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Des Africains pourchassés en Libye comme des mercenaires de Kadhafi

Mar 04, 2011

Ils sont terrorisés. Certains se sont barricadés chez eux, d'autres se sont cachés dans le désert. Insultés, menacés, frappés, chassés, volés, les Africains de Libye assimilés aux "mercenaires" de Kadhafi abandonnent tout pour sauver leur peau.

Cissé Ousmane, Ivoirien de 31 ans, regardait la télévision chez lui, à Zouara (ouest de la Libye), quand "les Libyens" sont arrivés. "Ils ont frappé à la porte, boum, boum, plusieurs fois, il était 2H00 du matin. Ils voulaient rentrer de force. Ils disaient +sortez, on va vous tuer, vous êtes des blacks, des étrangers, dégagez".

C'est la porte blindée et les barreaux aux fenêtres qui l'ont sauvé, lui et sa famille. Des maisons de Nigériens ont déjà brûlé, dit-il, et ce soir-là il en est persuadé "un black qui sort, il va mourir".
Deux heures plus tard, ils fuyaient en pleine nuit pour venir s'échouer à Ras Jedir à la frontière entre la Libye et la Tunisie.

Les témoignages des Africains de Libye arrivés à Ras Jedir ces derniers jours se suivent et se ressemblent. Ils viennent du Mali, du Soudan, du Tchad ou du Ghana, étaient venus en Libye pour trouver un emploi bien payé, aider leurs parents restés au pays ou s'installer et fonder une famille.

"Je gagnais environ deux fois plus qu'au Soudan", explique Moussa, un ouvrier soudanais de 33 ans, qui a fui avec ses quatre enfants. "Invités" à venir en Libye pendant des années par le panafricain Mouammar Kadhafi, ces émigrés étaient régulièrement victimes d'actes de racisme.

Mais leur vie a définitivement basculé avec la révolution libyenne: la répression la plus féroce a été menée par les "mercenaires africains" du leader libyen, selon de nombreux témoins qui ont décrit "des hommes noirs tirant sur les foules sans prévenir".

Dans les villes "libérées", la chasse aux Africains a commencé, des insultes aux coups en passant par le racket voire le viol, disent les Africains interrogés.

"Les Libyens nous accusent d'être des miliciens de Kadhafi, des mercenaires africains", explique Mohamed Ali, ingénieur soudanais de 40 ans, arrivé de Zawiyah. "Nous ne sommes que de simples manoeuvres!", s'indigne Saïd Moussa, Malien de 42 ans, employé d'une société chinoise à Tiji (ouest). Il raconte que quand les Chinois sont partis, la population du village leur est "tombé dessus". "Ils nous ont agressés, ils nous ont tout pris".

A Zouara, "les civils voulaient nous tuer, ils ont battu plusieurs d'entre nous. Pour moi, ce sont des animaux", lâche Abdel Ahmed, ouvrier ghanéen de 25 ans. "Ils nous ont chassé de chez nous, nous ont tout volé, ont causé des problèmes aux femmes", dit un autre sous couvert de l'anonymat. Un commerçant soudanais de 20 ans, arrivé de la même ville, explique qu'il a eu tellement peur qu'il est allé se cacher deux jours dans le désert.

Chacun a une histoire à raconter mais ils restent terrorisés. Au poste-frontière, ils ne se mêlent pas aux autres.Et quand on les interroge sur ce qu'ils ont vécu, souvent la conversation est interrompue: "Ne raconte pas ce qu'il se passe là-bas, dis qu'il n'y a pas de problèmes", leur lancent des compatriotes par crainte représailles.

L'arrivée à Ras Jedir est rude. Des milliers d'Egyptiens, Bangladeshis ou Africains s'entassent à même le sol, dans des abris de fortune, des tentes ou des hangars dans l'attente d'être rapatriés. L'incertitude du retour dure des jours.

Pour tout refaire après des années en Libye, ils n'ont pratiquement rien. Saïd Moussa montre une petite valise: "C'est tout ce qu'il me reste après deux ans en Libye. Tout ce qu'on demande à Dieu, c'est de rentrer au pays".

Cissé Ousmane compte s'installer avec sa femme tunisienne à Tunis. Il a réussi à emporter un frigo, une machine à laver "pour les vendre". Après quatre ans en Libye, "il faut tout recommencer à zéro, on ne sait pas ce qu'il va se passer on n'a pas de maison, rien". - AFP

 

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