La crise égyptienne met les Occidentaux dans l'embarras | Coup de Pouce/Coup de Poing | www.africalog.com
Home

La crise égyptienne met les Occidentaux dans l'embarras

Jan 29, 2011

Devant les troubles qui éclatent en Egypte et ailleurs, les gouvernements occidentaux sont pris en tenaille entre leurs alliances stratégiques, leur propre discours sur la démocratie ou les libertés et la sympathie de leurs opinions pour ceux qui manifestent.

De violents accrochages ont opposé vendredi policiers et protestataires dans les rues du Caire et d'autres villes, lors d'une quatrième journée d'agitation mobilisant des dizaines de milliers d'Egyptiens contre le régime d'Hosni Moubarak.

Des centaines d'arrestations ont eu lieu au cours de ces manifestations inspirées par la "révolution du jasmin" de la Tunisie, où le président Ben Ali a pris le chemin de l'exil le 14 janvier sous la pression de la rue.

Le Yémen - autre allié régional clé des Etats-Unis - connaît aussi une montée des troubles, les militants de différentes parties de la région s'inspirant les uns des autres.

CHOIX LIMITÉS

Washington et d'autres Etats occidentaux s'appuient de longue date sur des dirigeants régionaux parfois sans états d'âme en matière de répression mais en qui ils voient un rempart contre l'extrémisme islamique. Dans le contexte actuel, ils ont peu de choix prometteurs.

"Ils n'ont pas très bien géré ce numéro d'équilibriste et sont maintenant coincés en plein milieu", estime Rosemary Hollis, professeur d'études moyen-orientales à la City University de Londres.

"Ils entretiennent l'aimable fiction par laquelle ils se disent favorables à la démocratie et à l'ouverture, alors qu'en réalité ils ont trouvé leur compte dans le fait de permettre à certains régimes de s'abstenir de réformes."

Hollis rappelle que le bon score électoral des islamistes du Hamas aux élections palestiniennes de 2006 a effrayé nombre de dirigeants politiques et les a dissuadés de plaider pour des réformes démocratiques ailleurs dans la région.

Le président Barack Obama et sa secrétaire d'Etat Hillary Clinton ont lancé des appels à la modération en Egypte, exhortant Le Caire à parler de réformes à la population et à saisir l'occasion pour répondre à ses aspirations.

Le chef de la diplomatie britannique, William Hague, a demandé aux autorités égyptiennes de ne pas "réprimer le droit du peuple à la liberté d'expression", mais sans prendre parti.

Si les capitales occidentales expriment un soutien direct aux manifestants comme elles l'ont fait durant les remous de 2009 en Iran, elles risquent de s'aliéner de vieux amis et d'enhardir ceux qui descendent dans les rues.

Si les forces de sécurité se livrent à une répression brutale, les Etats occidentaux redouteront d'être accusés de complicité d'atteintes aux droits de l'homme.

Mais si d'autres dirigeants sont chassés de leurs pays, une vague d'instabilité pourrait porter au pouvoir des gouvernements islamistes et menacer l'équilibre politique régional.

"Il sera très difficile aux Etats-Unis de se détourner de Moubarak, même s'ils prennent soin de ne pas exprimer de soutien à une répression", déclare Ian Bremmer, président d'Eurasia Group, institut de recherche sur les risques politiques.

"CONTREPARTIE INTOUCHABLE"

L'Egypte est aussi considérée comme un allié de première importance contre l'Iran et face à la contrebande d'armes au profit des activistes du Hamas dans la bande de Gaza. Le canal de Suez reste essentiel pour les importations européennes de pétrole et de produits asiatiques bon marché.
Pour Nigel Inkster, ancien responsable des services secrets britanniques chargé aujourd'hui de la gestion des risques politiques et menaces transnationales à l'Institut des études stratégiques de Londres, le "moins mauvais choix" pourrait consister à maintenir les relations en l'état de crainte d'un changement pour le pire, tout en s'efforçant "de pousser du coude dans le sens des réformes politiques et économiques".

"En fin de compte, Etats-Unis et pays européens ne peuvent guère plus que suivre le cours des événements et tenter de ne pas se faire des ennemis de ceux qui seront dans le camp des vainqueurs."
Les dirigeants occidentaux surveilleront aussi leurs opinions publiques. Les organes de presse et un nombre croissant de jeunes très politisés suivent les manifestations tunisiennes et égyptiennes sur des sites comme Twitter. Ils se montreraient très critiques face à ce qui leur apparaîtrait comme une collusion occidentale avec une répression sanglante.

"Avec des événements comme ceux-là, la stratégie politique a toujours consisté en partie à influencer le public et les médias occidentaux, et donc, dans une certaine mesure, la politique gouvernementale", note Mark Hanson, spécialiste londonien des nouveaux médias. "Ces manifestants font cela très bien."
Selon des câbles diplomatiques américains diffusés vendredi par WikiLeaks, des pressions sont exercées sur Moubarak et son gouvernement pour qu'ils se rallient aux réformes politiques, réduisent la censure et assouplissent l'état d'urgence.

Mais ces diplomates relèvent aussi que l'aide financière américaine au gouvernement égyptien - en particulier à l'armée qui pourrait jouer un rôle décisif si les manifestations s'étendent encore - est un préalable à de bonnes relations.

"Le président Moubarak et les dirigeants militaires considèrent notre programme d'assistance militaire comme une pierre angulaire de nos relations (...), et le 1,3 milliard de dollars (de financement militaire extérieur annuel) comme une contrepartie intouchable au fait d'avoir fait la paix avec Israël", dit un câble de février 2010 rédigé à l'intention de l'amiral Mike Mullen, chef de l'état-major interarmes américain. - Reuters

 


Liens Sponsorisés