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Chantal Biya: La présidente de l'ombre

Feb 11, 2010

Le souvenir que des Camerounais gardent de Germaine Ahidjo, l'épouse du premier président de la République du Cameroun, c'est celui d'une femme ravissante et gracieuse, très discrète et généralement en retrait de la scène politique nationale. Celui qu'ils ont de Jeanne Irène Biya, la première épouse décédée de l'actuel président de la République, c'est surtout celui d'une femme digne et silencieuse, menant sa vie dans la douceur et l'humilité de ses actions sociales. 

Germaine Ahidjo et Jeanne Irène Biya étaient appréciées pour la douceur, le raffinement et le charme de leur mise. L'extravagance vestimentaire et les couleurs vives adoptées par "la première dame" actuelle occupent des soirées entières de conversations. Donner à voir symptomatique d'une épouse de président de la République omniprésente sur les devants de la scène. Pas forcément à la manière de l'engagement politique et intellectuel d'une Hillary Clinton par exemple. Mais suffisamment catalyseur de soupçons d'un appétit prononcé pour le miel du pouvoir. 

Chantal Biya qu'on apprécie, loue et redoute selon les cas, passe pour être, à elle toute seule, un véritable pôle de concentration du pouvoir. Une anti-chambre du Nirvana présidentiel interférant directement sur la gestion des affaires publiques. Progressivement, la "première dame" a réussi ainsi à mettre en place un système dynamique d'exercice réel du pouvoir, avec des hommes dévoués, un cabinet organisé, des moyens subséquents, le même temps d'antenne et les même égards que son président d'époux dans les médias de service public. Lorsque décision est prise de décharger Martin Bélinga Eboutou de la direction du protocole d'Etat, une partie de l'opinion y voit le fait de cette machine huilée à laquelle rien ne résiste. 

Le sous-préfet de Meyomessala (arrondissement d'origine du président de la République) est-il limogé par un acte réglementaire du chef de l'Etat ? Son épouse va exiger et obtenir qu'il ne bouge point. Une partie de la presse va se montrer préoccupée. Au sommet de l'Etat, le fait n'émeut personne et le fonctionnaire garde son poste ! Là-bas, en ces cieux où il est désormais établi qu'il faut se coucher lorsque la "première dame" souffle, on s'est fait une religion de cette vigoureuse épouse qui n'a pas eu besoin d'être investie de quelque légitimité pour exercer le pouvoir dans les faits. A l'occasion de l'inauguration de plate-formes informatiques dans des lycées de la capitale, la plaquette officielle est éditée avec le portrait de la "S.E Mme la première dame" côtoyant celui du président de la République. 

Les mauvaises langues concluront à un bicéphalisme de fait à la tête de l'Etat. D'autant plus que de "première dame" ou "First lady", l'épouse du président de la République a gravi les échelons. Dans les médias de service public et dans les cercles du pouvoir, elle ne reçoit rien qui soit en-dessous du "Son Excellence" ou de "Madame la présidente" désormais prononcé par tous les membres du gouvernement. C'est vrai que le label porte les marques de l'intelligence de certains hauts dignitaires du régime. Les ministres Joseph Owona et Bidoung Mkpatt aux premières lignes qui, bons observateurs, ont dû être confortés dans la démarche par un faisceau de faits qui forcent les conclusions. 

Au cÅ“ur du Centre hospitalier universitaire (Chu), une institution publique, l'incontournable Fondation Chantal Biya (une entreprise privée) a pris ses quartiers. Inaugurée en grande pompe par la "première dame" qu'accompagnaient d'autres consÅ“urs africaines à l'occasion du sommet de Synergie africaines, le siège de la fondation a eu droit à son lot de commentaires, bénéficiant même d'un rapprochement avec les humeurs nées à l'idée, il y a quelques années, de venir l'installer dans un Hôpital Central de Yaoundé où on avait jusque-là plutôt l'habitude du Pavillon Jeanne Irène Biya, l'illustre prédécesseur. 

Une fondation présidée par une ancienne ministre, présidente par ailleurs de l'organe des femmes du Rdpc (le parti au pouvoir), Yaou Aïssatou, dont on n'a pas le souvenir qu'elle ait démissionnée de la fonction publique. Et dont le Secrétariat permanent est tenu par Jean Stéphane Biatcha, révoqué du protocole de l'Etat et rendu à son administration d'origine avant cette reconnaissance suprême. Deux personnages ayant en charge la gestion d'une importante machine (politique, sociale et financière) qui compte de jolis hôpitaux, centres et actions financés sur des fonds qui gardent toujours le mystère de leurs origines. Une fondation à laquelle le très bouillonnant et brouillant Cercle des amis du Cameroun (Cerac) donne de la voix. Avec ces masses de femmes (et d'hommes) dont le mode de fonctionnement est fort comparable à celui d'un parti politique. Avec ses trafics d'influence et l'activisme qui y est pratiqué. – AfricaLog / Mutations

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