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Déjà des divisions dans la rébellion libyenne

Sep 14, 2011

Près de sept mois se sont écoulés depuis le début du soulèvement en Libye, et de profondes divisions émergent déjà dans les rangs des nouveaux dirigeants, entre les conservateurs islamistes et des technocrates ayant notamment vécu à l'étranger.

En jeu, le partage du pouvoir au moment même où les membres du Conseil national de transition (CNT), mis en place par l'opposition à Benghazi, commencent à s'installer à Tripoli et à oeuvrer à la formation d'un gouvernement qui succédera au régime de Moammar Kadhafi.

Les tensions croissantes, qui s'étalent un peu plus chaque jour sur la place publique, pourraient compromettre les efforts de reconstruction du pays et de formation d'un Etat placé sous le signe de la cohésion.

Chacun des camps accuse l'autre de vouloir exercer un monopole sur un nouveau gouvernement. D'un côté, les conservateurs islamistes, dont les Frères musulmans, qui se sont opposés au colonel Kadhafi pendant des années et ont subi les foudres du pouvoir. De l'autre, des technocrates, dont certains ont longtemps vécu à l'étranger ou entretenu des liens avec le régime de Kadhafi.

"Il y a des craintes que ces tensions gênent la reconstruction" ou provoquent l'effondrement de l'ensemble de l'édifice, note, sous couvert d'anonymat, un responsable occidental à Tripoli, qui traite avec des membres du CNT de tous bords.

Les deux parties se divisent sur une question fondamentale qui court depuis le début de la révolte à la mi-février: comment partager le pouvoir après la fin des 42 ans de règne sans partage de Kadhafi.

Pris au milieu, Mustapha Abdel-Jalil, le président du CNT. Seul représentant de la nouvelle direction à jouir d'un soutien de quasiment toutes les parties, il a gagné le profond respect de nombreux Libyens pour avoir critiqué le régime alors même qu'il occupait le poste de ministre de la Justice.

"Abdel-Jalil tente de maintenir la paix", précise-t-on de source proche du CNT. "Il essaie de maintenir un équilibre entre les deux camps, et de continuer à contenter la communauté internationale. C'est très difficile".

Les querelles, à ce jour, semblent principalement toucher à la question des personnels, sans enracinement idéologique profond, bien que la ligne de faille se fasse plus nette.

Mahmoud Jibril, Premier ministre par intérim, a les faveurs des soutiens occidentaux de la révolution. Mais l'homme, comme une poignée d'autres membres, a aussi brièvement servi sous le régime Kadhafi et passé l'essentiel de son temps à l'étranger pendant la guerre civile, tentant d'obtenir un appui international.

Du côté des islamistes, l'une des personnalités les plus en vue est Abdel-Hakim Belhaj, ancien membre du Groupe islamique de combat libyen (GICL) -organisation longtemps opposée à Kadhafi- et désormais commandant du conseil militaire de Tripoli.

Les islamistes, qui contrôlent la principale force militaire de la capitale, la Brigade de Tripoli, ont réclamé la démission du numéro deux du CNT: "nous pensons que Mahmoud Jibril a perdu la confiance" de la population, souligne Anes Sharif, un porte-parole du conseil militaire de Tripoli. "Il nomme des gens en fonction de leur loyauté envers lui, et non de leur valeur et de leurs activités pendant la révolution", ajoute-t-il, dénonçant un "projet de nouveau dictateur".

Vendredi, le Premier ministre par intérim, arrivé à Tripoli près de trois semaines après la chute de la capitale, a publiquement accusé certains groupes d'avoir déjà commencé "le jeu politique" avant que des règles soient établies. Qui plus est, sur fond de poursuite de combats contre les loyalistes dans d'anciens bastions du régime.

Si Mahmoud Jibril n'a cité aucun nom, Naji Barakat, ministre de la Santé, a affirmé que ses propos étaient surtout dirigés contre les Frères musulmans. "Ils ont commencé à mener une politique de coups bas parce qu'ils veulent prendre l'ascendant", a-t-il dit à l'Associated Press.

Les Frères musulmans et le GICL -qui a renoncé à son passé djihadiste, après avoir été lié à Al-Qaïda- ont subi une forte oppression sous le régime Kadhafi. Ils ont joué un rôle clef dans l'appareil de sécurité des révolutionnaires et déclaré allégeance aux principes démocratiques.

Pour George Joffe, spécialiste à l'Université de Cambridge, on ne doit "pas sous-estimer" l'importance des Frères musulmans qui "rétablissent rapidement une structure".

D'autres failles sont apparues depuis l'entrée des rebelles dans la capitale le 21 août et la chute du régime Kadhafi. Le CNT est dominé par des personnalités de l'est du pays, en particulier de Benghazi où il a été créé. Mais Tripoli, longtemps base du pouvoir en Libye, tente de reprendre sa position politique prééminente.

Deux des six millions d'habitants vivent dans la capitale, parmi lesquels de puissants acteurs politiques qui font étalage de leur force et estiment que le CNT ne peut dicter l'avenir de la Libye. Les habitants de Tripoli ont "vraiment fait leur propre révolution le 20 août, et souhaitent en tirer une pleine reconnaissance", observe George Joffe. - AfricaLog avec AP

 

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