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Les dessous de la rencontre Condé-Ouattara à Conakry

Dec 04, 2011

«La Guinée nous a ouvert le chemin à l’indépendance», dixit Alassane Ouattara. «J’étais en Côte d’Ivoire tout le temps puisque j’étais associé à Konan Lambert. Je disais qu’ils étaient tellement bourgeois qu’ils n’oseraient jamais prendre des armes», dixit Alpha Condé.

Alors que la rumeur insistait sur une probable visite du Président Alpha Condé en Côte d’Ivoire, le téléspectateur a été surpris, en suivant l’édition du journal télévisé du mercredi 30 novembre, par la lecture d’un communiqué du bureau de presse de la présidence de la République et qui était ainsi libellé: «Dans le cadre des excellentes relations qui lient la Guinée à la Côte d’Ivoire et à l’invitation de S.E, Professeur Alpha Condé, Président de la République de Guinée, S.E.M. Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire, effectuera une visite d’amitié et de travail en Guinée à partir du jeudi 1er décembre 2011.»

Dans la même édition, il sera montré les images de la présentation au Président Alpha Condé des lettres de créance du nouvel ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Côte d’Ivoire auprès de la République de Guinée.

Jeudi, 1er décembre 2011, 11h 47: Accueilli au bas de l’échelle de coupée par son «frère et ami», pour reprendre les termes diplomatiques, Alassane Ouattara et Alpha Condé ont offert "un spectacle" de "vrais amis". Même si, comme pour reprendre l’autre, «un baiser politique est dénoué de tout examen de conscience.»

On se souvient encore de la brouille qui avait caractérisé les relations entre les deux hommes à l’occasion de la prestation de serment de l’ivoirien à Yamoussoukro. Selon des témoins, «Alpha Condé n’avait pas du tout apprécié le traitement qui lui avait été réservé à cette occasion par Alassane Ouattara. Il avait estimé que ses opposants politiques [ndlr : Cellou Dalein, Sidya Touré et Lansana Kouyaté] avaient reçu meilleur traitement que lui.»

Sans oublier l’arrestation du Commandant Anselme Séka alias Séka Séka, l’ex-aide de camp de l’ex-Première Dame de Côte d’Ivoire, Mme Simone Gbagbo. Ce dernier avait été appréhendé dans un avion de la compagnie "Asky" en escale à l’aéroport international d’Abidjan. Il a été distillé, à cette occasion, par une certaine presse du bord de la Lagune ébrié [Abidjan] que Séka Séka aurait déclaré qu’il était «en partance pour Conakry» où il avait «rendez-vous avec le Chef d’état-major général des armées», général Souleymane Kèlèfa Diallo dans le but de «former un commando en vue de libérer l’ex-Président Laurent Gbagbo», alors en résidence surveillée à Korhogo.

Conakry n’avait pas réagi à cette allégation; cependant, les relations entre les deux pays au niveau des autorités se sont un peu plus refroidies.

On est toutefois curieux de savoir quel a dû être le poids ou la contribution du Président Blaise Compaoré du Burkina Faso dans ce nouveau rapprochement Alpha – Alassane. Le ci-devant nommé étant très lié aux deux hommes. Blaise Compaoré ayant été désigné, comme par hasard, par ses pairs de la CEDEAO comme Médiateur dans la résolution des crises respectives que traversaient de l’intérieur, les deux pays.

En tout cas, cette page des relations de méfiance entre Condé et Ouattara semble bien tournée aujourd’hui, avec la visite du Président Alassane Ouattara qui, face à la presse, a décliné l’objet de son séjour en des termes élogieux: «je voudrais d’abord saluer mon aîné, le Professeur alpha Condé qui est ami de longue date et vous dire que la Guinée nous est chère en Côte d’Ivoire, comme la Côte d’Ivoire est très chère à la Guinée et aux Guinéens.

Je suis très heureux d’être ici aujourd’hui à l’invitation du Président Alpha Condé pour venir le saluer. C’est mon aîné. Donc, il appartient au jeune frère de faire le déplacement et j’ai été ravi qu’il m’ait invité. Au-delà de nos relations personnelles, les relations entre la Guinée et la Côte d’Ivoire sont connues. Ce sont des relations historiques, des relations importantes. La Guinée nous a ouvert le chemin à l’indépendance et nous avons donc eu d’ailleurs de nombreux cadres ivoiriens qui ont travaillé ici en Guinée et nous avons de nombreux guinéens qui résident en Côte d’Ivoire.»

L’hôte de souligner: «La Guinée et la Côte d’Ivoire ont des atouts importants. Que ce soit au plan politique, au plan diplomatique, au plan économique, nos experts auront l’occasion d’en parler pendant que nous aurons nos entretiens à deux. Mais, vous savez, nous sommes membres de plusieurs structures régionales : l’Union du Fleuve Mano, la CEDEAO et peut-être d’autres institutions. D’ailleurs, j’en parlerai avec le Président tout à l’heure. Nous sommes liés par l’histoire, nous sommes liés pour le futur et pour le bon. Et nous avons intérêt à coopérer de manière renforcée pour le bonheur de nos deux peuples.»

Du coup, le Président Ouattara se tourne vers son hôte: «Président, je voudrais m’adresser à vous pour saluer un grand démocrate et vous dire que nous sommes heureux d’être ici. Moi, je viens recueillir conseils auprès de vous. Je viens d’arriver aux affaires. Vous êtes arrivé avant moi. Vous avez été opposant avant moi. Donc, j’ai beaucoup de choses à apprendre de nos entretiens. Donc, c’est le jeune frère qui vient saluer son aîné et lui demander conseil et saluer le peuple guinéen pour tout le soutien qui a été apporté aux ivoiriens.»

Le Président Ouattara de se réjouir particulièrement: «Vous savez au plus fort de la crise, il y avait six mille ivoiriens en Guinée. Réfugiés on disait, mais ils étaient dans les familles. Ils ont été bien accueillis. Et vraiment la fraternité et l’amour qui unissent les deux peuples se sont particulièrement manifestés à cette occasion.»

D’où ce message de gratitude aux Guinéens: «Je voudrais m’adresser à mes frères et à mes sœurs de Guinée pour dire encore merci. Et que bien sûr, cette hospitalité n’est pas une surprise pour moi.»

Les deux hommes ont été salués, depuis l’aéroport international de Gbessia Conakry par une foule nombreuse des grands jours ce, tout au long du parcours qui menait à la résidence de l’hôte de marque, aux cases de Belle-vue, dans le quartier Minière, dans la commune de Dixinn. Sur plus de 10 km.

Après un premier tête-à-tête entre les deux hommes d’Etat, le Président ivoirien aura, tour à tour, des entretiens avec la Présidente du Conseil National de la Transition accompagnée de ses deux Vice-présidents et les diplomates accrédités en Guinée.

Au cours de la conférence de presse qui devait marquer la fin de cette visite d’amitié et de travail de son homologue ivoirien, le Président guinéen a pris la parole pour se réjouir: «Au nom du peuple de Guinée et de tous ses représentants, nous nous félicitons de la visite de notre frère. La Guinée et la Côte d’Ivoire sont liées par l’histoire. Depuis la période coloniale, le RDA a mené la lutte d’indépendance sous la direction du Président Houphouët Boigny, et le Président Sékou Touré était un des dirigeants du RDA, puisqu’il dirigeait la branche guinéenne.

Nous avons beaucoup de compatriotes en Côte d’Ivoire, beaucoup plus que les ivoiriens d’ailleurs en Guinée. Et nos frères se sont toujours sentis chez eux en Côte d’Ivoire. Bien sûr, la Côte d’Ivoire a traversé des épreuves ces dernières années. La Côte d’Ivoire était un pays de paix. Moi, je n’ai jamais pensé un jour que les ivoiriens pouvaient prendre des armes parce que j’étais en Côte d’Ivoire tout le temps puisque j’étais associé à Konan Lambert. Je disais qu’ils étaient tellement bourgeois qu’ils n’oseraient jamais prendre des armes. Malheureusement, le destin a fait autrement.»

Alpha Condé se dit confiant: «j’ai une très grande confiance en la capacité de mon jeune frère de réconcilier les ivoiriens. Je suis certain qu’il y arrivera. Et nous lui apporterons tout notre soutien car, une côte d’Ivoire réconciliée est nécessaire à l’Afrique de l’Ouest et surtout est nécessaire à la coopération de la Guinée. Donc, tout ce que nous pourrons faire pour aider nos frères à ce qu’ils s’asseyent autour de la même table et qu’ils discutent, parce que ce ne sont pas quatre personnes qui vont résoudre les problèmes des ivoiriens à leur place, ce sont eux-mêmes. Nous, nous ne pouvons que leur apporter notre aide et nos conseils.»

Dans la soirée, Alassane Ouattara a pris congé de son hôte. Tous deux, apparemment satisfaits que le nuage qui avait commencé à assombrir le ciel des relations entre les deux pays, se soit dissipé.

Une des retombées immédiates de cette visite, est que la Guinée sera présente à la prochaine rencontre au sommet du Conseil de l’Entente, à titre d’observateur. Ce qui présage l’adhésion probable du pays d’Alpha Condé à cette organisation. Adhésion qui transparait du reste, dans l’interview du Président Alassane Ouattara lorsqu’il a dit : «nous sommes membres de plusieurs structures régionales : l’Union du Fleuve Mano, la CEDEAO et peut-être d’autres institutions.» Une façon sibylline peut-être de dire «d’autres institutions» comme le Conseil de l’Entente !

On se souvient que la Côte d’Ivoire qui est aujourd’hui membre de l’Union de la Mano River y a adhéré après la participation à titre d’observateur du Président Laurent Gbagbo, à l’époque aux affaires, à une des rencontres au Sommet des Chefs d’Etat de l’Union.

Bref aperçu historique

Le Conseil de l'Entente est une organisation ouest africaine de coopération avec une vocation essentiellement économique à travers notamment un fonds d'entraide et de garantie des emprunts qui permet de soutenir les membres les plus défavorisés.

Pionnier des organisations intergouvernementales sous-régionales, le Conseil de l’Entente a vu le jour en 1959 avec pour pays fondateurs : le Dahomey (actuel Bénin), la Haute-Volta (actuel Burkina Faso), la Côte d'Ivoire et le Niger. Ce groupe sera rejoint par le Togo en 1966. Son siège est à Abidjan, en Côte d'Ivoire.

La présence de la Guinée à titre d’observateur au prochain sommet du Conseil prévu dans quelques jours coïncidera avec la relance de l’institution, comme l’a récemment souligné le Président de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara: «Nous avons décidé de relancer le Conseil de l’Entente avec une réunion des Chefs d’Etat, début décembre à Cotonou au Benin.»

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