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Les insurgés sont «dangereux» pour les Africains vivant en Libye

Mar 29, 2011

Dans la pièce sombre de la prison de Benghazi, on ne voit que leurs yeux qui brillent dans le noir. Ils sont 14 hommes originaires du Mali, tous arrêtés dimanche à Ben Jawad - l'une des quatre villes reconquises par les insurgés libyens depuis le début des frappes internationales.

Le départ des troupes de Mouammar Kadhafi est accueilli avec joie et soulagement par les habitants de ces villes, où la vie reprend son cours après 10 jours de terreur.

Mais pour les Africains venus travailler en Libye, le retour des rebelles n'est pas nécessairement une bonne nouvelle. Soupçonnés d'avoir servi comme mercenaires dans les troupes du dictateur, ils risquent d'être arrêtés et détenus sans trop savoir ce qui les attend.

Ibrahima Diarra, 22 ans, ancien joueur de football, est venu gagner sa vie en Libye l'an dernier. Il travaillait pour une société chinoise qui construit un réseau de transport sur rails à Ben Jawad. Il jure n'avoir jamais combattu pour le régime de Kadhafi, pas plus que ses 13 compagnons arrêtés dans l'appartement qu'ils partageaient à Ben Jawad.

La plupart n'ont même pas eu le temps de mettre leurs chaussures avant d'être embarqués les uns par-dessus les autres dans une jeep Land Cruiser. Ibrahima Diarra a été frappé d'un coup de fusil sur la tête. Sa blessure toute fraîche est visible sur son crâne. Son compagnon Moussa Fofana a un oeil rouge et enflé, résultat d'un coup.

«Nous n'avons rien fait. Nous avons très peur. Nous voulons juste rentrer chez nous», supplie Ibrahima Diarra.

Aucun des gardiens qui surveillent notre entretien ne parle français. Quand ils voient que leurs prisonniers nous montrent leurs blessures, ils deviennent nerveux et indiquent que ces mauvais traitements ne leur ont pas été infligés en prison.

Les détenus confirment qu'ils n'ont été battus que pendant leur arrestation et leur transport vers Benghazi. Mais ils se plaignent d'avoir faim et de n'avoir reçu que quatre couvertures pour tout le groupe. Ils ont eu froid durant la nuit.

Ils sont affalés sur de minces matelas posés à même le sol. Leurs visages expriment la confusion et la peur.

«Ce sont des hommes très dangereux», avertit leur gardien, Salam Mukhtar, qui a lui-même été détenu dans cette prison avant la révolution. Il a profité de l'amnistie postrévolutionnaire pour changer de rôle.
Au moment de notre visite, il y avait 76 prisonniers de guerre à la prison de Benghazi, dont seulement 4 Libyens. Tous les autres étaient des étrangers soupçonnés d'avoir servi dans les troupes de Kadhafi.

Enquête

«Tous ces prisonniers feront l'objet d'une enquête, assure le procureur militaire Ahmad Zine El-Abidine. S'il n'y a aucune preuve contre eux, ils seront relâchés. Dans le cas contraire, ils seront poursuivis.» Il dit aussi que les prévenus auront droit à un avocat.

Le Conseil national provisoire, qui organise progressivement un gouvernement de transition, a nommé hier un responsable du dossier de la justice. Il s'agit du militant des droits de l'homme Mohamed Al-Llaghi. Mais il appliquera la loi actuelle - c'est-à-dire celle qui avait cours sous le régime de Kadhafi.

En attendant, les arrestations de dizaines d'Africains inquiètent Human Rights Watch. Beaucoup de Libyens se sont servis dans les entrepôts militaires après le départ des troupes de Kadhafi, dit Peter Bouckaert, qui enquête sur la situation en Libye pour cette ONG.

«Des hommes armés qui ne répondent à aucun commandement font la chasse aux mercenaires.»
Cette activité a augmenté à Benghazi après la tentative d'offensive des troupes pro-Kadhafi, stoppée par les frappes internationales. Quand l'attaque a paru imminente, des agents pro-régime ont apparu dans cette ville. «Cela a créé beaucoup d'insécurité.»

Depuis que les forces du régime ont dû retraiter, des groupes d'hommes armés se sont mis à ratisser les maisons à la recherche des membres de ces «cellules dormantes», pour les emmener au palais de justice.

Peter Bouckaert a visité le palais de justice, puis la prison où ces détenus ont été transférés. Au moment de sa visite, 48 des 60 détenus étaient des étrangers. Les autres étaient surtout des travailleurs migrants africains.

La Croix-Rouge internationale a aussi eu des contacts avec les autorités pénitentiaires. Selon un responsable de l'organisme, Giorgio Negro, celles-ci acceptent ses interventions, ce qui n'est pas toujours le cas dans des situations analogues.

Et les mercenaires? Selon Peter Bouckaert, leur présence dans les troupes de Kadhafi a été largement exagérée. ( Avec la Presse)

 

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