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La lutte contre la fièvre Ebola se heurte aux traditions
La lutte contre la fièvre Ebola se heurte aux traditions
Nov 04, 2012

La lutte contre la contagion dans l'épidémie de fièvre hémorragique Ebola qui touche le nord-est de la République démocratique du Congo se heurte aux traditions et aux coutumes locales qui encouragent la proximité des familles auprès des malades et des défunts.

Cette maladie inguérissable qui touche depuis plusieurs mois la région d'Isiro dans le nord-est de la RDC a fait 36 victimes répertoriées. Elle se transmet par contact direct avec le sang, les sécrétions corporelles (sueur, urine, selles), par voie sexuelle et par la manipulation sans précaution de cadavres contaminés.

Les coutumes et croyances locales, qui entourent de beaucoup de respect les personnes âgées ou malades et attribuent aux personnes décédées une possibilité d'intervention sur les événements, vont à l'encontre de toute précaution d'isolement du malade ou du défunt pour éviter la contagion, a expliqué un médecin européen intervenu sur place et désireux de garder l'anonymat.

Le ministre de la Santé, M. Felix Kabanga Numbi, en annonçant vendredi que l'épidémie était sur le point d'être considérée comme éteinte après 21 jours sans signalement, a reconnu que les équipes médicales avaient rencontré des difficultés avec les habitants. Leurs voitures ont été la cible de jets de pierre et lors d'un enterrement «sécurisé» la population s'en est prise aux infirmiers et assistants.
Selon un photographe occidental qui était sur place, des malades ont quitté la ville de peur d'être isolés et sont allés se réfugier dans la forêt. Ils y sont décédés sans que personne n'en soit averti sauf leur famille qui a gardé le silence.

Des équipes de psycho-cliniciens ont du être constituées afin de rassurer la population, a expliqué le ministre. Une vidéo a même dû être réalisée sur «l'espace de confinement» dans lequel étaient enfermés les malades pour éviter la contagion. Elle a été montrée dans Isiro, une ville d'environ 300 000 habitants, et aux alentours.

Cette vidéo a d'abord «choqué» a reconnu le ministre puis, selon lui, «la population a senti le danger». Selon le médecin, l'attitude des équipes soignantes, venues d'Europe pour la plupart, a aussi heurté les populations. Les premiers jours les habits des défunts ont été brûlés ainsi que leurs matelas, ce qui a choqué les familles dans une région terriblement démunie.

Des rumeurs ont également été lancées sur les bénéfices que tiraient ces étrangers de cette maladie. Le ministre a accusé un opposant d'avoir fait courir le bruit qu'il s'enrichissait à cette occasion. En fait, l'arrivée dans une région reculée de dizaines de médecins, d'épidémiologistes, de vétérinaires, a bouleversé son équilibre économique.

Une infirmière qui gagnait en temps normal 100 dollars par mois en a gagné subitement autant dans une journée en accompagnant une équipe médicale, et cela a suscité de nombreuses jalousies, a raconté le médecin. 

Les premiers symptômes d'Ebola s'apparentent au paludisme, une maladie largement répandue : fièvre et mal de tête. Dans tous les villages, généralement accessibles seulement en moto, des infirmiers ont collecté le sang du moindre malade afin de l'analyser.

Dès le début de cette épidémie, le 17 août, les autorités de RDC, l'Organisation mondiale de la santé, l'UNICEF, le comité pour les maladies contagieuses d'Atlanta, la Croix Rouge et Médecins sans Frontières ont dépêché leurs équipes sur place.

Leur enquête épidémiologique n'a toujours pas apporté de réponse sur l'origine de cette maladie. Le «réservoir» du virus est un animal, sait-on depuis l'apparition de cette maladie en 1976. La contamination viendrait de la consommation de cadavres trouvés en brousse. Mais les chercheurs n'ont pas réussi à déterminer l'animal, contrairement à la fièvre de Marburg, dont on sait qu'elle est véhiculée par les chauves-souris.

Aucun lien n'a pu être établi entre les différentes épidémies, celle qui s'était produite peu auparavant en Ouganda, dans une région voisine, n'avait pas la même souche et les difficultés de communication en RDC ne permettent pas de conclure à une transmission d'une zone à l'autre par un malade infecté.

En deux mois, près de 800 personnes ont été suivies attentivement, a annoncé le ministre. Sur 77 cas déclarés, 27 femmes, 9 hommes, dont cinq membres du personnel de santé sont morts, a-t-il précisé. Cette épidémie est, selon lui, la sixième qui se produit en RDC. – AfricaLog avec agence

Le prix Renaudot attribué à Scholastique Mukasonga
Le prix Renaudot attribué à Scholastique Mukasonga
Nov 08, 2012

La Rwandaise Scholastique Mukasonga, hantée par le spectre du génocide de 1994 où périt sa famille, a reçu mercredi un Renaudot surprise pour son implacableNotre-Dame du Nil (Gallimard), devenant le cinquième auteur africain lauréat de ce prestigieux prix littéraire français.

La romancière d'expression française figurait dans la sélection de printemps du Renaudot mais avait été écartée par la suite. Elle a obtenu six voix au 10e tour de scrutin.

Elle a déjà reçu cette année pour Notre-Dame du Nil le Prix Ahmadou Kourouma, du nom du célèbre écrivain ivoirien décédé en 2003, décerné dans le cadre du salon du livre de Genève.

Née en 1956, Scholastique Mukasonga connaît dès l'enfance les persécutions et les humiliations des conflits ethniques qui agitent son pays. Sa famille tutsi est déplacée dans une région insalubre. En 1973, elle s'exile au Burundi puis en France en 1992, deux ans avant le début des massacres qui ont ensanglanté son pays.

Près de 30 membres de sa famille, dont sa mère, ont été assassinés en 1994.
L'auteure a créé une association d'aide aux orphelins après le génocide des Tutsis. Retournée au Rwanda en 2004, elle vit aujourd'hui en Normandie, dans l'ouest de la France, où elle est assistante sociale.

«Scholastique a cru à une blague quand je lui ai annoncé la nouvelle au téléphone», raconte son éditeur Antoine Gallimard, précisant que son livre avait été vendu jusqu'ici à 4000 exemplaires.
Sorti en avril, le roman a pour cadre un lycée rwandais de jeunes filles de bonne famille, Notre-Dame du Nil, perché sur une crête escarpée, loin des tentations de la capitale, près des sources du grand fleuve égyptien.

En quête du paradis perdu, mais aux portes de l'enfer, l'auteure a choisi ce microcosme pour revisiter les prémices de la tragédie rwandaise.

Les lycéennes sont vite encerclées par les nervis du pouvoir hutu et la romancière décrit le poison distillé peu à peu dans les esprits de ces filles de militaires, de diplomates ou d'hommes d'affaires. Seules 10% des élèves sont tutsis, quotas obligent.

Elle dénonce aussi, dans ce huis clos à l'écriture lumineuse, l'impassibilité des religieux belges et professeurs français.

La romancière a elle-même fréquenté dans sa jeunesse une institution religieuse. Elle est l'une des seules de sa famille à avoir fait des études.

Scholastique Mukasonga est le cinquième écrivain originaire du continent noir à recevoir le Renaudot après Yambo Ouologuem (Mali) pour Le devoir de violence en 1968, Ahmadou Kourouma (Côte d'Ivoire) pour Allah n'est pas obligé en 2000, Alain Mabanckou (franco-congolais) pour Mémoires de porc-épic en 2006 et Tierno Monénembo (Guinée) pour Le roi de Kahel en 2008.

Le sacre de Notre-Dame du Nil n'était pas prémédité: «rien n'était préparé», a assuré Franz-Olivier Giesbert, l'un des jurés du Renaudot.

«On tournait en rond. Il n'y a jamais eu un tel blocage et puis, soudain, emballement général» pour ce livre.

En fait, c'est un autre juré, le Nobel de littérature J. M. G Le Clézio, qui a lâché son nom, raconte Giesbert.

«Le Clézio est attentif à ce qui vient d'ailleurs», a ajouté le président du jury Georges-Olivier Châteaureynaud selon qui ce roman contraste avec «une littérature trop hexagonale».

En 2006, Scholastique Mukasonga écrit un premier récit autobiographique, Inyenci ou les Cafards, puis en 2008 La femme aux pieds nus, un hommage à sa mère. – AfricaLog avec agence