Exclusif/AfricaLog: Lorsque l’affaire DSK a déclenché, Anne Sinclair, la brillante journaliste et épouse de Dominique Strauss-Kahn, accusé de viol, s’est exprimée en appelant «chacun à la décence et à la retenue».
Malgré cet appel, certains éléments de la société française se sont lancés dans des insinuations farfelues pour salir la victime présumée: “la femme qui accuse DSK réside dans un quartier pauvre, dans un appartement avec des gens qui ont le SIDA” ; “elle cherche l’argent”.
D’autres ont déjà décidé l’innocence de DSK avant le procès: “DSK est victime d’un complot”, “Cette femme connaissait DSK, puisque sa photo est montée sur un mur des VIP” ; “Les résultats des analyses ADN qui corroborent la plainte de la victime présumée vont disculper DSK ”.
AfricaLog.com a fait le tour de l’hôtel Sofitel, guidé par un employé qui a aidé à déjouer la sécurité renforcée. Cet employé de l’hôtel a dit à AfricaLog.com: « il n’ya aucun mur dans l’hôtel avec des photos de VIP. Cherchez partout, vous n’allez rien trouver. »
L’intérieur de l’hôtel Sofitel de New York
AfricaLog.com a rencontré un groupe de 6 Français en «pèlerinage» à l’hôtel Sofitel, le lieu qui symbolise la chute de DSK.
AfricaLog: Bonjour, je vous ai entendu parler Français, si vous permettez je vais recueillir des réactions sur l’affaire DSK.
Une personne du groupe: Beh… c’est un système carré. Ce n’est pas la justice. Je trouve que tout est fait pour l’humilier. En tant que Français cela me choque.
AfricaLog : C’est la justice de ce pays. Qu’est ce qui vous choque?
Une personne du groupe: Le voir avec des menottes, comme un individu qui a commis un crime. C’est effroyable pour lui qui a dirigé le FMI et qui était perçu comme le futur président.
Intérieur de l’hôtel Sofitel de New York
Dans une chronique, Marc Simard, professeur d'histoire au collège François-Xavier-Garneau à Québec, fustige l’attitude des Français dans l’affaire DSK. Lisez.
[ Chers cousins, il y a longtemps déjà que je vous fréquente et pourtant, jamais vous ne cessez de me surprendre.
L'an dernier, encore, vous avez provoqué l'hilarité générale en vous opposant au relèvement de l'âge de la retraite à 62 ans. Mais là, vous vous dépassez: un sondage révèle en effet que 57% d'entre vous croient que DSK a été victime d'un complot.
Connaissant votre grande culture littéraire, j'attribue une partie de ce pourcentage ahurissant à votre lecture des oeuvres d'Alexandre Dumas, ce grand maître de la conspiration occulte.
Pour ma part, je n'arrive pas à identifier quelqu'un d'assez machiavélique pour avoir créé cette intrigue de la femme de chambre africaine (de surcroît immigrante, musulmane et mère célibataire) qui entre dans sa chambre dans la matinée, au moment précis où il sort nu de la douche, et qui réussit à l'amener à avoir avec elle une relation consensuelle pour se plaindre par la suite qu'elle a été agressée, le tout au profit d'un mystérieux commanditaire. Comme disait François Pignon, c'est «très intelligent, mais vachement tordu».
Si j'avais été le scénariste de ce coup monté, j'aurais placé la scène à l'heure de l'apéro et j'aurais introduit dans la chambre de ma victime une soubrette blonde aux yeux verts avec un décolleté profond et une jupe à ras vous savez quoi, et portant un plumeau ainsi qu'un cellulaire où serait enregistré le numéro personnel de Sarko. L'addition de tous ces clichés aurait donné, me semble-t-il, plus de crédit à la thèse de la conjuration.
Mais outre votre imagination débridée, cette affaire révèle aussi des différences fondamentales entre vous et les Nord-Américains, ainsi que certains traits culturels et sociétaux que je qualifierais de gênants ou même de déplaisants.
On ne peut que s'étonner de la survivance dans votre pays, qui a pourtant fait une révolution en bonne partie pour éradiquer les privilèges sociaux, d'un formidable écart non seulement économique, mais aussi sociétal et judiciaire entre votre élite et les masses populaires.
Avouez-le: ce qui vous choque, dans l'affaire DSK, c'est qu'un puissant (homme de gauche, de surcroît) soit arrêté et inculpé à la suite du témoignage d'une femme de ménage noire, musulmane et immigrante. Dans votre pays de strates et de privilèges, cela est impossible: ou les policiers n'auraient pas pris ses allégations au sérieux, ou le parquet aurait étouffé l'affaire ou l'aurait laissé trainer en longueur jusqu'à étiolement, ou encore un mandarin au bras long serait intervenu pour y mettre le holà.
Vous êtes d'autant plus indignés que vous considérez que ni les médias ni la justice n'ont le droit de s'immiscer dans les amours, même ancillaires, des gens riches et célèbres. Mais vous avez hélas! tendance à confondre aventures et harcèlement ou même agression, pardonnant aux nababs leurs incartades sans vous soucier de leurs victimes.
L'affaire DSK témoigne aussi de votre sentiment collectif de supériorité face aux sociétés nord-américaines, que vous considérez comme frustes et brutales. Vous avez en effet été choqués de voir DSK, menottes aux poignets, traité comme un «vulgaire détenu».
Je regrette d'avoir à vous le rappeler, mais dans le système judiciaire états-unien, où le statut social compte beaucoup moins que chez vous, c'est ce qu'il est. Et ni son appartenance à l'élite mondiale ni son poste prestigieux ne lui permettront d'obtenir de passe-droit.
Je soumets aussi que, malgré la détestable mise en scène et la médiatisation du processus judiciaire, la présomption d'innocence y est beaucoup mieux respectée que chez vous. Ces procédés vous hérissent, tandis que je suis fort aise de constater une fois de plus qu'aux États-Unis, ce pays de cow-boys et de rednecks, «nul n'est au-dessus de la loi».]
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