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Alpha Condé: «Bah Oury a avoué»

Sep 12, 2011

L'interview que le Président de la République a accordée aux médias sénégalais (le quotidien L'Enquête et la radio Sud fm) a eu lieu le mercredi, 7 septembre 2011 au Palais présidentiel "Sèkhutureya". Donc, avant son départ pour son actuel voyage devant le conduire à Berlin (RFA), Beijing (RP Chine) et New York pour la 66ème session de l'Asemblée générale de l'ONU.

Si la télévision ou la radio guinéenne ne l'ont pas encore diffusée, c'est que la primeur de la diffusion a été, comme en pareille circonstance, accordée aux médias demandeurs.

En attendant de revenir sur les réactions que cette interview du Professeur Alpha Condé a suscitées dans le pays ou ailleurs, votre site AfricaLog.com vous la propose.

Les Guinéens de l'intérieur semblent pour l'instant avoir suivi un extrait proposé par une radio internationale dans la soirée du dimanche 11 septembre 2011 dans son édition de 18h 30.

«Bah Oury a dit qu’il ne pouvait pas ne pas agir. Il a avoué. C’est le numéro deux officiel de l’Ufdg, sans compter ceux qui se réunissaient à Dakar, à l’hôtel Méridien-Président….. Et Sadakadji Diallo, disait à qui voulait l’entendre, qu’il allait organiser un attentat contre moi. Demandez à l’ambassade de France ici. Je l’en ai informé et j’ai informé certains pays amis…. Tibou Kamara a quand même dit, à Malabo, que l’Armée va marcher sur le Palais. Demandez aux Guinéens qui sont en Guinée Équatoriale, ils pourront vous dire ce que Tibou a dit contre moi… Mais, je n’ai jamais parlé de Cellou Dalein. J’ai parlé de gens qui se réunissent à l’hôtel. On les connaît, c’est Tibou Kamara, Sadakadji etc. Je n’ai jamais parlé de Cellou Dalein», a expliqué le Président Alpha Condé.

Monsieur le Président, voilà neuf mois que vous êtes au pouvoir. Dans quel état avez-vous trouvé le pays?

J’ai déjà dit aux Guinéens que j’ai hérité d’un pays et pas d’un État. J’ai hérité d’un État presque en état de faillite. Vous savez, en 2009, le Conseil national pour la démocratie et le développement (Cndd) a sorti, en dix mois, plus d’argent que la Guinée de 1958, à la mort du président Lansana Conté. La Banque Centrale était quasiment en faillite. Il me fallait donc me recentrer sur les réformes structurelles. Mais je ferai comme Alexandre le Grand, c’est-à-dire que je ne vais pas essayer de dénouer le nœud gordien, je vais utiliser l’épée pour couper ce nœud gordien. Ce qui a d’ailleurs fait dire aux gens que je prenais trop de risques, en m’attaquant à la fois à trop de forces. Mais j’étais obligé de le faire, sinon j’allais être pris dans la nasse et réduit à l’inaction. Il fallait donc trancher sur le vif.

Vous avez récemment déclaré qu’il est sorti plus d’argent durant la transition, qu’en 50 ans de régime des Présidents Sékou Touré et Lansana Conté. Cela veut dire quoi?

Mais jugez-en par vous-même. La Banque Centrale va vous donner les chiffres et vous allez voir par vous-même. On a sorti plus d’argent durant la transition qu’en 50 ans et j’ai hérité de cette situation.

Justement où en êtes-vous, monsieur le Président, avec les audits qui doivent donner une certaine visibilité de la situation économique?

(La mine subitement grave). Je vais publier les audits. Même si on ne poursuit pas les gens, il faut publier les audits. Car si on poursuit, vous allez être les premiers à dire depuis Dakar : « voilà, il s’attaque aux opposants… », « Ce sont des règlements de comptes » etc... Mais je vais publier les audits. Car, c’est le droit du peuple de savoir. C’est la Commission d’audit qui va s’en charger. Sans doute qu’elle est en train de finaliser certains documents. Je vais les publier.

Y a-t-il un échéancier pour la publication de cette liste?

J’ai demandé à la commission d’audits de publier. Je pense qu’il y a quelques compléments. Je vous signale que les audits ont été faits avant moi. C’est sous le Comité militaire que cela a été fait. Le nouveau Comité que j’ai mis en place continue le travail.

L’audit des marchés publics a, semble-t-il, permis de mettre en valeur des pratiques surréalistes, des gaspillages, détournements etc, selon le Secrétaire général de la Présidence?

Je vais vous donner le rapport de la cour des comptes. C’est la Banque mondiale qui a financé l’audit réalisé par la Cour des Comptes Française. Qui nous a proposé de geler tous les contrats qui ont été passés de gré à gré. Nous avons gelé tous les contrats, nous allons négocier les contrats qui sont utiles pour le pays, en allant maintenant au niveau du prix réel. Par exemple, si c’est dans l’immobilier, nous faisons le contrôle technique avec des ingénieurs. La Cour des Comptes revient pour réévaluer le marché. On propose à l’entrepreneur le prix exact. S’il ne veut pas, on vérifie ce qu’il a reçu par rapport à ce qu’il a fait et on prend un autre entrepreneur. Mais il appartient à l’Agence judiciaire de poursuivre les gens. Pour le moment, nous attendons que chaque contrat soit revu. De toutes les façons, il y a des contrats que nous avons décidé de ne pas payer.

Quels contrats par exemple?

Il y en a trop. Je vais vous donner la liste après…

Vous pouvez quand même citer quelques exemples.

Comme par exemple le contrat de construction de certains immeubles. Les camps militaires par exemple. L’ambassadeur des États-Unis en Guinée, revenu de Kankan m’a dit : « Monsieur le Président, le camp de Kankan, c’est une honte, vous êtes obligé de tout casser et recommencer à zéro ». Pourtant des entrepreneurs y étaient pour faire ce camp. Et ils ont été payés. Voyez-vous!

C’est la gravité de cette situation qui vous installe, sans doute, dans une fragilité de fait?

Avant d’être Président, je connaissais déjà cette situation. Donc j’assume mes responsabilités. Je ne suis pas dans une situation de fragilité, parce que je dis la vérité au peuple. J’ai dit au peuple, nous allons souffrir. Le changement ne va pas se faire sans souffrance. Nous allons souffrir pendant un moment. Et le grand imam (NDLR, de Conakry) m’a dit qu’il vaut mieux accepter de souffrir, aujourd’hui pour avoir le bonheur demain. 1958, nous avons eu l’indépendance mais dans la pauvreté, 2012, nous allons avoir la prospérité et la liberté. Tout cela va se faire dans les 5 ans à venir.
C’est exactement ce que Sékou Touré disait… (Il coupe). Non. Sékou Touré a dit nous préférons la liberté dans la pauvreté. Moi, je dis, nous voulons la liberté dans la prospérité. C’est différent. Nous avions l’indépendance mais sans prospérité. Maintenant nous travaillons activement pour assurer notre développement.

Vous avez parlé de réformer l’État en accédant au pouvoir, de le moderniser. Sur quels éléments précis comptez-vous mettre l’accent?

Sur deux choses principales: la première chose, c’est la lutte contre l’impunité. Et deuxièmement, ce sont les réformes structurelles. On a commencé par faire l’unicité des caisses, parce que l’hémorragie se faisait à travers les comptes de l’État dans les différentes banques. Nous avons modifié les rapports entre la Banque Centrale et le Trésor. Il n’est plus question de décaisser n’importe comment. La Banque Centrale remet de l’argent au Trésor en contrepartie de devises. Ensuite, grâce à l’audit de la Cour des Comptes, nous avons pu geler tous les contrats passé en 2009, 2010, qui étaient tous des contrats de gré à gré de 2009. Parce qu’aussi, ce sont des contrats qui étaient surfacturés, parfois jusqu’à 200%. Nous avons obligé les débiteurs de l’État à rembourser. Ils ont effectivement commencé à le faire. Nous avons essayé de faire comprendre au peuple guinéen que nous avons une année difficile à passer, parce que le Fonds monétaire international (FMI) nous a demandé de réduire le déficit budgétaire de -13% en 2010 à -2%. Ce que l’on n’a même pas demandé à la Grèce. Mais comme nous comptons rapidement atteindre le Fonds d’achèvement du ppte (NDLR: pays pauvres très endettés), nous avons accepté ces conditions draconiennes. J’ai pu obtenir 700 millions de dollars d’indemnités de Rio Tinto, mais le Fonds monétaire me demande de ne pas les utiliser, parce que, me dit-on, cela va augmenter la masse monétaire et l’inflation. Donc, je ne peux utiliser l’argent que dans le domaine de l’Énergie par exemple et mettre une partie de l’argent dans un fonds d’investissement, alors que j’ai des hôpitaux, des écoles etc. Voilà, j’ai l’argent, mais je ne peux pas l’utiliser pour faire face aux besoins des populations. Voyez-vous, ce n’est pas simple…

La nouvelle République, née en décembre dernier, a hérité d’une armée à problèmes. On parle d’effectif pléthorique, de corruption des gradés, de clivages ethniques, de conflits de génération, d’impunité entre autres. Où en êtes-vous avec la réforme de l’armée?

D’abord nous avons réussi à délocaliser toutes les armes lourdes et les armes collectives. Avant, lorsque vous veniez à Conakry, il y avait des armes partout et vous voyiez les militaires se promener avec. Nous avons réussi à mettre fin à cela. Nous avons mis fin aux barrages, car c’était aussi des occasions de rackets. Évidemment après l’attentat du 19 juillet dernier, nous sommes obligés, pour pouvoir arrêter les différents complices, de mettre des barrages à partir de 22 heures. Nous avons délocalisé les armes lourdes à l’intérieur du pays. Nous avons ramené l’armée dans les casernes, maintenant c’est la Police et la Gendarmerie qui assurent la sécurité. Ensuite, nous allons commencer le recensement biométrique de l’Armée durant ce mois de septembre, pour connaître l’effectif de l’Armée et de la Fonction publique. Nous avons décidé, sur proposition de l’armée elle-même, de mettre à la retraite 4200 militaires avec des mesures d’accompagnement, avec trois mois de salaire par exemple. On va mobiliser une banque pour les mesures d’accompagnement, pour leur reconversion soit dans l’agriculture, soit dans d’autres métiers. Il y a ensuite la réforme de l’Armée, engagée avec la communauté internationale sous la direction de votre compatriote, le Général Lamine Cissé. Ce processus avance vite et bien.

Mais M. le Président, à côté de ce tableau que vous décrivez, il y a quand même des problèmes ethniques au sein de l’Armée en particulier et de la société en général…

(Sévère). Vous savez, il y a une campagne de diffamation en Guinée. Vous êtes à Conakry et vous vous êtes vous-mêmes promené, pour constater s’il y a un problème ethnique ou pas. Si vous voulez, nous n’avons pas la chance du Sénégal où tout le monde parle Wolof. Vous savez, les problèmes religieux ou ethniques, c’est bien souvent de la manipulation. Lorsqu’un homme politique n’a plus de programme pour convaincre, il utilise des arguments irrationnels, soit dans la religion, soit dans l’ethnie. C’est de la manipulation. Il est vrai que dans l’histoire de la Guinée , nous avons connu beaucoup de problèmes. Il y a eu le camp Boiro, les événements de 1985, 1991, 2006, 2007 et puis le 28 septembre dernier, au stade de Conakry. Nous avons vécu beaucoup d’épreuves qui ont déchiré le tissu. C’est pourquoi, il est extrêmement important que la Guinée se réconcilie, mais nous avons eu des élections libres et démocratiques. La Guinée a retrouvé sa pleine souveraineté. Nous allons faire la réconciliation, en fonction de notre histoire et de notre vision. Nous n’accepterons plus que quelqu’un nous dicte la façon de faire la réconciliation et d’organiser nos élections. C’est pourquoi d’ailleurs, nous finançons nous-mêmes nos élections, parce que lorsque vous recevez un financement de l’extérieur, il y a des contraintes auxquelles il faut impérativement faire face.

Restons encore sur ce registre des crispations ethniques. Monsieur le Président, des cadres de ce pays relèvent que pour être promu à des postes importants de l’administration, il faut être issu de l’ethnie Malinké dont vous êtes issu. On parle beaucoup de ministères comme ceux de la Santé , des Transports, des Grands Travaux, de l’Énergie etc. Ce sont quand même des accusations à la fois précises et graves. Quel traitement comptez-vous appliquer à ces problèmes?

Vous savez que c’est une très grande malhonnêteté. Vous avez trois régions en Guinée, la Haute Guinée , la Forêt et la Basse Guinée qui sont « Mandingue ». La Forêt on dit que c’est l’aîné, c’est-à-dire « Manding Pou », cela veut dire 10. La Basse-Guinée , c’est « Manding Fou », qui veut aussi dire 10. La Haute-Guinée , c’est le cadet et cela veut dire 10. Donc les trois Mandingue se distinguent par le chiffre 10. Traoré par exemple, tu ne peux pas savoir s’il est né en Haute Guinée, en Forêt etc. Quelqu’un qui est Fofana, Touré, Camara, Sylla vous ne pouvez pas savoir s’il vient de la Haute Guinée , de la Forêt ou de la Basse Guinée. La malhonnêteté, c’est de dire qu’on a nommé un Traoré et il est Malinké. Le ministre des Transports est Traoré, il est de la Haute Guinée. Le Gouverneur de la Banque Centrale est Traoré et il est Kolon, une ethnie minoritaire. C’est très facile de dire que tout le monde est Malinké. Le Premier ministre est Fofana, il est Soussou et il est de Forécariah. Le ministre des mines et de géologie est Fofana et il est de Kankan etc. Ensuite, c’est un changement de régime, ce n’est pas un changement de gouvernement. Je ne vais pas mettre à des places stratégiques des gens qui ont déjà géré. Moi, je ne suis pas venu pour faire de l’équilibre ethnique. Je suis là pour redresser la Guinée. Et comment pourrais-je nommer des cadres qui ont fait une mauvaise gestion. Je n’ai pas pris d’anciens ministres, en dehors du ministre des Finances et de trois militaires, parce que je ne pouvais pas faire autrement. Sinon, j’ai pris des gens expérimentés, en leur disant clairement que je ne protégerai personne. Celui qui sera épinglé par un audit aura des problèmes avec la Justice.
Mais en nommant des cadres, je prends en compte leur comportement au niveau de l’administration passée, de leurs gestions passées etc. Et puis le problème ne peut pas se poser. En Europe, lorsque la droite vient au pouvoir, on trouve normal que le Président nomme des préfets de la droite et non de la gauche.

Ici, on veut que je nomme des gens qui sont manifestement contre ma politique. Vous savez, il faut rétablir les choses. C’est l’Ufdg qui a mené une campagne, en disant que c’est notre tour. Il ne faut pas déformer l’histoire. Dans la campagne électorale, le seul mot d’ordre de mon vis-à-vis, c’était de dire que c’est notre tour. Cela a amené tous les autres à se coaliser. Donc c’est eux qui ont rejeté les autres, mais moi, en tant que Président, je dis que la Guinée c’est une voiture à quatre roues, donc je tends la main à tout le monde. Mais, il ne faut pas qu’on déforme l’histoire. On sait ce qui s’est passé lors de la dernière campagne électorale. Si une ethnie dit c’est mon tour et s’oppose à toutes les autres ethnies, on casse des véhicules, menace des Peuls qui ne sont pas dans cette mouvance, voilà ce que ça donne. C’est très facile d’aller sur Internet et de raconter des histoires. Aujourd’hui, tous les Malinkés, tous les Soussous, tous les Forestiers sont présentés comme des Malinkés. Un Traoré, si vous ne l’entendez pas parler, vous ne sauriez jamais s’il est Soussou, Forestier ou Malinké.

Ne pensez-vous quand même pas que le temps est arrivé pour les élites politique de ce pays, à commencer par vous-mêmes et Cellou Dalein Diallo, de se mettre à table pour essayer de dépasser ce problème ethnique qui plombe l’avenir de la Guinée et tenir un langage de vérité à tous les guinéens?

Vous avez vécu le 18 juillet. Comment pouvez-vous vous mettre autour d’une table avec des gens qui n’ont qu’une idée en tête : celle de vous assassiner. Tout le monde sait que si je n’avais pas parlé tôt le matin, il y aurait eu la guerre civile en Guinée. Voilà, des gens qui disent qu’ils sont politiciens et qui organisent des attentats contre le président de la République. Vous êtes journalistes, c’est la première fois qu’il y a un attentat contre un chef d’État sans qu’il n’y ait rien eu. Kpatcha est pourtant le frère du Président Faure (NDLR : il fait allusion au Togo), mais depuis qu’il a été arrêté, personne n’a pu lui rendre visite. Ici, j’ai permis aux ambassades et à la Croix-rouge de leur rendre visite. J’ai demandé aux populations de ne pas sortir ; chacun n’a qu’à vaquer à ses occupations, je ne veux pas de manifestations de soutien. Voyez-vous ? Vous ne pouvez pas dialoguer avec des gens qui veulent la guerre civile en Guinée. Le problème de la réconciliation nationale, ce n’est pas l’affaire des hommes politiques, c’est l’affaire du peuple guinéen. Moi, je reçois tout le monde.

Monsieur le Président, vous avez parlé de tentative d’assassinat. Mais qui a fait le coup et avec quelle complicité?

Nous savons très bien que le numéro deux de l’Ufdg (NDLR : Union des forces démocratiques de Guinée), Bah Oury, qui a fui, a été un des principaux organisateurs, de l’intérieur. Je n’ai pas voulu qu’on l’arrête, qu’on attende que la Justice lance un mandat. Ce qui lui a permis de fuir. On a dit partout que je l’ai tué. Après, il a parlé sur Rfi. Lui-même, a dit qu’il ne pouvait pas ne pas agir. Il a avoué. C’est le numéro deux officiel de l’Ufdg, sans compter ceux qui se réunissaient à Dakar, à l’hôtel Méridien-Président.

Des rumeurs font justement état d’une implication de l’État du Sénégal et même de la Gambie. Vous en dites quoi?

J’ai clairement dit au ministre Madické Niang (NDLR, ministre d’État, ministre des affaires étrangères) et au ministre des affaires étrangères de Gambie, que j’estime que les choses ont été préparées à l’hôtel Méridien Président, à Dakar et qu’il y a eu des va-et-vient entre Dakar et Banjul. J’estime que cela ne pouvait pas se faire à leur insu. J’ai été très clair. J’ai dit à votre ministre des affaires étrangères de façon claire, que je pense qu’il y a eu une complicité du gouvernement du Sénégal et de la Gambie , même s’ils disent qu’ils ont manqué de vigilance.

Mais comment en êtes-vous arrivés à pointer du doigt ces deux pays?

Mais parce que toutes les réunions se faisaient à l’hôtel Méridien-Président. Et Sadakadji Diallo, disait à qui voulait l’entendre, qu’il allait organiser un attentat contre moi. Demandez à l’ambassade de France ici. Je l’en ai informé et j’ai informé certains pays amis.

Avez-vous évoqué ce problème avec le Président Wade?

Non, je n’ai pas encore eu l’occasion de le faire. Mais j’ai discuté avec son envoyé. Le ministre d’État, Mamadou Diop Decroix, lorsqu’il est venu ici. Il a informé le Président Wade que pour les Guinéens, tout a été préparé à Dakar. Et quand le ministre est venu, je lui ai dit que c’était effectivement le point de vue des Guinéens.

N’êtes-vous pas devenu paranoïaque, au point de voir du danger partout ? Est-ce que ce n’est pas parce que M. Cellou Dalein Diallo, un de vos adversaires les plus coriaces, séjourne régulièrement à Dakar que vous voyez du complot partout?

Mais, je n’ai jamais parlé de Cellou Dalein. J’ai parlé de gens qui se réunissent à l’hôtel. On les connaît, c’est Tibou Kamara, Sadakadji etc. Je n’ai jamais parlé de Cellou Dalein. Moi-même, lorsque j’étais dans l’opposition, je séjournais régulièrement à Dakar. J’avais de très bons rapports avec le Président Diouf et par la suite avec le Président Wade. Que Cellou séjourne donc à Dakar, n’est pas un problème pour moi. Mais lorsque des gens se réunissent pour préparer des attentats, au vu et au su de tous, cela constitue un problème. Pourquoi je n’accuse pas le Mali, le Libéria, la Sierra-Leone.

Et pourquoi la Gambie?

Quand je prends par exemple Tibou Kamara, sa femme est la sœur de la femme de Yaya Jammeh. Tibou Kamara a quand même dit, à Malabo, que l’Armée va marcher sur le Palais. Demandez aux Guinéens qui sont en Guinée Équatoriale, ils pourront vous dire ce que Tibou a dit contre moi.

Est-ce que ce n’est pas justement cela qui vous a poussé à changer d’ambassadeur, en nommant à Dakar, Madifing Diané, un ancien ministre chargé de la sécurité sous le régime de Lansana Conté?

Non. D’abord, tous les ambassadeurs ont été rappelés... Aujourd’hui, je suis obligé de nommer dans les pays voisins des gens expérimentés qui pourront suivre les actes de déstabilisation contre moi. Et puis, celui que j’ai nommé, c’est un haut cadre qui a été ministre et je crois que le Sénégal a la tradition de nommer des généraux aux postes d’ambassadeurs et tout le monde trouve cela normal. Depuis Diouf, on nomme des généraux comme ambassadeurs. Je ne vois donc pas ce qu’il y a d’anormal, dans le fait que la Guinée nomme des personnes qui ont déjà eu à occuper des postes au niveau de la sécurité, alors que le Sénégal le fait tout le temps.

L’axe Dakar-Conakry est un axe visiblement sous surveillance?

Moi, je ne surveille aucun axe. Je prends simplement mes dispositions, pour que les gens ne déstabilisent pas la Guinée à partir de pays voisins, quel que soit le pays.

Dakar-Conakry a toujours été un axe important, depuis Sékou Touré. Comment vous expliquez-vous, qu’il y ait ce glissement vers une situation visiblement incontrôlée, après quand même une longue période de relations apaisées?

Pour moi, il n’y a pas de situation incontrôlée. J’ai dit au ministre d’État, Me Madické Niang, que Alpha Condé va passer, Abdoulaye Wade aussi va passer. Tout le monde va passer. Mais les peuples Guinéen et Sénégalais restent. Ce sont deux peuples frères. Le peuple Sénégalais et le peuple Guinéen sont éternels. Ils sont appelés à vivre ensemble. La preuve, vous ne m’avez pas entendu faire une déclaration, mais chacun doit savoir que je suis au courant de tout ce qui s’est passé. Et tant que je serais là, je ferai tout pour renforcer l’unité de ces deux peuples.

Mais quelles seraient selon vous les motivations du Sénégal à vous déstabiliser ? Les ressources naturelles de votre pays?

Posez la question aux autres ! Moi,je vais m’organiser pour protéger la Guinée , c’est tout.

On a l’impression que vous ne voulez pas tout nous dire et que vous êtes en train de vous censurer?

Je ne suis plus un opposant, je suis le président de la République. La Guinée doit avoir une politique de bon voisinage avec tous ses voisins. Je suis un grand panafricaniste, mon rôle est de mettre l’accent sur ce qui nous unit et d’essayer de diminuer ce qui nous divise.

AfricaLog avec NETTALI

 

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