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Meeting avorté du stade de Bonfi: Relation comme si vous y étiez

Mar 18, 2012

Le meeting annoncé du stade de Bonfi aura été un rendez-vous manqué. Cette rencontre que l’opposition voulait mettre à profit pour «une prétendue mission d’éducation politique des citoyens», pour reprendre les termes du Haut Commandant de la gendarmerie nationale.
Le film:

8h 45: une dizaine de camionnettes des forces de l’ordre déposent leurs éléments qui ne tardent pas à signifier aux premiers militants venus de quitter les lieux. La presse est traitée avec respect après identification des reporters mandatés et il leur est conseillé un emplacement "adéquat".

9h 05: arrivée des premiers militants et sympathisants de l’opposition.

9h 35: les prémices de tensions se font sentir. Injonction est faite aux militants, sympathisants et curieux de quitter les abords du stade dont les entrées sont bouclées. Sans jet de pierres, ceux-ci se fondent dans les quartiers. Sans que l’on pense à une stratégie de repli tactique.

10h 15: les leaders politiques se retrouvent au siège de l’UFC d’Aboubacar Sylla à Ratoma, point de ralliement avant de quitter ensemble pour le lieu du meeting.

La nouvelle est confirmée par un coup de fil envoyé à Dr Faya Millimono, un des porte-parole de l’opposition. Et il ne tarde pas à accuser le pouvoir: «Effectivement, nous devons nous rencontrer au siège de l'UFC à Ratoma. Je confirme avoir appris que le Stade de Bonfi est barricadé par des éléments de la sécurité. Mais ce sont des Donzos qu'on a armés pour réprimer notre meeting.»

On y note: Sidya Touré de l’UFR, Lansana Kouyaté du PEDN, Dr Fodé Oussou Fofana et Aliou Condé de l’UFDG, Dr Faya Millimono de la NGR, Mouctar Diallo et Etienne Soropogui des NFD, Fodé Mohamed Soumah de la GéCi, El hadj Ditinn Diallo, Amadou Tidiane Diallo de l’AND.

12h: les leaders politiques se font annoncer à travers des appels téléphoniques. L’axe emprunté était Ratoma, Kipé, rond-point de Bambéto, la transversale menant à l’aéroport de Gbessia puis direction stade de Bonfi. Alors qu’ils étaient à 5 minutes du stade de Bonfi, une marée humaine déferle des quartiers environnants pour les accueillir. Un début de panique vite maîtrisée se ressent au niveau des forces de l’ordre.

10h 45: avant cette arrivée des leaders, les forces de l’ordre avaient réussi à "neutraliser" vingt (20) "Gros bras" entendez des garde-corps du leader du PEDN alors qu’ils étaient venus en précurseurs sur le lieu du meeting. Ils seront tous embarquer sans brutalité en direction de la CMIS (Compagnie Mobile d’Intervention et de Sécurité).

Sur les raisons de cette interpellation, les explications du Colonel Ansoumane Camara de la CMIS: «Il n’y a pas de sécurité dans la sécurité. Nous, nous sommes ici, pas contre les opposants, pas pour quelqu’un mais pour tous les citoyens guinéens. Nous assurons la sécurité et du pouvoir en place, et de ceux qui se disent de l’opposition. Ce groupe soi-disant de "Gros bras", bien que voyant le stade quadrillé [par les forces de l’ordre, ndlr], vient nous dire être envoyé par Kouyaté [Lansana, ndlr] pour assurer la sécurité de son parti. Je leur ai demandé d’aller à son domicile "comme ça, vous prenez votre leader et vous venez ensemble. Mais comment vous pouvez oser venir braver un tel cordon de sécurité, vous tentez d’y pénétrer en vous imposant, on vous dit de quitter, vous dites que vous ne quittez pas" ? C’est en ce temps que je leur ai dit que "je vais vous prouver que vous, vous venez après nous. Je vous mets aux arrêts. Pas pour vous priver de votre liberté, mais je vous garde d’abord jusqu’à ce que je rende compte à l’autorité et après on verra". Sans brutalité, ils se sont embarqués pour la base de la CMIS. Puisqu’ils relèvent d’une société de gardiennage, on fera appel à leur chef qui va les récupérer et les ramener à leur base. S’ils doivent assurer la sécurité du leader [politique, ndlr], c’est pendant son déplacement et à son domicile. Pas sur un lieu interdit».

Arrivés donc à 12h aux abords du stade de Bonfi, les leaders politiques qui connaissaient déjà l’atmosphère qui y régnait, entrent en discussion avec les forces de l’ordre. Dialogue de sourd sur fond de slogans des militants et sympathisants sortis des quartiers environnants où ils avaient replié.

Les leaders sont galvanisés par les applaudissements nourris à leur endroit.
Morceaux choisis de quelques échanges de propos:

- Un des Chefs de l’équipe des forces de l’ordre (CMIS): «quittez pour votre propre sécurité, quittez, je vous dis de quitter, pour l’amour de Dieu donnez les ordres [à vos militants, ndlr] de quitter. Et le monsieur a donné une interview, ça suffit. Quittez les lieux.»

- Sidya Touré: «nous allons quitter hein, nous sommes des responsables. Normalement, ce qui a été fait n’est pas légal. Nous allons continuer hein, mais ce qui a été fait n’est pas légal.»

- CMIS: «mais il fait la déclaration déjà ! la déclaration est déjà faite [parlant d’interview d’un des leaders, ndlr]»

- Sidya Touré: «je dis, cette fois-là, on s’en va. La prochaine fois qu’on fait une manifestation qui est autorisée, … on s’en va»

Aussitôt la tension monte. Des slogans hostiles fusent: «à bas la dictature … »

- Aboubacar Sylla: «nous sommes des opposants déterminés, nous avons foi en l’avenir de ce pays et nous feront tout pour que les droits des citoyens, pour que les libertés individuelles et collectives soient respectées en République de Guinée. Nous ferons enfin le meeting. Nous le ferons autant de fois que cela sera nécessaire et il n’est pas question que nous acceptions que les droits des citoyens guinéens, des partis politiques reconnus par la Constitution, par nos lois soient bafoués tout simplement par un régime qui veut asseoir son autonomie dans notre pays.»

Et Sidya de crier: «écoutez, vous avez vu ce qui se passe ? vous avez compris ce qui se passe? vous avez vu la volonté populaire? ça prouve à suffisance que l’opposition représente 70%. Vous avez vu la volonté du peuple de Guinée. Sa volonté est que la démocratie s’installe dans notre pays. On ne peut pas refuser un simple meeting …»

Vu la tension sur les lieux, les forces de l’ordre ont fait usage du gaz lacrymogène et de matraques. Certains militants et sympathisants seront par la suite interpelés par les forces de l’ordre. Ils seront embarqués pour différents commissariats de police. Panique. C’était du sauve-qui-peut.

Les leaders quant à eux, vont entendre raison. Ils vont quitter les lieux sous des applaudissements mais également et à coup sûr, suite aux jets de gaz lacrymogène. Les journalistes profitent de certains véhicules des leaders pour s’accrocher.

Cette dispersion a conduit leaders et militants au siège de l’UFDG de Cellou Dalein Diallo (absent du pays) à la minière dans la Commune de Dixinn. Le parcours sera sur l’autoroute jusqu’à l’échangeur de Kénien pour bifurquer et prendre la route du marché du même nom et aboutir à la route "le prince" et puis le siège de l’UFDG. Forte mobilisation là également.

C’est Dr Fodé Oussou Fofana, un des Vice-président de l’UFDG, qui va prononcer les mots de bienvenue non sans ironie: «Ceux qui disent que l’opposition ne représente pas grand-chose ont eu leur réponse aujourd’hui»

Les porte-parole désignés seront Lansana Kouyaté du PEDN et Sidya Touré de l’UFR.

Lansana Kouyaté: « je ne veux pas être long, mais soyez sûrs que ce mouvement ne s’arrêtera pas. Il ne s’arrêtera pas jusqu’à ce que les revendications que nous avons formulées en votre nom et pour votre attente, que ces revendications soient satisfaites.»

Subitement, la tension monte chez le diplomate – politicien qui rappelle quelques desiderata de l’opposition: «une CENI crédible en qui nous croyons, un fichier électoral aseptisé, nettoyé. Mais on ne doit pas nous faire rentrer un mouchoir dans le chapeau du magicien pour en sortir un pigeon. Nous n’accepterons pas. La vérité est une. Et tous ceux qui sont là aujourd’hui et nous pensons à notre camarade Cellou [Dalein Diallo, ndlr] qui n’est pas là, nous lui souhaiterons la bienvenue en temps opportun. Mais soyez sûrs que ceux qui pensent qu’ils vont nous diviser ne nous diviseront pas. La Guinée est une, elle est une sur ses 245 857 km2, elle sera une dans la pensée de nous tous et nous nous battrons pour une seule cause : c’est votre bonheur, vos aspirations, votre promotion, votre épanouissement. Que Dieu nous donne ce jour, Inch Allah.»

Sidya Touré entame en détendant l’atmosphère: «j’ai fait beaucoup de progrès, mais après l’envolée lyrique de Kouyaté, il est difficile d’ajouter quelque chose à tout cela» Rire dans l’assistance. Et il repart en ces termes: «vous savez nous avons un problème. Nous sommes sortis dans la rue depuis 2001, 2002, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 au stade du 28 septembre, 2010 pour les élections. Le peuple de guinée a voulu élire quelqu’un qui pourra faire son bonheur. On a mis quelqu’un ; on a dit "allons aux élections législatives au moins, dans la transparence". Au lieu de cela, on veut détourner la volonté de la population guinéenne en menaçant les Guinéens, en menaçant les responsables des partis politiques, en envoyant la gendarmerie. Est-ce qu’on va accepter ça ? Est-ce qu’on va accepter qu’on nous envoie l’armée ?»

Réponse de l’assistance: «Non !»

Le leader de l’UFR de préciser: «nous n’avons rien demandé, nous voulons des élections où tous les Guinéens seront représentés. Ceux qui ne veulent pas de cela, veulent instaurer un régime que nous n’accepterons pas. Il n’y aura pas de régime autocratique en Guinée. Il n’y aura pas de parti unique en Guinée. Il n’y aura pas de syndicat unique en Guinée. Il n’y aura même pas un Chef unique en Guinée. Ça n’existe pas. Le pouvoir est partagé. Il y a le législatif, il y a l’exécutif. L’exécutif est passé. Nous allons faire en sorte que les législatives représentent la totalité des partis. Et comme l’opposition représente la majorité, nous serons majoritaires à l’Assemblée nationale. Soyez mobilisés. Je vous dis merci. Nous continuons la lutte. La lutte continue, elle ne s’arrêtera pas.»

C’est au terme de cette dernière intervention que la foule va se disperser. Des militants et sympathisants qui ont été invités à raccompagner les leaders présents dont celui du PEDN à son domicile de Matoto. Un des militant a confié, enthousiaste, que «même si le pouvoir retire tous les garde-corps de nos leaders, nous serons présents à leurs côtés. Nous allons raccompagner Lansana Kouyaté jusque dans son salon, s’il le faut. Ce sera la même chose pour les autres leaders présents ici.»

Et il s’écrie: «En avant, camarades. La lutte continue. A bas la dictature !»

C’est au moment où nous nous apprêtions à la mise on line de cet article qu’une information de dernière minute nous est parvenue faisant état de l’attaque du siège du RPG, le parti présidentiel au moment où cadres et militants du parti au pouvoir y tenaient leur assemblée générale ordinaire. Joint au téléphone, le secrétaire général du RPG annonce un premier bilan de «15 blessés tous actuellement sous traitement à l’hôpital Donka, une vingtaine de véhicules endommagés». Saloum Cissé, c’est son nom, s’apprêtait à faire une déclaration radio télévisée.

Nous y reviendrons.

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