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Moussa Dadis Camara: «Tout ce que j’ai eu à faire, je suis fier»

Jan 11, 2011

Le dimanche 9 janvier, le Capitaine Moussa Dadis Camara, en convalescence à Ouaga, était l’invité de l’émission «Le Débat africain» de RFI, d’Alain Foka. L’émission, diffusée en différée, est pleine de sens. Le Capitaine Dadis était tout en forme, et dans la voix et dans bien des phrases. Il a parlé surtout de son avenir, mais aussi de sa tentative d’assassinat d’Aboubacar Sidiki Diakité, alias « Toumba », un certain 3 décembre 2009, qui l’a écarté du pouvoir. Il estime que son retour au sein de la troupe guinéenne, serait «encombrant», après avoir été un « Président de la République ». Voici l’interview en intégralité, réalisée à Ouagadougou.

Après près de deux ans de transition et plus d’une centaine de victimes, la Guinée est désormais dotée d’un président élu au suffrage universel, reconnu par le perdant. Alpha Condé, vous le connaissez bien? C’est un proche?

C’est un frère, un homme que je connais parfaitement. Parce qu’au vivant du Général Lansana Conté, je l’ai connu, il avait participé aux élections présidentielles avec feu le Général Lansana Conté, Siradiou Diallo et Bâ Mamadou. C’est un homme que j’ai connu ; un homme très combatif, qui est resté fidèle à ses idéaux, malgré les soubresauts, tout ce qui s’est passé, il est resté lui-même. Et à la prise du pouvoir, j’ai personnellement demandé que tous les leaders datant de feu Général Lansana Conté rentrent au pays. J’ai fait un meeting au Camp Alpha Yaya où il y avait tous les leaders politiques, excepté feu Siradiou Diallo et Bâ Mamadou. Et même du vivant de Bâ Mamadou, j’ai eu à lui adresser un message de reconnaissance de sa volonté, de sa lutte pour la démocratie et je l’ai reconnu avec feu Siradiou Diallo. Je leur ai rendu à une importance capitale, quand bien même ils sont à l’au-delà. Et le professeur Alpha Condé avec les autres leaders, je veux parler de Monsieur El Hadj Cellou Dalein Diallo, l’actuel Premier ministre Jean-Marie Doré et tant d’autres, j’ai eu des entretiens très francs avec ces leaders. Le professeur Alpha Condé, je l’ai connu quand j’étais à l’université.

Lorsque l’on parle de Dadis Camara, l’image qui revient dans l’esprit de tous, est celle des massacres dans le stade du 28 septembre à Conakry. Plus d’une centaine de victimes, de nombreux blessés, de femmes violées, par des soldats gendarmes. Cette date du 28 septembre 2009 restera certainement celle qu’on retiendra de votre passage, à la tête de la Guinée, celle du tournant de votre règne. Monsieur le Président, que s’est-il réellement passé dans ce stade, ce jour-là ? Comment peut-on donner des ordres pour massacrer son peuple ? C’est vous qui avez donné ces instructions ? Comment peut-on mener une telle opération meurtrière ?

Comme vous le dites, le 28 septembre a été un évènement qui est resté marqué dans notre histoire. Cet évènement qui s’est passé, je puisse le dire en âme et conscience, que je n’ai jamais donné des ordres aux gens pour massacrer. Ma religion, mon éducation et même le plan de caractère génétique ne me ressemblent pas.

Comment comprendre que vous ayez le pouvoir en main, que ce pouvoir vous le teniez, et qu’il y ait tant de massacres dans un stade, dans Conakry, alors que vous êtes à Conakry?

Il n’est pas dit que quand vous avez le pouvoir vous maîtrisez toutes les situations. C’est comme une famille. Vous avez des enfants, ils sortent, ils partent à l’école ou d’autres partent faire d’autres plaisirs. Mais est-ce que s’ils sont dehors, vous en tant que père de famille vous pouvez vous rendre compte de ce qui se passe entre vos enfants ou entre un de vos enfants et ses camarades ? Mais, vous êtes responsable, vous êtes chef de famille, lorsque vous apprenez qu’un de vos enfants a fait des histoires ou tout au moins au cours de cette histoire qu’il aurait blessé un de ses camarades, même à l’école, c’est vous le père de famille qu’on va voir. Mais il n’est pas dit forcément que c’est vous qui avez dit à vos enfants d’aller faire de la bagarre, d’aller blesser. C’est comme ça le pouvoir. Quand on a le pouvoir, il y a des ministres. Vous êtes le Président, pourquoi des ministres ? Chaque ministre joue son rôle.
Mais lorsqu’on sait que dans ce stade-là il y a eu des proches de vous, qui, à un moment donné, ont permis que l’on tire ? On a du mal à comprendre que le tout puissant Dadis Camara n’ait pas dit à un moment, dans un talkie-walkie ou à quelqu’un : allez-y, tirez sur eux, arrêtez ces opposants !
Mais, écoutez ! par rapport à toutes ces questions, je suis-là comme Président. Vous le savez très bien, pendant le processus électoral j’étais obligé de calmer, de moraliser certains hommes. Connaissant bien notre armée, à un moment donné, la prise du pouvoir, ça ne venait pas de moi.

Vous n’avez jamais été au courant qu’il y avait ces violences dans le stade, M. le Président?

C’est après les violences, que je fus informé.

Et vous n’avez pas protégé des proches en disant : je ne vais pas les livrer à la vindicte populaire et en niant à ces crimes qu’il y a eu dans ce stade?

Je puisse dire que j’ai manifesté une volonté humaine. C’est moi qui ai pris la décision de m’adresser aux Nations-Unies pour qu’on puisse envoyer des observateurs internationaux pour une enquête. Et on a constitué une commission dont je venais de parler tantôt. Je leur ai même demandé de chercher un médiateur et c’est ce que la Commission internationale des Nations-Unies a eu à faire. Et c’est pour toutes ces raisons, j’ai dit qu’il y a une justice qui est là. Il y a eu d’abord une commission nationale indépendante, qui était composée de personnes ressources. Ils ont même fait un premier travail. Et par rapport à toutes ces questions que vous posez, moi, je me dis que je ne peux pas aujourd’hui me rendre justice sur vos antennes. C’est seule la justice qui pourra faire la lumière.

Laquelle des justices, la Guinéenne ou la Cour pénale internationale?

La justice guinéenne, parce que la Cour pénale internationale lui a donné plein pouvoir de faire la lumière sur la situation. En ma connaissance, la justice guinéenne est en train d’évoluer sur ce dossier.

Etes-vous serein ?

Je suis très serein. C’est comme les enquêtes de la Commission nationale indépendante, je n’étais plus aux affaires, j’étais là à Ouaga, pendant ma convalescence, cette commission a rendu justice. Au moins, on pouvait dire, si j’étais aux affaires, que peut-être je serais passé par certains moyens pour l’influencer. Donc, la Commission nationale indépendante n’était pas sous influence. Alors depuis, je suis resté serein. Ce n’est pas que je suis allé voir ces hauts cadres de probité morale pour leur dire de changer ou de faire ceci ou cela. J’ai dit pratiquement, comme je l’ai dit au départ, que je n’ai jamais donné des ordres. Quel ordre ? D’abord je suis venu d’une visite en Moyenne Guinée. Je suis rentré à 1h ou 2h, si j’ai bonne mémoire. J’avais appris qu’effectivement qu’il y aurait eu une manifestation organisée par les leaders politiques d’où j’ai eu la sagesse d’appeler un des leaders, Sidya Touré, cette nuit. Au cours de notre conversation il m’avait dit qu’il était tard et qu’on ne pouvait pas discuter. Donc, je suis rentré à une heure tardive, j’ai pris le petit temps de me reposer. 10 heures, on me tape la porte, on me dit qu’il y a une manifestation. Ça veut dire pratiquement que je n’ai pas saisi les évènements de long en large.

Vous savez que beaucoup de gens ont du mal à se dire qu’il pouvait se passer une telle manifestation dans la ville sans que vous, le Président Dadis Camara, tout puissant que vous l’étiez, vous ne soyez pas au courant. Donc, les gens se disent qu’il a su, et que c’est lui qui a demandé qu’on lui ramène les hommes politiques qu’il y avait dans ce stade-là ?

Non ! Pas du tout ! Pourquoi amener les gens au stade, les leaders. Non ! Mon souci majeur d’abord, quand j’ai appris qu’il y avait manifestation et que tout au long de celle-ci, qu’il y a eu des commissariats de police saccagés, j’avais le souci, parce que j’avais déjà une ancienne expérience des évènements de janvier-février, au temps de feu Général Lansana Conté, j’avais ce souci. Quel souci ? Une situation qui allait déborder et très malheureusement, ça a débordé.

Quand vous apprenez ce qui se passe dans ce stade-là, quand vous apprenez qu’il y a tant de morts, quelle est votre réaction ?

J’étais affligé, j’étais meurtri.

Mais on a eu le sentiment sur le coup, que vous préfériez protéger les forces de l’ordre et que vous ne vouliez pas regarder en face ce qui se passait, c'est-à-dire qu’il y a eu autant de victimes ?

Non ! Vous savez, quand il y a eu les évènements, c’est moi-même qui ai fait des propositions afin que l’ONU envoie des observateurs avec la commission nationale qui allait être constituée pour faire la lumière dessus. Donc, en matière de justice, il ne faudrait pas qu’en ce moment que j’essaye d’inquiéter des militaires ou faire des arrestations. Ce serait un peu bizarre, j’aurais fait fi à la loi. Est-ce que je suis habilité à le faire ?

Vous étiez le chef de l’Etat…

Est-ce que je suis le juge ? Je me suis dit, puisque les Nation-Unies ont dit qu’ils vont envoyer des observateurs avec la formation d’une Commission internationale, c’est à eux d’indexer au bout du doigt, ou d’interpeller X ou Y militaire. En fonction de l’interpellation et en fonction de ses déclarations la Commission pouvait dire que cet homme est coupable. Mais si j’anticipais des arrestations, j’ai évité à ce qu’on dise que c’est un règlement de compte. Je pourrais bel et bien arrêter des gens.
23 décembre 2008, quelque temps seulement après la mort du Président Lansana Conté, va surgir un jeune Capitaine à la tête de la Guinée. Il promet de tout changer : d’organiser des élections libres et transparentes et de se retirer, de donner à la Guinée la démocratie qu’elle attend depuis plus de 50 ans. Il promet de ne pas être candidat à la présidentielle, tout le monde croit en sa sincérité et quelques-uns commencent même à le comparer à son idole Thomas Sankara. Puis d’un coup, il change d’avis, menace de se débarrasser de son treillis militaire et d’être candidat. Il n’est plus seulement question de transition. Une volte-face qui va amener le feu aux poudres. Qu’est-ce qui vous a amené, monsieur le président, à changer ainsi d’avis ? C’est le confort, le pouvoir, les ors du palais ou les limousines ?
Vous dites qu’à ma prise du pouvoir j’ai dit que je ne serais pas candidat. Parfait, je l’ai dit : nous allons organiser les élections. Mais lorsqu’un homme ou des hommes sacrifient leur vie pour la conquête d’un pouvoir, pour sauver une nation… J’avais pensé qu’à l’époque, ce n’est pas une façon de me récompenser.

En partant ?

Non ! En me menaçant, pour dire qu’il ne doit pas être candidat.

C’est une réaction à ce que disait l’Opposition, à ce que disait la communauté internationale ?

Quelle réaction ? Pour moi, puisque j’étais sous menace… Et ils ne savaient pas tout ce qui se passait au sein des forces armées. Pour eux, c’est seulement ne pas aller aux élections. Je suis d’accord, mais qu’ils comprennent qu’à l’époque, je ne méritais pas d’être beaucoup menacé du moment que moi-même j’avais pris la volonté pour dire que je ne serai pas candidat. Et si à un certain moment donné, j’ai dit que je vais ôter la tenue, c’était en quelque sorte pour qu’ils restent tranquilles.

Cela veut dire que vous n’avez jamais eu envie de rester, monsieur le président, ça ne vous a jamais tenté ? Parce que si c’était le cas, vous auriez pu relâcher un peu du leste à un certain moment…

Non ! Si…

Lorsque la pression est montée, vous auriez pu dire : c’était une façon de vous pousser à vous tenir un peu plus correctement, plus tranquille…

Non ! Lorsque la tension est montée, cette menace, c’était pour leur dire : si cette menace continuait, je pourrais me présenter. Et quand je l’ai dit, la plupart des politiciens ont compris que j’étais en colère et que si jamais on continuait à me menacer… Parce que certains me l’ont dit : si jamais on continuait à me menacer, il essayera de faire quelque chose qui n’est pas de son vouloir.

Vous avez estimé à un certain moment, monsieur le président, que la Transition était trop courte, que les six mois que la communauté internationale demandait étaient beaucoup trop courts…

Bien sûr, mais c’est la preuve.

Comment ça ?

Quand j’ai pris le pouvoir avec mes confrères, jusqu’au deuxième tour, c’est environ les deux ans.

Vous aviez demandé deux ans effectivement…

Voilà ! On avait demandé deux ans. C’était pour faire mes assises, les bases, afin de mettre les choses sur les rails. Et indépendamment à ce que j’ai dit, on a fait deux ans.

Vous vous confortez dans votre position de départ, en somme…

Ça prouve déjà que ce que j’avais dit à mon peuple, j’avais raison. Parce que je n’avais pas besoin de tricher cette nation. Il fallait donner le temps pour que les élections soient apaisées et transparentes. Pour éviter la guerre. Et c’est ce qui fut fait. C’est pourquoi, au-delà de tout, lorsque vous me posez la question, si je suis fier d’un homme, je suis fier de tout le peuple de Guinée, mais pas un seul homme.

Pas Sékouba Konaté ?

Je suis fier de tous les Guinéens, de tous les acteurs de la « Trancision » (sic). Parce qu’un seul homme ne peut rien faire. Les acteurs de la « Transition » (sic), les institutions républicaines et même les leaders politiques et les populations à commencer par moi-même, je suis fier de tous les Guinéens.

De tout ce que vous avez fait, vous êtes fier ?

Tout ce que j’ai eu à faire, je suis fier. Parce que l’objectif recherché vient de se produire. Nous avons un nouveau président démocratiquement élu à la tête de la nation guinéenne, sans histoires, sans querelles et sans guerre ethnique. L’objectif est atteint, parce que s’il y avait eu des dérapages, ils allaient dire que j’en suis responsable. J’allais me condamner moralement. S’il y aurait des problèmes aujourd’hui en Guinée, j’allais me le reprocher, parce que les accords de Ouaga, c’est bel et bien moi qui ai choisi le général Sékouba Konaté pour qu’il assume l’intérim. Pourquoi je n’ai pas choisi le général Toto ou certains compatriotes et que les élections tournent à l’envers ? il fallait avoir ce réflexe. Mais aujourd’hui, je suis très ravi, je suis très fier, parce que les Guinéens ont fait preuve de maturité ainsi que les acteurs de la « Trancision » (sic), parce qu’il y a les institutions républicaines qui ont voulu dans cette contribution il y a l’armée guinéenne aussi qui a gardé sa neutralité et a accepté beaucoup de choses pour aller aux élections.

Lorsqu’on vous écoute à l’instant on a l’impression, monsieur le président, que vous évitez de parler de votre successeur à la tête de la Guinée, Sékouba Konaté. Et pourtant, c’est lui qui a mené avec succès la Transition que vous avez entamée. Il a réussi à organiser les élections, il s’est retiré. Et pourtant, on dirait que vous ne lui faisiez pas confiance ?

Non ! si je n’avais pas confiance en lui, je n’allais pas accepter de le désigner quand je suis venu à Ouaga. Il n’était pas le seul officier capable de mener à terme cette « Trancision » (sic), il y a tant d’autres.

Quand vous arrivez ici, ce soir-là, vous arrivez à la tombée du jour, vous atterrissez à Ouaga, on a vu qu’il y avait de l’embarras, que vous n’étiez pas au courant que vous veniez à Ouagadougou ?

Oui ! je crois que cela est comme vous le dites. Mais après toute analyse, je crois que si les gens l’ont fait, certainement parce que l’avion pourrait être endommagé ou il pourrait se passer quelque chose, qui allait être plus grave.

Ça, c’est la sagesse que vous avez eue maintenant…

Non ! parce que, à des moments donnés, l’homme réfléchit, l’homme analyse : est-ce qu’aujourd’hui la situation dans laquelle on se trouve, est-ce qu’on aurait pu aboutir à cette situation, est-ce que ce ne serait pas une guerre fratricide entre les forces armées ou bien au niveau de la population ? je ne sais pas de ce qui allait se passer.

Nous allons revenir sur vos relations avec le président Sékouba Konaté qui a assuré avec succès la transition démocratiquement que vous entamez. Il a organisé les élections et a cédé le pouvoir au président Alpha Condé. On a l’impression que vous ne souhaitez pas vraiment parler de lui. Vous n’avez pas envie de le féliciter alors qu’il a atteint l’objectif que vous vous êtes fixé au départ. Est-ce que vous vous parlez ? Existe-t-il des relations entre vous ?

Je pense que vous êtes mieux informé par rapport à ce qui se passe. Pour moi, mon statut et ma formation ne permettent pas de rentrer dans la vie privée d’une personne.

Mais c’était votre ami ?

Bien sûr ! On peut être des amis, mais à un moment donné et selon les circonstances, les moments, les relations peuvent se détériorer. Une relation humaine n’a jamais toujours été telle qu’on peut penser. C’est comme vous pouvez avoir un bon ami et qui, à un moment donné, les choses ne peuvent plus être compatibles.

Mais qu’est-ce que vous le reprochez exactement pour que vous ne parliez plus aujourd’hui, pour que vous ne lui téléphoniez pas alors que la transition est quasiment fait.

Moi, je pense que c’est les Guinéens qui peuvent répondre à ma place. Les Guinéens sont mieux placés pour répondre à ma place. De ma formation morale, intellectuelle, ma probité morale ne permettent pas de rentrer dans la situation privée d’une personne. Je pense que le peuple nous connaît largement et suffisamment pour avoir été président de la République, pour lui avoir cédé le reste de la continuation au président par intérim.

Pour vous, il vous a trahi ?

Trahi ou pas trahi, je dis que c’est le peuple, c’est les Guinéens qui savent. Et si vous lisez un peu l’Internet vous pouvez vous rendre compte de ce que les Guinéens pensent.

Qu’est-ce qu’ils pensent ?

C’est pour cette raison que je dis, cherchez à avoir les sites guinéens quand il assurait à la « trancision » (sic), peut être si possible, demandez aussi certains Guinéens ce qu’ils pensent. Parce que moi je me dis que ça serait un diminutif de ma part de parler de lui dans le sens négatif. Ça ne me ressemble pas. Un homme que vous avez choisi librement avec conscience, que vous avez porté confiance de gérer la « trancision » (sic) sans que tu ne sois forcé, sans que tu ne sois obligé. Si au retour, tu vires ou tu essaies de raconter des choses sur cette personne, je pense qu’un homme aussi moralement bien assis ne peut pas le faire. C’est la société qui juge les hommes.

Mais si vous regardez, il a réussi finalement la transition que vous avez entamée ?

Mais c’était l’objectif.

Donc vous devez être fier de lui ?

Fier de tous les Guinéens et des forces armées guinéennes parce que j’étais en relations avec mon peuple, avec les forces armées guinéennes ; puisque c’est une armée qui a confiance à moi, je leur disais toujours de ne pas créer des problèmes.

Donc c’est grâce à vous en somme que la transition s’est déroulée dans le calme ?

Je puisse dire que j’ai joué un rôle extrêmement important parce que je n’étais pas du reste. J’étais en rapport avec les Guinéens. Et j’avais pour mission en ma qualité du président du CNDD, selon les accords de Ouaga, j’étais à mesure de temporiser, de calmer les gens.

C’est ce que vous avez fait ?

C’était, d’ailleurs, un rôle décisif pour moi. J’ai dit donc quels que soient les problèmes, n’essaie pas d’entacher ce processus de démocratisation. Si vous le faites, ça serait violer mon engagement. C’est une obligation parce que connaissant parfaitement aussi cette population, cette armée. Je n’avais pas besoin de passer sur les antennes pour dire, mais les appels, à certains niveaux aussi, j’entretenais des relations qui faisaient d’ailleurs que je leur demandais la sagesse.

Monsieur le Président aujourd’hui, il y a certain nombre de personnes qui se demandent si vous êtes serein, si vous n’avez pas peur d’être, soit rattrapé par la justice guinéenne ou soit par la justice internationale. Est-ce que vous êtes serein aujourd’hui ?

Je crois que sur cette question, je ne voudrais pas vous répondre parce que c’est de nature un peu lorsqu’on n’a pas la tête sur les épaules, rejeter en bloc. Mais par rapport à tout le respect que j’ai pour vous, je puisse vous dire : peur par rapport à quoi ? Je suis très serein et d’ailleurs si j’avais peur, je n’allais pas me prêter à vos questions. Puisque les mass media cherchent toujours ce qui est au fond du cœur d’un homme politique ou d’une personnalité, ce dernier peut se chercher par les journalistes. Je l’ai fait en tenant compte de toutes vos éventuelles questions que vous pourrez poser. Moi je suis serein, j’ai confiance au destin, j’ai confiance à la justice des hommes. La justice guinéenne fait son travail, je n’ai pas besoin de me rendre justice ou de donner des explications. Il y a eu d’abord la commission nationale indépendante qui a été créée à l’époque, que j’ai laissée sur place. Une commission qui était constituée par toutes les couches sociales, par toutes les sensibilités, gouvernement politique, qui ont été accompagnés par la commission internationale. Ils ont fait leur travail, ils avaient fait la lumière, je crois, vous en savez le résultat que cette commission nationale avait eu à faire. Je n’étais pas au pays. Je crois que c’est sur des bases justes qu’ils avaient fait leur travail. Si donc la justice guinéenne se saisit du dossier par la voie de la communauté internationale, je me dis que c’est une justice que j’ai confiance. Je n’ai pas d’inquiétudes, la justice fait son travail. Les dossiers sont en cours.

Que s’est-il réellement passé dans le camp Koundara, ce fameux 3 décembre 2009 ? Pourquoi votre aide de camp, le chef de la sécurité présidentielle Aboubacar Sidiki Diakité a tiré sur vous ? Il paraît que vous venez personnellement l’arrêter, que vous voulez le rendre responsable des massacres du stade du 28 septembre. Qu’est-ce qui s’est passé ?

C’est pour cette raison que j’ai dit que je n’ai pas prétendu arrêter qui que ce soit. Même celui qui aurait tiré sur nous.

Pourquoi vous dites aurait tiré ?

Ceux qui auraient tiré sur moi après tous les renseignements, ils avaient dit que s’ils me liquidaient pas que j’allais leur livrer à la justice, à la communauté internationale. C’est l’objectif pour lequel il y a eu effectivement ce tir. Rien d’autre que ça.

C’était vrai que vous vouliez le livrer parce qu’il dit que vous protégez votre frère et vous voulez le sacrifier ?

Quel frère ? Non ! Simplement puis qu’il est parti et quand la commission est venue, il a été interpellé. Il savait que de près ou loin, il allait subir d’une manière ou d’une autre les responsabilités qui l’incombaient, et donc je serais obligé de le livrer parce qu’à un moment donné il ne voulait pas partir.

Comment se passe cette tentative de putsch contre vous ? Vous étiez allé dans le camp, que s’est-il passé ? Comment vous rencontre-t-il ? Qu’est-ce qui se passe ?

Je crois que c’est un problème de destin.

Vous croyez beaucoup au destin !

Oui ! je crois beaucoup au destin, parce que je suis resté au camp, il y a un des officiers supérieurs qui est venu me voir pour dire que celui qui a tiré sur moi aurait donné des coups de fusil à l’état-major de la gendarmerie, parce qu’on avait pris un élément et je crois qu’il était question de faire son audition. Quand il a appris, il a pris une équipe, ils sont partis à la gendarmerie, ils ont menacé les gendarmes, ils ont fait des tirs. Et quand ils m’ont dit, je me suis dit que cela ne se doit pas. On m’avait dit qu’il s’était retranché dans le camp. J’ai pris le véhicule avec quelques hommes. Je crois que ce jour même tous les hommes pratiquement étaient partis se reposer. Je suis sorti et je suis allé dans l’espoir de le ramener à la raison. Parce que seulement ma présence pouvait lui faire sortir de là où il était. Quand je suis allé, je suis descendu avec quelques-uns, je l’ai dit que c’était de nature inacceptable. J’ai cherché effectivement à le ramener à la raison pour lui dire de replier au Camp Alpha Yaya. Je crois que pendant ce temps, c’est le destin, tout d’un seul coup, parce qu’il avait une arme, c’est un tir que je vois à mon niveau. Je suis à terre, un de mes officiers d’opération qui était là, quand il a vu la situation, il a foncé sur lui. Pendant ce temps, c’est un de mes hommes de la protection qui est venu et qui a parlé dans mes oreilles. Pour me dire : « Mon président, je vais te sauver, il faut croire à Dieu ». Il m’a pris sur ses épaules et puis je ne sais pas comment effectivement il a pu sortir parmi les autres militaires. C’est en ce moment qu’il m’a sauvé parce que je les avais envoyés en formation pour la protection. Donc le destin a voulu que cela se passe. Puisque toute la protection n’était pas venue, effectivement, il a perdu la vie. Je me suis rendu compte quand je suis arrivé à Ouaga, parce qu’on m’avait dit qu’il était seulement blessé. Mais c’est par après qu’on m’a dit qu’il avait trouvé la mort.

Monsieur le Président, avec le recul, n’avez-vous pas l’impression d’avoir un peu perdu la tête avec toutes ces sorties médiatiques, ces Dadis-show, vous vous en preniez aux commerçants, aux hommes d’affaires, aux leaders politiques, et même à certains ambassadeurs.

À chaque moment l’homme apprend. Mais peut-être c’est un défaut ou une qualité. Quand je respecte, je veux qu’on me respecte. J’ai réagi avec l’Ambassadeur d’Allemagne, je puis dire que je dois tout à l’Allemagne, je suis un produit de l’Allemagne, parce que j’ai fait ma formation d’officier, j’ai la parfaite maîtrise de la langue. Et je peux dire que j’ai hérité de certains caractères, de certains comportements. Un peuple travailleur, honnête et sincère. Si à un moment donné, je suis acculé par un ambassadeur, je me dis en quelque sorte que c’est un peu une violation au point de vue souveraineté, un chef d’Etat a droit à un respect, quelle que soit la nature. C’est comme le nouveau président Alpha Condé, il a droit à tous les respects, un ambassadeur ne peut pas se permettre ou quelqu’un d’autre, quelle que soit l’institution, ne peut pas se permettre de l’offusquer. Il réagit. Je crois que l’homme, à certain moment, il y a la sagesse, l’homme apprend. J’ai beaucoup appris.

Vous êtes devenu un peu plus calme ?

Je suis devenu plus calme, parce que je suis à l’école du Président Blaise Compaoré. C’est un homme que j’ai admiré de par son calme, sa sérénité. J’ai appris beaucoup de choses. C’est pour cette raison durant mon temps de convalescence à Ouaga je suis devenu très calme. J’observe, j’analyse les faits et je ne me prête pas à des provocations. J’ai été parfois provoqué par des gens, mais pas un seul jour j’ai répondu.

Par qui ?

Je me réserve de dire, mais je sais que parfois on me provoque, je refuse de répondre. Ça c’est la sagesse.

La Guinée a désormais un président élu démocratiquement : Alpha Condé. La Transition est donc terminée, mais vous êtes pourtant toujours au Burkina Faso, bien rétabli : vous êtes en pleine forme malgré cette large cicatrice sur la tête. Envisagez-vous de repartir bientôt en Guinée, ou vous êtes retenu au Burkina ?

Je ne suis pas retenu au Burkina, je ne suis pas en prison, vous-même vous constatez, vous êtes dans ma résidence, j’ai une protection, j’ai les moyens de déplacement, j’ai ma famille qui est avec moi, j’ai mon entourage, je peux sortir quand je veux, il suffit seulement d’informer la sécurité. Donc je suis libre de mes activités.

Votre nouvelle vie au Burkina ?

Oui ! parce que je me suis rétabli par la grâce du président Blaise Compaoré, des Burkinabés, si je puisse dire, avec l’appui aussi de la communauté internationale.

Comment ça, la communauté internationale vient à votre secours ?

Je dis la communauté internationale parce qu’elle sait très bien que je suis là aux bons soins du Président Blaise Compaoré. S’ils ne voulaient pas, je ne serais pas là. C’est pourquoi je parle de la communauté internationale, parce que quand je suis arrivé là, le Groupe de contact est venu me remercier de mon attitude. L’attitude que j’ai eu à adopter en ce qui concerne les accords de Ouaga.

Les accords de Ouaga qui font que vous soyez-là. Est-ce que vous trouvez l’envie de repartir en Guinée, maintenant que les élections se sont déroulées, la transition est terminée, un président a été élu. Avez-vous envie de retourner vivre chez vous en Guinée ?

Bon ! pour ça je crois que tout homme aime sa patrie, sa nation. Du jour au lendemain je peux retourner au pays. C’est mon pays natal, je me reproche de rien jusqu’à nouvel ordre. Il n’y a pas une interdiction à mon niveau qui dit que je ne dois pas rentrer dans mon pays. Je peux rentrer au pays au moment opportun. Mais pour le moment je suis là et aussi de temps à autre je peux revenir au Burkina parce que c’est mon pays hôte. L’hospitalité que le peuple burkinabé, en l’occurrence le Président Blaise Compaoré, m’a été offerte, ça me donne déjà un sentiment, ça veut dire c’est une deuxième patrie. C’est là où je me suis reposé, je suis libre. Si je n’étais pas libre comme on peut le penser, je n’allais pas me prêter effectivement à votre interview.

Comment envisagez-vous l’avenir maintenant ? Vous envisagez de rester là où vous avez l’intention de faire un peu de politique ? Ou tout ça c’est du passé ?

Je n’ai pas d’autre ambition, la politique ou faire ceci ou cela, je me dis simplement qu’avec le nouveau président, je lui souhaite bonne santé. Et moi, personnellement, je ne compte plus servir dans l’armée.

C’est fini l’armée ?

C’est fini. Quelqu’un qui a été ancien président, chef d’Etat, commandant en chef des forces armées, il y a un nouveau président, vous allez repartir dans l’armée, qu’est-ce que vous allez faire ? Je ne veux pas être encombrant, parce que c’est de nature à menacer. C’est une menace servir encore dans l’armée. Il y a un nouveau président qui est commandant en chef des forces armées, je crois que quand on veut servir sa nation, sa patrie, il y a certaines choses qu’il faut réaliser soi-même. Je peux servir la nation que si je ne suis pas dans l’armée…

Peut-être dans la politique…

D’abord, mon ambition, c’est quoi ? En toute sincérité, on ne peut pas s’abstenir une vocation qui est une nouvelle ère. Parce que j’ai l’obligation de soutenir la nouvelle autorité. Donc, parti politique, ce serait un peu gauche. Cela veut dire que moi-même je n’ai pas de conviction. Je peux le faire pourquoi ? Mon seul souci est qu’il y ait la cohésion et soutenir cette nouvelle équipe pour sortir la Guinée de l’ornière. Le reste, l’avenir en déterminera. Mais pour le moment ma vocation, même étant au pays, c’est d’être utile à la nation guinéenne.

Entretien décrypté par AfricaLog.com

 

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