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Ramatoulaye Bah: «Ce que nous avons hérité n’est pas du tout reluisant»

Dec 18, 2011

«Ce que nous avons hérité n’est pas du tout reluisant comme résultat. Le climat des affaires n’est pas propice pour des investissements soit par des nationaux ou par des étrangers», a dit à AfricaLog.com la ministre guinéenne de l’Industrie et des Petites et Moyennes Entreprises. Votre site l’a rencontré pour parler du secteur qu’elle dirige, de la création du Guichet unique qu’elle a récemment annoncé, mais également de la politique de son département pour attirer les investisseurs étrangers en Guinée. En exclusivité!

AfricaLog.com: Comment se portent le secteur industriel en Guinée et les Petites et Moyennes Entreprises?

Mme Ramatoulaye Bah: Il est en marche vers un meilleur jour. Parce que ce que nous avons hérité n’est pas du tout reluisant comme résultat. Le climat des affaires n’est pas propice pour des investissements soit par des nationaux ou par des étrangers. Cela est dû à plusieurs facteurs. D’abord, il y a les facteurs infrastructurels. Lorsqu’il n’y a pas d’eau et d’électricité, c’est difficile. Lorsqu’on en trouve, c’est extrêmement cher pour un industriel de mener à bien ses activités. Ces facteurs ne sont tout de même pas dépendant de mon département. Mais nous sommes ensemble dans ce gouvernement de changement, en train de déployer des efforts pour pourvoir toute la Guinée de ces deux denrées qui sont aujourd’hui inadéquates, insuffisantes. Hors mis ce problème d’eau et d’électricité, il y a aussi certaines tracasseries administratives dont les investisseurs font l’objet que je félicite de passage. Parce que quiconque a pu prospérer dans un climat comme celui que nous vivons aujourd’hui, il faudra le féliciter. Et je sais que certains investisseurs ont pu le réussir contre vents et marrées. Depuis février, nous avons travaillé d’arrache pied avec le Ministère des Finances où sont logés les directions de la Douane et des Impôts, afin de voir comment nous pouvons lever certaines des contraintes surtout pour la création d’entreprises, mais aussi des procédures réglementaires auxquelles les administrateurs doivent surmonter pendant qu’ils exécutent leurs différents projets.

C’est ainsi que nous avons réussi à faire adopter par le Conseil ministériel un projet de création de l’Agence de promotion des investissements privés en Guinée (APIP-Guinée) dont le décret a été signé au mois de juin 2011. Cela a été une grande étape dans le développement de notre pays.

L’APIP doit être le pilier du secteur privé, en apportant des réponses aux questions des investisseurs guinéens. Elle doit être l’endroit où ils peuvent trouver leurs solutions, les informations, la facilitation de partenariat entre investisseurs guinéens et étrangers. Il y a deux semaines, nous avons aussi inauguré le Guichet unique qui est une victoire pour le secteur privé. En un même lieu, vous avez tous les préposés, c’est-à-dire tous les agents qui doivent traiter la requête de l’investisseur qui veut créer une société, qui doivent également traiter les dossiers des investisseurs qui ont d’autres problèmes à régler pendant l’exécution de leurs projets. Nous allons tout faire pour que ce Guichet unique soit toujours fonctionnel et qu’il réponde aux attentes des investisseurs, que les agents travaillent de façon professionnelle. Nous allons surtout éradiquer la corruption à ce niveau-là, parce qu’on aura le contrôle sur ce Guichet unique, de manière fréquente. C’est pourquoi en 2012, notre département va proposer que le traitement salarial de ces préposés soit adéquat. C’est-à-dire qu’ils aient une prime pour les tâches importantes qu’ils sont en train d’exécuter au niveau du Guichet unique.

Dans toutes les administrations, (africaines, européennes, américaines), lorsque tu manipules de l’argent, on doit te donner une prime, pour que tu ne sois pas tenté de mettre la moitié de ce que tu manipules dans ta poche. Donc, il faudra bien les payer. Heureusement dans le décret de la création de l’APIP-Guinée, nous pouvons recruter des personnes provenant du secteur privé tout comme parmi les fonctionnaires de l’Etat. Et si ce sont des fonctionnaires, je suis prête à négocier avec le ministère des Finances pour voir comment on peut avoir des dispositions pour les primes au cas particulier du Guichet unique, où nous sommes en train d’exécuter des réformes. Par exemple, vous n’avez pas besoin de présenter votre casier judiciaire au moment de la création, mais vous devez le présenter par contre 60 jours après. Cela était un frein. Le numéro d’immatriculation fiscale (NIF) va devenir le seul identifiant pour tout investisseur en Guinée, dans tout le territoire national.

La Compétition mondiale est de taille. Quels sont les secteurs dans lesquels les entreprises guinéennes sont compétitives et quelles en sont les plus performantes dans la sous-région, peut-être même au niveau mondial?

C’est une question qui est assez complexe, parce que le secteur industriel guinéen, n’est pas tellement développé, lorsqu’on met de côté le secteur minier. Les industriels qui sont sur place, qu’on peut appeler de vrais industriels, ceux qui transforment les matières premières en produits finis de qualité, il n’y en a très peu. Qu’on m’en excuse si j’en oubliai certaines qui sont performantes mais que j’ignore, mais je peux citer en tout premier lieu, les industries TOPAZ qui évoluent dans plusieurs secteurs de l’économie: le plastic, la peinture, les produits de plomberie électrique et que sais-je encore. Il y a aussi la Guinéenne d’Industrie qui font des Tôles, Ciments de Guinée, les Grands Moulins Guinée, il y a des petites usines que j’ai visitées mais qui sont vraiment performantes. Je note-là l’Usine de fabrication de pâte dentifrice (SOLIDIAGUI) et l’usine qui transforme les déchets plastics en produits ménagers (seaux, bassines, assiettes en plastic) mais il y a différents produits plastic que cette usine met sur le marché, mais ce sont des produits de qualité. Ce sont des usines qu’il faut encourager. Mais elles ont le même problème que les autres, c’est-à-dire, l’électricité et l’eau. Qu’est-ce qu’elles font? Elles se dotent des groupes électrogènes et des forages qui leur coûtent extrêmement chers, mais qui leur permettent quand même de survivre. Ce qui fait que le coût de revient de leurs produits est excessivement cher. Le prix sur le marché devient cher pour le consommateur guinéen qui a un pouvoir d’achat parmi les plus faibles du monde. Il y en a d’autres comme BONAGUI (Boisson non alcoolisée de Guinée), SOBRAGUI (Société de Brasserie de Guinée).

Mais parlant de la compétition, c’est actuellement le travail de notre département qui essaie de créer cet environnement propice au climat des affaires. Il s’attaque aux cadres juridiques, réglementaires et institutionnel afin que ces entreprises qu’elles soient Petites, Moyennes ou Grandes n’aient pas de problème dans ce domaine. Mais faudrait-il qu’on respecte les règlements, l’environnement dans lequel ils évoluent. En dehors de cela, nous essayons de renforcer les capacités techniques et administratives de toutes ces entreprises pour qu’elles puissent sortir un produit compétitif au marché national et international. Mais cela seul ne suffit pas. Il faudra aussi faire en sorte que ces entreprises puissent avoir accès aux ressources financières pour l’expansion de leurs activités ou bien la consolidation de ce qu’elles ont en améliorant la qualité lié au renforcement des capacités du personnel. Très souvent, c’est ce qui bloque ceux qui évoluent dans le secteur informel. Pourquoi nous avons plus d’entrepreneurs dans le secteur informel, c’est parce qu’ils veulent qu’on les aide à migrer de ce secteur vers le secteur formel, il faut les aider à renforcer les capacités administratives (c’est-à-dire mettre en place le système de comptabilité selon les normes internationales), les encourager à faire des audits de façon régulière. Ce sont ces modes de gestion que très souvent demandent les banques commerciales. Parce que la banque ne veut pas prendre trop de risques, même si elle est une banque de développement. Il faut quand même le strict minimum de fonctionnement de cette entreprise pour que la banque puisse s’intéresser et réduire les risques si l’entrepreneur prêtait de l’argent. Nous avons donc pris beaucoup de contacts au niveau de certains bailleurs de fonds, de certaines ONG internationales, de deux banques de Guinée, pour qu’on puisse en 2012, mettre en place un fonds pour les entreprises. Cela est obligatoire et on va se battre pour y réussir. Pour répondre en résumé donc à votre question, pour le moment, on n’a pas suffisamment d’entreprises qui puissent être vraiment compétitives à causes de toutes les raisons que je viens de mentionner.

Selon vos statistiques, combien de nouvelles PME ont vu le jour cette année en Guinée? Et quel est le secteur qui en a le plus enregistrées?

Malheureusement, je ne peux pas répondre à cette question. Je ne peux dire combien de PME ou de PMI, nous avons enregistrées cette année. Parce qu’on a beaucoup de difficultés. La nouvelle agence de promotion des investissements privés aura une base de données qu’on tiendra de manière régulière, qui nous donnera la physionomie de toute entreprise qui sera créée sur le territoire guinéen. Et j’espère qu’en 2012, on pourra donner ces statistiques.

Est-ce que la volonté affichée du gouvernement actuel à nationaliser coûte que coûte les entreprises de l’Etat que le régime du Général Lansana Conté a cédé à des privés ne va pas décourager les investisseurs nationaux et chasser les étrangers qui veulent investir en Guinée?

Si vous vous souvenez, l’un des slogans de campagne du Professeur Alpha Condé c’était de reprendre le patrimoine abandonné de l’Etat guinéen et le remettre à la disposition des investisseurs qui ont la capacité technique, financière, de faire fonctionner ces usines afin qu’elles puissent créer beaucoup d’emploi pour notamment les jeunes et les femmes. C’est pour surtout améliorer les revenus des populations par la création d’emploi, contribuer donc au développement économique du pays. C’est une promesse qu’il avait faite.

Pour moi, le Président Ahmed Sékou Touré, a été un grand visionnaire en ce qui concerne l’industrialisation de la Guinée. Il avait créé près de 150 usines dans tous les secteurs de l’économie. Si ces usines avaient été bien entretenues, bien gérées, aujourd’hui on ne serait pas là où nous sommes. Il faut oser le dire. Le Président Sékou Touré a pensé à tout : textile, tabac, allumette, plastic, laiterie, huilerie, conserverie, scierie, etc. Après lui, on a eu un régime qui a essayé, jusqu’en 1986-1987, de faire marcher ces usines, il a déployé beaucoup d’efforts. Malheureusement, la gestion a fait défaut. Donc, le gouvernement de Lansana Conté a décidé de privatiser et a pensé que ça allait être mieux. Mais la privatisation a été mal faite. Puisque la plupart de ces usines, d’après les documents que nous avons, ont été cédées à des fonctionnaires de l’Etat se trouvant dans le système, à des parents. Donc, ces usines ont été cédées à des personnes qui n’avaient ni la capacité technique, ni les moyens financiers pour faire fonctionner ces usines. Je dirais que cela a été un crime. C’est un crime quand vous voyez certaines de ces usines comme l’usine de Thé à Macenta, l’usine de jus de fruits de Kankan, la Briqueterie de Kankan, l’huilerie de Dabola, cela fait mal. Donc, le Pr Alpha Condé, qui a suivi la mise en place de ces usines, leurs évolutions jusqu’à l’élection présidentielle, il en a fait un slogan de campagne. Il a dit: populations guinéennes, je vais reprendre toutes les usines et je vais les redonner à des sociétés qui sont capables de les faire fonctionner.

C’est pourquoi, je voudrai profiter de cette occasion, pour demander à tout citoyen qui voit quelqu’un en train de démonter une pièce dans ces 19 usines que nous avons récupérées, de le dénoncer, qu’il sache que c’est comme si l’intéressé était venu arracher une tôle de sa maison. Nous sommes en train de préparer les documents de base, les cahiers de charges, même si la privatisation relève du Ministère des Finances. C’est que notre département qui en a la tutelle, a le devoir de préparer ses documents de base afin de les transmettre au Ministère des Finances pour qu’on puisse privatiser les usines qui peuvent être reprises. J’aurai souhaité que d’ici fin décembre, qu’on puisse en privatiser deux, malheureusement, cela n’est pas possible à cause de la lenteur administrative.

Quelle est votre stratégie pour alors attirer les investisseurs dans ces conditions?

Notre stratégie, c’est de procéder à ces réformes du secteur privé. Pour dire aux investisseurs étrangers: la Guinée est un pays attrayant où en trois jours, on a déjà effectué toutes vos formalités, vous ne serez pas harcelé, en tout cas dans mon département.

Certains pensent que vous êtes frustrée parce que vous n’avez pas été élue à la tête de l’OAPI (organisation africaine de la propriété intellectuelle) lors d’une rencontre que cette ONG a organisé en Guinée ? Votre déception, dit-on, était telle que ce jour-là, vous aviez fait attendre les participants à la rencontre de 15h à 20h pour la clôture des travaux? Il se dit également que vous avez été la seule qui a voté non pour le Gabonais contre 15 voix…

Je crois, que c’est une mauvaise information que vous avez. J’ai été élue Présidente de l’OAPI qui se fait par ordre alphabétique. C’est automatique. L’année dernière, c’était le Gabon. La vice-présidence est attribuée à la Guinée-Bissau. La raison pour laquelle la clôture a pris beaucoup du temps, je vais le dévoiler ici. Nous avons beaucoup discuté au tour de l’article de l’OAPI qui dit que c’est le président du Conseil d’administration qui propose le renouvellement de ses trois hauts cadres : le directeur général, le DG adjoint et le Contrôleur financier. Il y a eu deux heures de débats au tour de ce sujet. Mais je ne peux dévoiler tout ce qui a été dit à propos. Ce que je pourrai vous dire, ce qu’on se félicite que ce soit la Guinée qui a été élue au poste de président de l’OAPI. Je m’attendais à cela, parce que c’est la Guinée qui assurait la vice-présidence en 2011. Donc, je dirai que la Guinée s’engage à tout faire pour que l’OAPI soit un organisme dont tous les 16 pays membres seront fiers en ce qui concerne la gestion financière.

Pour parler du vote, je ne peux pas aller dans les détails. Mais la procédure a été violée. Il y a un article qui dit que c’est le président qui propose, mais je n’avais rien proposé en tant que présidente de l’OAPI. Le président sortant devait venir, mais il a été empêché. Automatiquement, c’est le ou la vice-présidente qui avait tout le pouvoir. Il y a un article qui en fait mention. Donc, j’avais tout le pouvoir puisque j’étais la vice-présidence et d’office, j’étais la présidente. Pour le renouvellement des autres postes, il est dit que c’est le président qui propose au Conseil, mais je ne l’avais pas fait. Car, pour moi, il n’était opportun de le proposer pour des raisons que je ne dévoilerais pas. Et de toute manière, le mandat des trois hauts cadres qui dirigent l’organisme, n’expirera qu’au 31 juillet 2012. En ce qui me concerne, il y a toujours le temps pour bien faire. Je vous remercie !

Entretien réalisé par Mamadou Siré Diallo
 

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