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Le nouveau Code minier déjà violé?

Mar 19, 2012

De la rumeur à la réalité: Une partie de la CBG (re) vendue par le gouvernement. C’est en 2011 que le nouveau code minier a été adopté par le Conseil National de la Transition. Une idée que beaucoup ont trouvée «géniale» de la part du Président de la République de sécuriser enfin nos ressources minières et les recettes y découlant.

Mais quelle n’aura été la surprise des uns et des autres d’apprendre qu’un accord cadre portant sur «un programme d'investissement et de développement dans les ressources naturelles» a été signé entre la Guinée et les Emirats Arabes.

Au regard du libellé, on peut bien s’enorgueillir de l’acte car s’agissant a priori d’investissement et de développement dans le domaine de nos ressources. On ne s’encombre pas de savoir quelles concessions pourraient être concernées. Le nouveau code minier aidant, on se dira que puisque la Guinée est bien dotée par la nature, il ne pourrait avoir aucun couac dans ce domaine.

On va ainsi rester dans un flou artistique jusqu’à la découverte dudit document «signé dans la plus grande discrétion le 12 novembre 2011». Il est précisé au bas de celui-ci que «chaque partie a signé le présent accord, ou permis que le présent accord soit signé par ses représentants dûment autorisés».

Ainsi, au nom et pour le compte de la République de Guinée, il est signé par le Ministre des Mines et de la Géologie, Mohamed Lamine Fofana et au nom et pour le compte de MDC Industry Holding Company LLC, par M. Waleed Al Mokarrab Al Muhairi, directeur des opérations de Mubadala Development Company.

A la vue du document donc, on remarque clairement les visées des nouveaux partenaires: les actions de la Guinée au capital de la (CBG). Des parts qui sont de 49 %.

Le document porte le code 006Z/002/9207/102f/393/51629.

AfricaLog a pu se procurer l’essentiel des clauses de cet accord cadre.

Il faut souligner que MDC Industry Holding Company, LLC est une filiale à 100% de Mubadala Development Company PJSC.

L’accord dispose en son article 2.2.1: "L’investissement de Mubadala dans la CBG à hauteur de 23 pour cent (tel que plus amplement décrit dans l'article 3, investissement CBG)"

L'article 3 stipule que l'investissement CBG doit être structuré pour atteindre les objectifs essentiels suivants:

3.1.1 Prise de participation économique: Participation économique de Mubadala dans l'actionnariat de la République de Guinée dans CBG.

3.1.3 Rôle dans la gouvernance : Droits et obligations de Mubadala dans la gouvernance de CBG correspondant à la participation de Mubadala au capital incluant (sans restriction) un nombre proportionnel de sièges au Conseil d'Administration et les droits de protection d'actionnaires minoritaires correspondants comme en matière d'autorisation des plans d'affaires de CBG, du budget, du financement et des droits de préemption et de dilution.

3.1.3 Droits de prélèvements : Mubadala aura des droits de prélèvement direct sur la bauxite de CBG pour une quantité la plus élevée de : (i) 5 millions de tonnes ; ou (ii) celle proportionnelle à la participation économique de Mubadala dans CBG, aux prix du marché ou des prix non moins favorables que ceux des autres actionnaires ou clients de CBG.

3.2 L'intention des parties concernant l'investissement CBG est de faire financer par Mubadala une partie de l'expansion de CBG d'environ 12,5 millions tonnes/an à environ 20 millions tonnes/an. Mubadala effectuera l'investissement CBG en (i) souscrivant éventuellement de nouvelles actions dans CBG ; ou (ii) en acquérant des actions de la République de Guinée ; ou (iii) à travers d'autres structures ou mécanisme à discuter et à convenir entre les parties et les autres actionnaires de CBG. La valorisation de CBG, le niveau de la participation de Mubadala au capital et le mode de réalisation de cette prise de participations seront convenus entre les parties et devra assurer un retour sur investissement raisonnable pour les deux parties.

3.3 Les parties conviennent que les investissements CBG nécessiteront probablement des avenants au (x) pacte (s) d'actionnaires concernés pour tenir compte des attentes des deux parties, leurs intérêts et leurs exigences en ce qui concerne la gouvernance, la gestion et la structure d'exploitation de CBG.

3.4) La République de Guinée s'engage à apporter son soutien à la restructuration requise à cet égard tel que décrit à l’article 3.5.

3.5) Afin de garantir que les sociétés du Groupe Mubadala recevront leurs exigences industrielles initialement prévues de 5 millions tonnes/an de bauxite, la République de Guinée s'engage à accorder à Mubadala le droit d'acheter de la bauxite, conformément à l'article 6 alinéa B de la convention CBG [la société bénéficiera d'une exonération totale des droits de sortie sur les produits exportés par elle, ndlr], au prix du marché ou à des prix non moins favorables que ceux des autres actionnaires ou clients de CBG.

Les investissements bauxite et alumine

4.1 A la suite des études de faisabilité requises, la République de Guinée octroiera à Mubadala des concessions exclusives pour exploiter et exporter de la bauxite à long terme avec suffisamment des réserves pour soutenir une exploitation minière et des opérations de raffinage de la bauxite de classe mondiale. Dans les trois à six mois suivant la date de signature du présent accord, la République de Guinée s'engage à octroyer à Mubadala des permis d'exploration et d'exploitation nécessaires. Par ailleurs, la Guinée s'engage à convertir lesdits permis en concessions dans l'éventualité où les études réalisées par Mubadala rendraient des résultats rencontrant partiellement ou totalement les critères (...) «économiques.»

4.2 Dans l'éventualité où les études de faisabilité ne rendraient des résultats rencontrant les critères tels que figurant dans l'article 4, la Guinée accordera à Mubadala des permis supplémentaires lui permettant de répondre aux critères déjà mentionnés (10 millions à 25 millions tonnes/an).

4.3 Mubadala examine la faisabilité du développement aux Emirats Arabes Unis, une raffinerie d'alumine et son infrastructure industrielle d'une capacité environ 2 millions tonnes/an d'alumine métallurgique («SGA») (la «Raffinerie E.A.U»). La Guinée soutiendra l'exportation de bauxite à partir des concession(s) accordée(s) à Mubadala pour approvisionner la raffinerie E.A U conformément à la convention de CBG. Si de la bauxite est disponible pour l'exportation avant que la raffinerie E.A.U ne devienne opérationnelle, Mubadala peut exporter et commercialiser cette bauxite à l'international. En cas de manque de bauxite requis pour la raffinerie E.A U, la Guinée s'engage à vendre de la bauxite à Mubadala à partir de sa bauxite disponible.

4.4 Après mise en service réussie et montée en puissance jusqu'à pleine capacité de la raffinerie E.A.U, et après les études de faisabilité bancable, Mubadala propose de conduire ensuite le développement d'une raffinerie de SGA et de son infrastructure industrielle en Guinée, "la raffinerie de Guinée".

4.5 Sous réserve de la réalisation d'évaluation des sites satisfaisantes pour Mubadala, la raffinerie de Guinée sera située à proximité ou sur le site de la mine de bauxite ou du port associé, à la discrétion du développeur.

4.6 La raffinerie de Guinée devrait avoir une capacité initiale d'environ 2 millions tonnes/an, et une capacité d'expansion par tranches d'environ 2 millions tonnes/an pour une capacité maximale estimée à environ 6 millions tonnes/an.

4.7 La République de Guinée assurera l'accès à toutes les infrastructures essentielles nécessaires (y compris tous les équipements ferroviaires et les installations portuaires en eau profonde et/ou les sites) requis dans le cadre du développement, de l'exploitation, de la production et de l'exportation de bauxite et d'alumine.

Cela comprend:

4.7.1 Lorsque l'infrastructure est détenue ou contrôlée par la Guinée, les droits d'accès à l'infrastructure existante, sous réserve de disponibilité, à des tarifs compétitifs,

4.7.2 Lorsqu'une concession ou un droit d'exploiter l'infrastructure a été octroyée à un tiers, la Guinée s'engage à se porter fort que ce tiers fournira un accès à Mubadala dans des conditions au moins aussi favorables que les autres utilisateurs ; et

4.7.3 Lorsqu'une infrastructure nouvelle ou dont l'amélioration est nécessaire et n'est pas dans le champ de la Guinée, ni d'une société de concession, le droit de réaliser, d'étendre et d'améliorer l'infrastructure nécessaire.

4.8 En ce qui concerne les investissements bauxite et alumine, les parties mettront conjointement en œuvre un programme pour développer une équipe dirigeante avec une formation poussée et une main-d’œuvre guinéenne hautement qualifiée dans le développement de projet de raffinerie, la gestion de projet, la construction et l'exploitation. Mubadala facilitera l'accès à, et soutiendra ces programmes de formation grâce aux actifs et capacités des Emirats Arabes Unis (y compris les actifs existants dont Mubadala est actionnaire, tel qu’Emirates Aluminium Company Limited, Emal).

4.9 En tant que partie intégrante de l'actuel soutien de Mubadala à la Guinée et aux investissements bauxite et alumine, Mubadala s'engagera à accompagner les investissements et initiatives de développement dans les infrastructures collectives et le développement social, l'aide aux petites/ moyennes entreprises, et les programmes de santé, sécurité et environnement, y compris : ceux ayant pour cibles les maladies comme le paludisme et le VIH, la sécurité domestique, la sécurité au travail et la sécurité routière et la gestion de l'impact environnemental et la protection de la faune.

Les investissements minerai de fer

5.1 Conformément au Code minier, la Guinée a le droit d'investir aux côtés d'autres partenaires dans toutes les nouvelles sociétés minières établies en Guinée. Les parties entendent exercer conjointement ces droits afin de développer les projets de ces sociétés de manière à maximiser les résultats commerciaux pour les parties et les objectifs socio-économiques de la Guinée. Pour permettre de tels investissements, la Guinée s'engage à accorder à Mubadala la possibilité, à travers les droits de participation de la Guinée, de prendre des participations dans toutes exploitations minières de minerai de fer existante ou futures et toute société concessionnaire sur la base d'un droit de premier refus à travers les filiales de SOGUIPAMI, y compris dans des sociétés concessionnaires telles que Bellzone, BSGR-Vale, Simfer S.A, SMFG, etc. [voir l’article Vivement une Guinée émergente!]

La participation de Mubadala dans de telles sociétés sera structurée de manière à donner effet aux principes suivants :

5.1.1 Prise de participe économique : Participation économique de Mubadala dans les filiales de la SOGUIPAMI à partir des actions ou droits existants de la Guinée dans les sociétés concessionnaires en question;

5.1.3 Rôle dans la gouvernance : Droits et obligations de Mubadala dans la gouvernance des sociétés filiales de la SOGUIPAMI dans laquelle elle a pris de la participation économique y compris (de manière non exhaustive), les droits de protection de minoritaires correspondants, notamment en matière d'autorisation des plans de gestion, du budget, du financement et des droits de préemption et de dilution et la manière avec laquelle elle gère son investissement ; et,

5.1.3 Droits de prélèvement: Mubadala aura des droits de prélèvement directs sur le minerai de fer correspondants à la participation économique de Mubadala dans les sociétés filiales de la SOGUIPAMI, au prix de marché ou à des conditions tarifaires non moins favorables que celles des actionnaires ou des clients.

Les Titres de minerai de fer

6.1 A la suite des études de faisabilité requises, la Guinée octroiera à Mubadala des concessions exclusives pour l'exploitation minière et l'exportation de minerai de fer avec des réserves à long terme suffisantes pour soutenir l'exploitation minière de classe mondiale. Objectif, production 20 millions tonnes/an.

Dans les trois à six mois suivant la date de signature du présent accord, la Guinée s'engage à octroyer à Mubadala des permis d'exploration et d'exploitation nécessaires. Par ailleurs, la Guinée s'engage à convertir lesdits permis en concessions dans l'éventualité ou les études réalisées par Mubadala rendraient des résultats rencontrant partiellement ou totalement les critères de 20 millions tonnes/an.

6.2 Dans l'éventualité où les études de faisabilité ne rendraient des résultats rencontrant les critères tels que figurant à l'article 6.1, la Guinée accordera à Mubadala des permis supplémentaires lui permettant de répondre aux critères déjà mentionnés.

6.3 La Guinée assurera à Mubadala l'accès à toutes les infrastructures essentielles nécessaires (y compris tous les équipements ferroviaires et les installations portuaires en eau profonde et/ou les sites) requis dans le cadre du développement, de l'exploitation, de la production et de l'exportation de minerai de fer envisagée par les titres minerai de fer décrits. Ce qui comprend :

6.3.1 Lorsque l'infrastructure est détenue ou contrôlée par la Guinée, les droits d'accès à l'infrastructure existante, sous réserve de disponibilité, à des tarifs compétitifs.

6.3.2 Lorsqu'une concession ou un droit d'exploiter l'infrastructure a été octroyée à un tiers, la Guinée s'engage à se porter fort que ce tiers fournira un accès prioritaire à Mubadala ; et

6.3.3 Lorsqu'une infrastructure nouvelle dont l'amélioration est nécessaire et n'est pas dans le champ de la Guinée ni d'une société de concession, le droit de réaliser, d'étendre et améliorer l'infrastructure nécessaire.

6.4 La République de Guinée soutiendra l'octroi d'une licence à toute activité d'enrichissement de minerai de fer que Mubadala ou la société de projet correspondante décidera d'entreprendre en Guinée.

AfricaLog.com

Précisions d’AfricaLog: Selon des spécialistes, «c’est un accord qui viole complètement le Code minier. Il s’agit pour l’Etat de se désengager de 23% des 49% de parts qu’il détient dans l’actionnariat de la Compagnie des Bauxites de Guinée, CBG ».

Une précision de taille: «ce qui est surtout étonnant dans cet accord, c’est que désormais, l’Etat s’engage, à travers cet accord-là, à refiler à Mubadala ses actions dans toutes les sociétés minières notamment à Simandou, aux Monts Nimba, à Kalia, etc. Pratiquement, c’est l’existence de la SOGUIPAMI qui est menacée», a confié un spécialiste bien introduit dans le secteur des mines.

Autre remarque de notre interlocuteur: «le contrat a été signé du côté de la Guinée, par le seul Ministre des Mines et de la Géologie. Ce qui est curieux parce que quand il s’agit d’engager l’Etat de manière financière et budgétaire, je pense bien qu’il y a des structures qui sont plus habilités pour le faire.»

Une disposition de l’accord semble d’ailleurs inquiéter notre spécialiste: «il s’agit de la disposition de confidentialité de cet accord qui est en beaucoup de points de vue contraire au nouveau Code minier qui encourage la transformation pour la création de la plus-value. Alors qu’il est clairement écrit dans ce document que l’Etat va encourager Mubadala à exporter la bauxite pour alimenter une raffinerie que Mubadala va construire aux Émirats arabes unis. Ensuite, il est noté que l’Etat s’engage à céder à Mubadala pratiquement 23% de nos actions au niveau de la CBG. Ce qui est également contraire au processus de notre coopération avec les institutions financières. Je parle du FMI qui vient de nous ouvrir des vannes, je parle du Groupe de la Banque mondiale. Cette disposition pourrait forcément menacer notre coopération avec ces institutions de Bretton Woods.»

Mubadala se serait fait couvrir d’une disposition qui dit qu’ «il faut tout d’abord auditer le contenu de ces 23% avant l’engagement de toute transaction financière. Et je ne conseille pas le transfert des actions de la SOGUIPAMI à une quelconque société sans pour autant des études préalables. Vous savez, la SOGUIPAMI est notre société de patrimoine minier. Elle est propriétaire de toutes les actions de la Guinée dans les sociétés minières en exploitation.»

D’autre part, dans cet accord cadre, un article pourrait intéresser plus d’un observateur. C’est l’alinéa 3 de l’article 28 relatif au Droit applicable et règlement des différends.

20.3 Tous les différends qui ne sont pas résolus conformément à l’article 20.2 et dont une partie souhaiterait la résolution, doivent être mentionnés sur demande d’une partie, et définitivement tranché suivant le règlement d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (les "Règles") en vigueur à la date du présent accord, dont les règles sont réputées être intégrées par les références au présent article. Le nombre d’arbitres sera de 3 (trois), nommés en conformité avec les Règles. Le siège de l’arbitrage sera Paris. La langue de l’arbitrage sera l’anglais.

Le gouvernement n’a encore fait aucune communication sur cet accord cadre.
 

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