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Meeting de l’opposition: Des négociations, à la tenue effective

Mar 28, 2012

Le Collectif des partis politiques pour la finalisation de la transition (Collectif) et l’Alliance pour le Développement et le Progrès (ADP) ont finalement organisé leur meeting samedi 24 mars 2012. Un meeting dont la tenue leur avait été refusée la semaine dernière.

Dans un nouveau communiqué, madame le Maire de Matam reconnait cette fois-ci avoir reçu une demande de manifestation du Parti pour le Progrès et le Changement, PPC: «J’ai de nouveau reçu mardi 20 mars en cours, une lettre sans numéro du Parti pour le Progrès et le Changement relative à l’organisation d’un meeting d’éducation et de sensibilisation de ce parti à l’intention de ses militants le samedi 24 mars 2012 au stade de Bonfi.

Je regrette de ne pouvoir autoriser la tenue de ce meeting sur ce stade pour des raisons d’espace et de sécurité. Cependant, je voudrais notifier aux cadres du PPC, qu’ils peuvent organiser ledit meeting au stade de Coléah dans la même Commune.

En conséquence, je leur demande, conformément aux articles 106, 107 et 108 du code pénal, relatifs à la gestion des manifestations, défilés, attroupements, réunions et congrès de prendre toutes les dispositions, pour que ledit meeting n’affecte pas l’ordre public, la paix et la quiétude sociale dans notre commune.»

Avant l’acceptation de fait de cette délocalisation, Cellou Dalein Diallo de l’UFDG a eu la réaction suivante: «D’abord, ce qu’il faut noter, c’est que, on constate que c’est le Président de la République qui décide de tout dans ce pays. Je ne voyais pas, comment une telle décision peut être prise à ce niveau. Mais, ceci dit, nous avons rendez-vous avec la Société civile aujourd’hui à 11h au bureau du Président de l’UFDG et nous allons nous prononcer sur le transfert de notre manifestation du stade de Bonfi au stade de Coléah.

Ceci dit, nos militants et sympathisants qui se trouvent dans la zone sont plutôt inquiets en raison de l’existence de bandes de loubards qui existent là, qui sont des pro-RPG et qui seraient en train de menacer les jeunes de l’ADP et du Collectif qui se hasarderaient à venir dans la zone. J’espère que si le lieu est retenu, les autorités prendront toutes les dispositions pour assurer la sécurité de Coléah !»

Même s’il a été délocalisé, il ressort des informations parvenues à la rédaction d’AfricaLog, que l’acceptation du pouvoir est due à de nombreuses pressions aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur.

Au nombre de ces pressions à l’interne, celle du Conseil National des Organisations de la Société Civile. Au menu de la rencontre entre le Président de la République et le staff du Président Ibrahima Cissoko: la situation de la CENI et l’organisation des élections législatives, communales et communautaires.

Le Président du CNOSC: «Le Président nous a donné d’amples informations. Pour le problème de liberté, les partis politiques sont libres d’exercer les mouvements comme ils veulent. Seulement, ils doivent prendre des dispositions. Pour les manifestations qui sont prévues ce samedi, je crois que ce sera entendu, parce que le maire à qui on a adressé la lettre, a répondu en leur disant que la population de Bonfi, à cause du marché, ne permettra pas que ça se passe là-bas. Et que, pour qu’ils puissent tenir leur meeting, ils peuvent venir au stade de Coléah. Ça, c’est déjà acquis. Et le Président nous a dit qu’il n’a jamais interdit les mouvements. Mais, obligatoirement, les partis qui doivent faire des mouvements ou des réunions, doivent indiquer l’itinéraire, le lieu et s’ils doivent faire une réunion dans un centre, qu’ils le disent ; s’ils doivent faire la marche, qu’ils fassent la marche. Mais, ils ne peuvent pas faire la réunion et faire la marche en même temps.»

Précisions du Secrétaire exécutif du CNOSC, Aziz Diop: «Nous avons d’abord rencontré le Collectif et l’ADP et les leaders de notre pays, en vue d’échanger avec eux sur l’interdiction [restriction, ndlr] de certaines libertés fondamentales, mais qui n’étaient pas négociables.
Je crois que la rencontre avec le Président de la République nous a permis d’avoir des informations assez détaillées. Il était très détendu. Il nous a dit qu’il était au-dessus de la mêlée. Il nous a dit qu’il s’est battu pendant quarante (40) ans pour asseoir les bases démocratiques dans notre pays. Que chacun doit faire son travail. Il nous a rassurés que les libertés fondamentales seront garanties dans le pays.

Nous avons également rencontré le Collectif [et l’ADP, ndlr] pour leur faire part des préoccupations du Président et également de garantir la sécurité des biens et des personnes lors des manifestations. Eux, également nous ont rassurés qu’ils feront tout pour que leurs militants soient sensibilisés. Ce qui est aujourd’hui rassurant, c’est que l’autorisation a été donnée par madame le Maire de la Commune de Matam d’organiser le meeting de l’opposition au stade de Coléah parce que le stade de Bonfi, avec la proximité du marché, avec l’école et l’autoroute, n’était pas un lieu où on pourrait convenablement assurer la sécurité des manifestants.
Au moment où on se séparait avec le Collectif, il examinait la faisabilité de cette délocalisation et je crois qu’il fera sa manifestation à Coléah.

La garantie de la Société civile, c’est que nous allons observer cette manifestation. Non seulement à l’intérieur du stade de Coléah, mais aux alentours du stade jusqu’au moins 500 m du stade voire 1 km du stade pour pouvoir observer comment les choses vont se dérouler.»

Sur la raison de cette délocalisation, le porte-parole de l’opposition, Dr Faya Millimono: «on nous a écrit pour nous dire que pour des questions d’espace ou de sécurité, ils demandent que nous organisions notre meeting au stade de Coléah plutôt qu’à Bonfi. Nous avons dit, et nous l’avons toujours dit, que même à Kaloum, à la Place des Martyrs, nous pouvons mobiliser. L’opposition guinéenne est présente partout. Nous espérons simplement, que les autorités municipales de Matam ainsi que les forces de sécurité prendront toutes les dispositions comme la loi le leur demande, d’assurer la sécurité de nos militants. De l’autre côté déjà, nous avons toujours convié nos militants, nos sympathisants à des rencontres dans la légalité, dans la discipline, dans la paix. Et donc, nous invitons tous nos militants dans la paix, à se rendre au stade de Coléah au lieu de Bonfi, à partir de 9h pour un meeting d’information et de sensibilisation.»

Avant le rendez-vous, le Porte-parole de la Présidence de la République, Kiridi Bangoura a tenu à apporter une précision selon laquelle, le Chef de l’Etat n’est nullement contre les libertés fondamentales accordées aux citoyens et aux acteurs politiques. C’était à la faveur d’une conférence de presse qu’il a animée: «vous avez suivi les différentes discussions entre les administrations locales et les acteurs politiques pour la jouissance légitime de leurs droits à manifester. Monsieur le Président de la République qui est bien loin de ces dossiers-là a réaffirmé au gouvernement ses instructions qu’il doit tenir compte de deux nécessités absolues: la première, c’est de garantir les libertés constitutionnelles; la deuxième nécessité, est justement la sécurité collective. C’est-à-dire que ces manifestations se déroulent dans des conditions qui permettent à ce que chacun puisse être en sécurité dans sa personne et dans son bien.»

Ceci dit, la rencontre du samedi 24 mars sera fixée au stade de Coléah, Commune de Matam.

Dès 8h 30, arrivent sur les lieux, les éléments des forces de maintien d’ordre. Un quart d’heure plus tard, les premiers militants, sympathisants et autres curieux commencent à venir sur les lieux.

A 11h, les leaders ou leurs représentants rallient l’immeuble "Le Golfe" où les attendait Sidya Touré. Parmi eux, Charles Pascal Tolno du PPG, Cellou Dalein Diallo de l’UFDG, Fodé Mohamed Soumah de la Gé-Ci, Aboubacar Sylla de l’UFC, Etienne Soropogui des NFD, El hadj Ditinn Diallo du PUD, Sékou Konaté de MoDeGui, Faya Millimono et David Camara de la NGR.

Pendant ce temps, Amadou Tidiane Diallo de l’AND et certains les avaient devancés au stade de Coléah pour les dernières touches à mettre en place.

11h 55: les membres de l’opposition prennent la route du stade, lieu du meeting précédés du groupe de motards de Cellou Dalein.

Le chemin emprunté va les conduire du côté de la "Maison Commune", siège du système des Nations Unies.

12h 35: les politiciens arrivent au stade en sous le regard hagard des forces de l’ordre. Ils prennent un bain de foule en se frayant difficilement le chemin sous les cris de "Prési ! Prési ! Prési ! Prési !" Par endroits, on entendait le nom des leaders politiques scandés aux sons et rythmes de mélodies de certains artistes.

Alors que les leaders faisaient le tour, des pancartes brandies laissaient lire: "Annulez Siguiri et Kouroussa", "Elections transparentes, gage de paix", "Non aux bourrages d’urnes", "Non à la fraude", "Alpha Condé est le champion de la manipulation".

Bano Sow de l’UFDG et Dr Faya Millimono de la NGR jouaient les maitres de cérémonie.

13h : Il reviendra à Aboubacar Biro Soumah, leader de PPC, demandeur des lieux de s’adresser à la foule qu’il va remercier pour le déplacement effectué avant de dire: «l’opposition ne cautionnera pas le comportement inacceptable du président Alpha Condé, champion de la manipulation». On sentait que l’orateur était inspiré par les pancartes qu’il avait devant lui. Il a ajouté que «le PPC s’opposera énergiquement à toute tentative d’instauration du système communiste en Guinée».

13h 20: Aboubacar Biro Soumah va se mettre à s’oublier pour jouer les maîtres de cérémonies. Il va essuyer les raclées du public qui n’a pas apprécié ses bourdes en oubliant certains leaders ou encore en certains sigles de partis.

12h 40: Dr Faya Millimono va venir au secours. Tout se passera bien jusqu’au niveau d’Etienne Soropogui des NFD. A ce niveau, Faya, voulant détendre l’atmosphère, et il le réussira, le présentera comme "l’ami personnel de Körö Alpha". Rappelez-vous que ce dernier avait été arrêté lors des événements du 27 septembre 2011.

Cette présentation va déclencher un applaudissement nourri de l’assistance avec des rires du public. Au terme de la présentation, Faya Millimono va déclarer: «Nous avions demandé notre meeting à Bonfi mais on nous a donné Coléah. Mais même si c’est devant Sèkhutureya, nous y serons. Non à la dictature en Guinée.»

12h 55: Commencent les interventions qui ont vu les différents leaders politiques ou les différents porte-parole s’adresser à l’assistance. Morceaux choisis:

- Aboubacar Sylla de l’UFC prendra la parole en ces termes: «nous sommes tous des Guinéens. Et si la Guinée se portait bien, si les droits de l’homme étaient respectés, on ne serait pas réunis ici aujourd’hui pour en tirer les conséquences et pour prendre les mesures nécessaires pour empêcher notre pays de sombrer à nouveau. Nous allons vous parler des élections législatives à venir, des problèmes que nous connaissons au niveau de la CENI, des problèmes que nous connaissons au niveau de l’Administration territoriale, au niveau des Conseillers communaux. Tous ces problèmes qui sont en train de créer en Guinée une situation qui va nous nous conduire inévitablement vers une fraude électorale massive et nous ne voulons pas de ça. Nous sommes dans un pays où malheureusement les Institutions républicaines ne prennent pas leur responsabilité. Nous continuerons notre lutte car ce sont les peuples qui luttent qui gagnent.»

- Lansana Kouyaté du PEDN: «La volonté du peuple sera effective. C’est un peuple qui se lève et qui a lutté qu’on veut aujourd’hui noyer. Nous disons non. Non à la dictature, non au refus de liberté. Vous qui êtes là, vous savez, il y a une famine rampante dans ce pays. On est allés à ce dialogue pour qu’il y ait une CENI qui réponde à votre goût. Qu’il y ait un fichier électoral propre, pas tronqué. Si nous devons avoir peur, c’est de vous. Parce que la voix du Peuple, c’est la voix du Seigneur, c’est la voix de Dieu. En dehors de ça on n’a peur de rien. Soyez sûrs, que nous n’accepterons pas l’inacceptable.»

- Sidya Touré de l’UFR d’ironiser: «Nous sommes réunis ici, pour demander le respect de nos droits. Est-ce que c’est clair ou non ?» La foule de répondre par un "oui" massif. L’orateur de poursuivre: «Est-ce que nous sommes venus réclamer notre droit le plus élémentaire ?» La foule: "Oui". Sidya de continuer: «Ce droit, c’est le droit de vote. Nous voulons nous battre contre la confusion, contre le cafouillage. Vous savez, de tous les leaders ici, je suis celui qui ne comprend plus rien. Parce que pendant dix ans, j’ai été dans l’opposition avec Alpha Condé et nous avons parlé de ces questions-là, ici à Conakry, à Paris, à Abidjan, au Sénégal, à travers le monde, et de la même chose. Alors, quelqu’un qui dit : "moi, j’ai consacré ma vie à la démocratie. Moi, je veux des élections transparentes". Dès qu’il arrive au pouvoir, il saute de l’autre côté, il dit : "non, non, non, il n’y a plus d’élection puisque moi je suis là". Mais comment veux-tu reconnaitre un tel frère ? Alors quand moi je le vois, je dis "Alpha i ta nan yiki ? [Alpha, c’est toi ça ? ndlr], won nu nakhan falama, pe i tan bara na fe ma sara ? [Mais ce qu’on disait toi, tu as changé ça ? ndlr]

- Cellou Dalein Diallo de l’UFDG: «Vous êtes une jeunesse déçue, nous des leaders déçus. Il faut qu’on se lève. Il n’y a pas de soso ici, il n’y a pas de malinké ici, il n’y a pas de peulh, il n’y a pas de kissie, de guerzé. Vous avez des hommes et des femmes choqués par la manière dont le pays est géré et qui veulent exiger de M. Alpha Condé et de son gouvernement une gestion plus responsable du pays. Le respect de la dignité de nos compatriotes, le respect des règles démocratiques, le respect des droits humains et surtout, pour le court terme, l’organisation d’une élection législative libre et transparente.»

- Fodé Mohamed Soumah de la GéCi: «sans l’opposition, il n’y aura pas de législative en Guinée. Nous ferons un sit-in devant la CENI. Nous interpellerons le CNC, le CNT et la Cour Suprême.»

- Mouctar Diallo des NFD: «C’est la fumée que vous avez vue, le feu arrive. Le problème de la Guinée, c’est la sécurité, la justice, la liberté, la démocratie et l’emploi. Mobilisons-nous pour arrêter le pouvoir communiste du président Alpha Condé.» Il a invité l’assistance à réciter la Fatiha et la Bible «contre ceux qui divisent les guinéens, qui qu’ils soient. Ensemble lisons la Fatiha et la bible».

C’est donc au terme de ce meeting de deux heures que la foule s’est dispersée sans anicroche aucune. Les forces de maintien d’ordre n’ont eu maille à partir avec personne.

Comme pour mettre en pratique son programme, l’opposition entend remettre ça pour samedi prochain, 31 mars 2012. Cette fois, à l’héliport de la Belle-vue dans la Commune de Dixinn.

Sur cette autre organisation, c’est le PPC qui est encore en première ligne. Son leader Aboubacar Biro Soumah a donné quelques précisions: «ça fait deux ans que nous sommes sur le terrain. Le PPC est un parti qui est né le 2 avril 2010. Elle a participé aux élections aux côtés des autres partis [de l’opposition, ndlr]. Nous sommes membre à part entière du Collectif depuis sa mise en place. Dans le cadre de la série de manifestation pour civiliser nos militants, après l’échec du dialogue inclusif qui a eu lieu au Palais du peuple, c’est ce qui nous a amenés à organiser des meetings. Nous sommes un parti légalement constitué.»

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