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Les dialogueurs se tiraillent

Feb 18, 2012

Les dialogueurs sont si opposés dans la salle qu’ils se lassent de s’écouter devant les micros des journalistes. Certains ont failli en venir aux mains, ce samedi 18 février 2012.

Le 16 février, les participants au dialogue politique se sont retrouvés et ne se sont pas entendus, comme la veille, quoi qu’ils aient étendus la durée de leurs débats.

Quand l’opposition accuse la mouvance d’empêcher le dialogue d’aboutir à un consensus, la mouvance se cramponne sur sa position de faire respecter la loi s’oppose à la recomposition de la CENI, est favorable à la mise en place d’un conseil d’administration qui la coiffe. Et l’opposition maintient catégoriquement sa position et pointe le doigt sur les violations flagrantes de la loi par la mouvance présidentielle.

Un juriste indique qu’il n’est prévu nulle part dans les textes de loi qu’un Conseil d’administration peut coiffer une institution constitutionnelle, même à la taille d’une CENI a controverse.

Le 17 février, pour la quatrième journée consécutive, il y a eu la même série, le même sujet, le même résultat.

Mgr Gomez, le facilitateur, accusé par l’opposition de supporter les positions de la mouvance en suspendant la rencontre a déclaré: «C’est une suspension pour des consultations.» Sans commentaires.

Mais il y a eu ambiance, quand les journalistes ont tendu leurs micros à Faya Millimono. Un monsieur de la mouvance les a interpellé: «Pas ici, s’il (Faya Ndlr) va parler ici. Allez derrière la Cour ! Descendez !».

Les journalistes s’apprêtaient à s’exécuter, quand le même homme a voulu se jeter sur un confrère. Il a fallu l’intervention rapide de Makanéra Kaké de la mouvance et de l’agent chargé de la sécurité pour limiter «les dégâts».

Finalement, les journalistes ont pu tendre leurs micros à M. Millimono de la NGR qui a déclaré:

«Malheureusement pour le peuple de Guinée, la discussion qui s’est poursuivie sur la CENI n’a pas abouti à un consensus. Mais, il y a plus grave. La demande du débat sur la CENI a été faite par l’opposition. En quoi consistait la demande ? Qu’on nous fournisse les résultats des audits sur la CENI, qu’on nous fournisse un certain nombre de textes légaux. Jusqu’à la fin des débats, les résultats sur l’audit n’ont pas été fournis. Une rétention d’information. Il a été demandé que le ministre de l’Administration du territoire et le Président de la République indiquent les textes légaux et réglementaires sur lesquels ils se sont fondés pour remplacer les représentants de l’Administration au sein de la CENI. Ces textes n’ont pas été fournis jusqu’à la fin des débats.»

Pourtant, souligne Faya Millimono, tout le monde sait que le ministre de l’Administration, Alhassane Condé a proposé au Président Alpha Condé un projet de décret de remplacement au sein de la CENI, portant sur les deux représentants de l’Administration. Il faut y ajouter, selon M. Millimono, la destitution controversée du directeur des opérations de la CENI, Pahté Dieng pour «permettre au nouveau promu par le président, d’occuper ce poste… »

L’opposition a demandé alors au Comité que puisque «la recomposition de la CENI a déjà commencé par l’acte du Président de la République, qu’on la termine.» La mouvance s’y est opposée. «Ce qui est plus grave, déclare M. Millimono, le président du Comité de facilitation est presque devenu la 15ème personne de la mouvance », avant d’ajouter qu’au lieu d’accepter qu’on termine ce qu’on a commencé, (la recomposition de la CENI, Ndlr) il est proposé une sorte de Conseil d’Administration qui devait chapeauter la CENI. Toute chose inspirée du cas de la CEI en Côte d’Ivoire. «Or, en Côte d’Ivoire la CEI est paritaire, c’est-à-dire, il y a autant de représentants de l’opposition que de représentants de la mouvance en son sein. L’autre particularité majeure, c’est qu’en Côte d’Ivoire la présidence de la CEI appartient à l’opposition. C’est sur cette base de parité qu’il a été créé là-bas, une structure de contrôle et de validation des résultats. Ici, on nous propose une structure de validation des résultats sur aucune base. Parce que 80% de la CENI est aujourd’hui contrôlée par le pouvoir. Ce qui veut dire qu’on est convaincu que la mise en place du système de fraude s’est montré au grand jour. Mais nous n’allons pas nous laisser faire. L’opposition continue à réclamer la recomposition de la CENI», a-t-il lancé avant de conclure: «Pour que nous partions aux élections, il faudrait bien qu’on s’entende qu’elles seront libres, transparentes et crédibles.»

Apparemment, le dialogue sensé résoudre les problèmes a créé d’autres plus qu’il n’en existait auparavant. La mouvance et les centristes qui n’avaient pas parlé aux journalistes depuis le mardi 14 février, date à laquelle Mgr Gomez s’est fait porte-parole, ont délié la langue, juste après avoir écouté Faya Millimono.

Alhassane Makanéra Kaké de la mouvance a peu parlé de la CENI. Il a répliqué:

«Lorsqu’on écoute celui qui vient de parler, vous remarquerez sa maîtrise en droit. Lorsqu’il exige au Président de la République et au ministre de l’Administration de produire un texte après qu’ils aient posé un acte légal lié au fait que le principe fondamental en droit dit que nul n’est censé ignorer la loi. Il ne sait même pas quelle est la loi qui a été violée.» Pour lui, les autres participants au dialogue ont «affaire à des jeunes qui n’ont aucun niveau. Ce qui rend le débat difficile.» Il n’hésite tout de même pas à affirmer que le dialogue avance et qu’il se déroule de façon normale.

La cause? Selon Alhassane Makanéra Kaké , dès le départ, il a été obtenu un minimum de consensus. «Parce que dès qu’on ne s’entendait pas sur une question, on faisait recours aux textes de loi en vigueur», souligne t-il.

Où se trouve alors aujourd’hui le point d’achoppement ?

M. Kaké d’affirmer: «Le point d’achoppement se trouve dans l’ignorance des gens avec lesquels nous sommes en train de dialoguer. Lorsque quelqu’un dit que la CENI a posé des actes unilatéraux, il oubli que cette CENI est une institution indépendante. Il oubli que l’acte administratif généralement, est unilatéral. Si tel est le cas, on doit savoir si celui qui a pris l’acte est compétent de le prendre. Mais lorsqu’on pense que si le président de la CENI veut prendre un acte, il doit passer d’abord dans les états-majors des partis politiques, on ne peut pas s’en sortir.»

L’avis de la mouvance sur la recomposition de la CENI ?

«Nous avons dit qu’il faut respecter ce que les textes disent. Mais, je suis très étonné que ceux qui se battent pour l’indépendance de la CENI soient les mêmes qui disent que la loi 013 est en vigueur. La loi 013 est en opposition aujourd’hui avec la Constitution pour la simple raison qu’elle parle de la cogestion. Or, la Constitution donne l’indépendance totale à la CENI de gérer les élections. Mais lorsqu’on ne maîtrise pas un sujet, on va du coq à l’âne pour retarder les débats», assène M. Makanéra qui réitère la volonté de la mouvance de créer une commission suivi et évaluation qui va chapeauter la CENI. Il pense que l’opposition ne devrait pas s’opposer à la CENI du fait que celle-ci a recruté 4500 jeunes opérateurs de saisie. Car, argue-t-il, c’est de l’emploi donné temporairement à des jeunes qui en ont besoin.

Me Koulémou Pépé, avocat à la cour, président de l’Alliance pour le renouveau national, vice-président du Collectif des alliés politiques pour la démocratie, s’est dit du centre. Sur le sujet, il dit qu’il «est bon pour le peuple de Guinée d’en être informé. Les informations que M. Faya donne, dénaturent quelque fois ce qui se passe dans la salle. Nous disons que depuis que nous sommes dans cette salle, tout se passe bien. Nous nous comprenons, contrairement à ce qu’on a voulu faire comprendre au peuple…»

Selon l’avocat politicien, les questions qui se fondent sur la loi ne peuvent en être débattues pour un consensus: «On ne peut pas faire de consensus sur la loi. Sur la restructuration et la recomposition de la CENI, il n’y a pas eu de consensus. Parce que la CENI est aujourd’hui une institution créée par la Constitution en son article 132 et sa restructuration n’est pas prévue par la loi.»

Pour lui, les débats perdurent du fait que les dialogueurs ne peuvent pas se substituer au législateur guinéen.

La journée du 18 février enregistre des avancées légères alors qu’elle était annoncée comme la dernière rencontre pour clore les débats à travers un rapport synthèse, mais en vain.

L’opposition affirme qu’il n’y a pas eu beaucoup de consensus. Comme la veille. Comme depuis le début du dialogue. Les questions essentielles dont le rétablissement des conseillers communaux, qu’elle estime être illégalement remplacés par des délégations spéciales nommées par le Président de la République. La recomposition de la CENI, sa restructuration, divisent toujours. Or, la fin du dialogue est prévue, dit-on, le lundi, 20 février.

Faya Millimono du Collectif des partis politiques pour la finalisation de la transition, estime que le Code des collectivités a été violé en son article 80, qui prévoit qu’un tribunal doit avoir condamné le tiers des membres du conseil qu’il soit dissout. Bref, dit-il, le dialogue s’est achevé comme il a commencé.

«Et du point de vue du cadre, et du point de vue de l’esprit qui accompagnait ce dialogue. Nous sommes obligés de vous affirmer clairement que toutes les questions essentielles liées à l’audit, à la révision, à la cogestion, sur la CENI, ne sont malheureusement pas abouties à un consensus.»

En conclusion, il estime que il y a eu consensus que sur des questions mineures, ils n’ont pu s’entendre sur un chronogramme pour les législatives.

Makanéra Kaké de la mouvance a lui, estimé que le dialogue s’achève avec succès:  «Contrairement a ce que pensent certains, nous, nous estimons que le dialogue a été une réussite. En ce sens qu’au-delà du consensus obtenu sur certains points, il a permis à certains politiciens de comprendre certains points obscurs.»

Parlant de la dissolution des conseillers communaux, il pense que l’article 77 du Code des collectivités lié au contrôle que le président exerce sur les élus, permet au Président Alpha Condé de dissoudre un conseil communal.

M. Kaké met en défi ceux qui le contestent. Il confirme qu’il n’y a pas eu de consensus sur certains points mais affirme qu’un accord est obtenu sur l’audit du fichier, le lancement d’un appel d’offres pour recruter l’auditeur, sur l’accès équitable des partis politiques aux médias d’Etat pour tous les partis, sur la neutralité de l’administration publique. Il y aurait même eu consensus sur la mise en place «d’une commission suivi et évaluation des activités de la CENI.»

Selon lui, la mouvance propose que les élections se tiennent entre la fin avril et le 20 mai 2012.

Toujours est-il que la décision sur ces points divergents ou convergents revient au Président de la République qui devrait recevoir le rapport sur le dialogue politique inclusif, ce lundi 20 février, après la fin des discussions, de la salle des Actes du Palais du peuple de Conakry.

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