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Ahmed Sékou Touré: du rêve au cauchemar

May 24, 2010

Il ya deux ans que la Guinée a fêté ses 50 ans d’indépendance dans un contexte social, politique et économique difficile, caractérisé par un désenchantement total. Après avoir navigué dans un particularisme politique aveugle durant les 5 premières décennies de sa souveraineté, la Guinée se prépare à organiser la première élection présidentielle libre de son histoire le 27 Juin 2010.

Le passé de ce pays est intéressant dans la mesure où, la Guinée, fut sous le guide du charismatique leader du PDG-RDA Ahmed Sékou Touré la première colonie Française en Afrique noire à se départir de la domination étrangère, en rejetant majoritairement le 28 Septembre 1958 le projet de referendum sur la communauté Française prônée par le Général Charles De Gaulle.
Sékou Touré, premier président de la Guinée est né à Faranah en Haute Guinée le 9 Janvier 1922, d’ethnie malinké. D’après Ibrahima Baba Kaké auteur du célèbre: Sékou Touré le Héros et le Tyran « Le syndicalisme, où Sékou Touré se forme à la fois comme homme et comme chef s’avère un excellent moyen pour s’assurer le contrôle des masses et devenir l’émule à la fois de l’intellectuel Léopold Sédar Senghor et du tacticien Gabriel d’Arboussier du Sénégal ou du notable Houphouët-Boigny de la Côte-d’Ivoire ».

Ayant connu de véritables succès dans le mouvement syndical, devenant secrétaire général de l’Union Générale des Travailleurs de l’Afrique Noire (UGTAN), le jeune Sékou Touré participa à la création du Rassemblement Démocratique Africain à Bamako en 1946 avant de devenir l’homme fort du PDG, la section guinéenne du RDA.

En 1951 après avoir échoué à la députation face à Yacine Diallo et Mamba Sano, Sékou Touré réussira quelques années plutard à se faire élire conseiller territorial de Beyla, commencant ainsi son ascension sur la scène politique.

Sékou Touré et Saifoulaye Diallo du PDG furent élus députés à l’assemblée nationale Française en 1956, remportant les deux sièges sur trois réservés à la Guinée, rejoignant Barry Diawadou du Bloc Africain de Guinée. Profitant des avantages qu’offrait la Loi-Cadre de Gaston Defferre, Sékou Touré œuvra inlassablement a l’implantation du PDG partout en Guinée.

A la veille du referendum, Sékou Touré mena une campagne effrénée de sensibilisation pour défendre les positions de son parti. Il invita son peuple à choisir l’indépendance en disant: NON de manière catégorique à tout aménagement du régime colonial et à tout esprit paternaliste pour ainsi sauver dans le temps et dans l'espace les engagements qui seront conclus par la nouvelle Communauté Franco-Africaine.

En dehors de tout sentiment de révolte, Sékou Touré indiqua que nous sommes des participants résolus et conscients à une évolution politique en Afrique Noire, condition essentielle à la reconversion de tout l'acquis colonial vers et pour les populations africaines.
Le 28 septembre 1958 la Guinée fut la seule colonie française à choisir le NON, lui permettant de déclarer son indépendance le 2 octobre de la même année.

Cependant le chemin depuis l’accession à l’indépendance jusqu’à nos jours a été long et fut marqué par des faits historiques, des hauts et des bas impactant indélébilement le destin de ce peuple. La Guinée était un véritable exemple et un symbole de l’Afrique libre à la fin des années 50. Le charme, la détermination et l’ardeur de la jeune classe politique de l’époque forgèrent partout l’admiration des peuples assimilés qui cherchaient a recouvrer la liberté perdue.

Une fois l’indépendance acquise ou accordée dans des conditions particulières, la France et la Guinée s’éloignèrent l’une de l’autre. Sékou Touré se tourna vers l’est et instaura sa révolution à lui. Commença alors une véritable descente aux enfers pour les guinéens découvrant les intentions et le véritable sens du discours du 25 Aout 1958, que Sékou Touré prononça devant le Général Charles de Gaulle, déclarant que la Guinée préfère la liberté dans la pauvreté qu’à l’opulence dans l’esclavage.

Après l’indépendance, la Guinée perdit sa liberté et fut plongée dans la dictature, dans la soumission au parti unique, l’exploitation, les abus de toute sorte; tandis que l’opulence qui, logiquement émane de toute libération s’éloignait à grands pas. Certes le choix du peuple de Guinée n’était pas d’être pauvre dans la liberté, mais libre de toute emprise pour créer les bases et les conditions de l’opulence dans la dignité retrouvée.

Le rêve et l’espoir se transformèrent en cauchemar et en désespoir. Le peuple devint victime d’une nouvelle forme de domination, prisonnier et outil de manipulation au service d’un homme qui, pourtant était aimé et admiré à cause de ses convictions politiques prônant la liberté, la démocratie pour la dignité et la grandeur de l’Afrique. L’espoir de voir un pays Africain, affranchi du joug colonial, prenant son propre destin en main fut un échec pour la jeune nation guinéenne.

Beaucoup d’historiens et d’analystes pointent le doigt sur la classe politique de l’époque notamment sur ses principaux leaders tels que Ibrahima Barry III du mouvement socialiste Guinéen et Barry Diawadou du bloc Africain de Guinée pour avoir pactisé avec le PDG-RDA de Sékou Touré. En acceptant de faire front commun pour privilégier le NON au referendum, abandonnant ainsi leur position en faveur du OUI, ils donnèrent l’opportunité à Sékou Touré et à sa formation politique d’asseoir leur mainmise sur l’échiquier politique national. C’était la mort de l’opposition et la naissance du parti unique ou Parti-Etat sous le contrôle de Sékou Touré qui se fera appeler Responsable Suprême de la Révolution.

Des complots étaient fabriqués et mis sur le dos de tous ceux qui étaient considérés gênants et ambitieux que le régime dictatorial décrivait comme des agents de la cinquième colonne, de l’impérialisme ou du néo colonialisme à la solde de la France et autres puissances occidentales voulant s’emparer des énormes richesses naturelles du pays.

La Guinée devenait une prison et une terre invivable pour ses citoyens. Des milliers de personnes sentant une constante menace d’arrestation, d’harcèlement et de mort prirent le chemin de l’exil vers la Côte d’ivoire, le Sénégal, la France…les moins chanceux furent arrêtes ou exécutés sans jugement équitable et la guerre déclarée contre les Peulhs.

Une politique économique basée sur le Marxisme-léninisme fut mise en place, l’éducation fut reformée, l’armée neutralisée au profit de la milice populaire. Le peuple malgré la souffrance et la soumission chantait les louanges de Sékou Touré qui, seul détenait en main la destinée de millions d’âmes.

Le Malheur de la Guinée vient de son leadership qui n’a pas été à la hauteur de la tache et a jeté le pays dans la désolation et le désespoir. Une élite qui s’est laissée faire, tombant dans le piège tendu par le démon; sinon comment expliquer le retour au pays d’un Diallo Telli pour finir dans les geôles du camp Boiro? Par patriotisme ou pure naïveté sachant la situation qui prévalait dans son pays? Une valeur sure de l’intelligentsia Africaine post coloniale réduite au silence eternel tout comme de milliers d’autres cadres valeureux et patriotes dont l’apport au développement national était plus que nécessaire.

A sa mort le 26 mars 1984 après 26 ans de règne sans partage, Sékou Touré laissa derrière lui un pays fantôme, vide de ses élites, profondément endoctriné et perdu dans un paysage d’incertitudes. – AfricaLog

 

 

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