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Blaise Compaoré chez Dadis : Une visite qui intrigue

Apr 21, 2009

Par Hamidou Ouédraogo

Le capitaine Moussa Dadis Camara, on se rappelle, s’est emparé du fauteuil présidentiel le 22 décembre 2009, quelques heures seulement après le décès de son protecteur, en l’occurrence Lansana Conté. Pour sa première sortie officielle du territoire guinéen, le chef de la junte militaire avait choisi pour destination le Burkina Faso. C’était comme un cadeau de nouvel an de la part du bouillant officier puisque son arrivée était prévue pour le 1er janvier 2009.

Hélas, le tapis rouge déroulé, ce jour-là, a attendu vainement toute la matinée et une bonne partie de l’après-midi : le capitaine Moussa Dadis Camara venait de poser un gros lapin à son vis-à-vis burkinabè. Les officiels et chasseurs de scoops et d’images, qui ont fait le pied de grue à l’aéroport international de Ouagadougou, en ont eu pour leurs frais pendant que la fête du nouvel an battait son plein dans les familles. Quelles qu’en fussent les raisons, inutile de relever que ce rendez-vous manqué n’a pas été apprécié du côté de Kossyam.

Et voilà que le 19 avril 2009, l’on nous annonce, pour le lendemain, « une visite d’amitié de 24 heures » de Blaise Compaoré à son homologue guinéen ! On ne doute pas, comme le mentionne d’ailleurs le communiqué de presse présidentiel qui en fait cas, que les deux chefs d’Etat, entre autres sujets, discuteront de « l’évolution de la situation politique en Guinée ». Quoi de plus normal ! L’on ne peut tout de même pas en vouloir à un chef de l’ Etat burkinabè de rendre visite à son pair.

Toutefois, dans le contexte africain, nombreux sont ceux qui pensent qu’il eût été bienséant que ce fût le nouveau venu, Moussa Dadis Camara, qui fît une séance de rattrapage en effectuant le déplacement vers son aîné dans le double sens du terme. Ainsi le veut d’ailleurs une tradition diplomatique bien établie qui commande que ce soit le benjamin en politique qui se rende le premier auprès des anciens pour profiter de « leurs sages conseils ».

Le curieux dans cette affaire, c’est que, sauf erreur, Blaise Compaoré est le deuxième chef d’Etat du continent après Kadhafi et le premier de la sous-région, a avoir honoré le capitaine Dadis d’une visite officielle. Laurent Gbagbo de Côte d’Ivoire, Ellen Jonhson Sirleaf du Liberia, Ernest Bai Kromah de la Sierra Leone, le défunt président Joao Bernardo Nino Vieira de la Guinée-Bissau et Amadou Toumani Touré du Mali ont fait le voyage à Conakry, mais pour les obsèques de Lansana Conté.

Serait-ce vrai que c’est pour des raisons de sécurité que le nouvel homme fort de la Guinée n’a jamais quitté son pays ? Aurait-il peur de subir le sort d’un Ange Félix Patassé qui a perdu son fauteuil pendant qu’il participait à un sommet de la CEN-SAD au Niger, ou d’un Maouya Ould Ahmed Taya en Mauritanie, condamné à un exil forcé alors qu’il revenait des funérailles du roi Fahd d’Arabie Saoudite ? En tout cas, ce n’est pas la première fois qu’un chef de l’Etat guinéen reste longtemps prisonnier chez lui pour des raisons sécuritaires. Sékou Touré en ayant été un exemple édifiant pendant de longues années.

Les itinéraires de nos dirigeants étant insondables, l’on saura difficilement les réelles motivations qui ont conduit le président du Faso au Pays de Camara Laye. Cependant, à défaut de recevoir Dadis chez nous, n’aurait-il pas fallu attendre que l’élection présidentielle se tienne, avec à la clé un chef de l’Etat démocratiquement élu, avant d’y effectuer une visite officielle ? Certes, du temps de Lansana Conté, ce n’était pas le parfait amour entre le Burkina Faso et la Guinée où Blaise Compaoré n’a pas mis les pieds une décennie durant. Pas même aux obsèques du successeur de Sékou Touré où il a préféré envoyer ses lieutenants.

La Guinée peut donc bien lui manquer. Cependant, en s’y rendant, ne va-t-il pas par ce fait légitimer un pouvoir qui, quoi qu’on dise, est arrivé dans des circonstances non démocratiques ? L’imprévisible Dadis ne va-t-il pas tirer motif de toutes ces visites pour se dédire à l’image du général Mohamed Ould Abdel Aziz, le chef de la junte mauritanienne, qui a décidé d’organiser des élections auxquelles il est candidat et sûr certainement d’en sortir vainqueur ?

En tout cas, la question mérite d’être posée pendant que résonnent encore à nos oreilles les propos musclés du capitaine Camara, qui menaçait la semaine dernière de jeter le froc militaire et de se porter candidat « si les opposants ne mettent pas de l’eau dans leur vin ».

S’il s’avĂ©rait que Dadis a effectivement l’intention de lĂ©gitimer son fauteuil en organisant une Ă©lection Ă  la clĂ©, quel conseil son aĂ®nĂ© d’armes, Blaise CompaorĂ©, pourrait-il bien lui donner ? On imagine qu’il aura toutes les peines du monde Ă  convaincre l’homme fort de Conakry de ne pas mettre ses menaces Ă  exĂ©cution. Lui qui, en son temps, a bien troquĂ© treillis et galons de capitaine contre costumes et cravates sur mesure. - L’Observateur Paalga 

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