

Avant son arrivée à l'Elysée en 2007, le président Nicolas Sarkozy affirmait vouloir en finir avec la "Françafrique", système post colonial mâtiné de corruption qui convenait à la fois à la France et aux potentats du Continent noir.

Le président français a appelé à une meilleure gouvernance et à plus de transparence dans la région.
Mais tandis que les crises se sont succédé au Tchad, en Guinée et au Gabon, les vieilles habitudes ont vite repris l'avantage, comme l'a montré le sommet France-Afrique de mai 2010, dominé par le monde des affaires.

Une tendance exacerbée par le désir de pays comme le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine de renforcer leur présence et les liens économiques dans des pays africains en pleine croissance.

"On pense maintenant que Sarkozy a abîmé la crédibilité de la politique franco-africaine. Il est difficile de le considérer comme un médiateur soucieux de favoriser les réformes et le développement économique," dit un expert africain basé à Paris.

Depuis l'indépendance, les liens entre les deux pays sont restés forts, Paris fournissant une aide politique et militaire importante à la Côte d'Ivoire.

L'intervention française n'y est toutefois pas aussi importante que dans d'autres ex-colonies françaises, la Côte d'Ivoire se révélant par exemple le pays-clé de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).

Inquiétude pour les expatriés

"La Côte d'Ivoire est la locomotive de l'UEMOA", dit Philippe Hugon. "Si le pays s'effondre, cela pourrait avoir des conséquences sur les pays voisins et l'échec de la Côte d'Ivoire serait une source d'instabilité dans les pays francophones".

L'Elysée et le ministère français des Affaires étrangères se sont refusés à tout commentaire sur la situation.

Cependant, la récente nomination des chiraquiens Alain Juppé au ministère de la Défense et Michèle Alliot-Marie aux Affaires étrangères pourrait traduire le souhait de l'administration française de placer les relations franco-africaines sous le signe de la réforme.

Premier ministre et chef de la diplomatie dans les années 1990, Alain Juppé avait prôné un changement de ton avec les anciennes colonies après des années marquées par l'envoi de troupes à chaque crise et le soutien des gouvernements en place.

"Ce qui est important, c'est cette pression internationale", a déclaré Michèle Alliot-Marie cette semaine.
A la question de savoir si des sanctions pouvaient être envisagées, elle a répondu que le moment n'était pas venu mais que des "procédures internationales" pourraient être engagées si le pays restait dans l'impasse.

Avec quelque 15.000 expatriés et un millier de soldats présents en Côte d'Ivoire, la France sait que si elle hausse le ton contre Laurent Gbagbo, ses ressortissants risquent d'en pâtir, comme cela s'est produit par le passé.

Les milieux économiques sont également nerveux. Environ 600 entreprises françaises, dont Bouygues et France Télécom, emploient quelque 40.000 personnes, selon le ministère des Affaires étrangères. C'est la plus forte présence française en Afrique subsaharienne.

France Télécom, qui y enregistre un chiffre d'affaires annuel d'environ 500 millions d'euros, a rapatrié ses employés français, soit 1.600 personnes, en début de semaine par précaution.

"A long terme si les choses continuent à aller mal il y aura un impact sur toute l'économie", prévient un porte-parole de France Télécom. "Nous restons attentifs".

Le statu quo actuel arrange la France et Laurent Gbagbo à court terme.

Une ligne plus dure pourrait en effet pousser le président dans les bras des Russes et des Chinois, au grand désavantage des intérêts politiques et économiques français.

Mais face à une France dont son pays dépend pour environ 30% de son produit intérieur brut et pour 50% de ses revenus fiscaux, Laurent Gbagbo ne peut se permettre de couper le cordon ombilical trop brutalement.

"La position française doit être d'observer. Il faut éviter toute confrontation et tout soulèvement local qui constitueraient le pire des scénarios", dit Philippe Hugon. – AfricaLog avec agence

 

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