D'un côté, une princesse qui parle aux anges, de l'autre, un chaman - autoproclamé - américain qui vend des médaillons prétendument salvateurs hors de prix: tous deux forment un couple atypique qui peine à envoûter la Norvège.
Fille aînée du couple royal norvégien, Märtha Louise, 51 ans, a décidé de refaire sa vie avec Durek Verrett, un guide spirituel en vogue à Hollywood, de quatre ans son cadet.
Avec la bénédiction du roi Harald, la princesse et celui qui l'a séduite ont annoncé leurs fiançailles en juin. Mais la romance passe mal dans le royaume.
En cause: les déclarations de Durek Verrett qui se présente comme un "chaman de sixième génération" avec, au nombre de ses adeptes, des stars comme Gwyneth Paltrow et Antonio Banderas.
Visage glabre et crâne rasé, l'Afro-Américain laisse entendre dans son livre "Spirit hacking" que le cancer est un choix, propose des exercices pour gommer "l'empreinte" vaginale des femmes ayant eu de multiples partenaires sexuels, et vend pour 222 dollars un médaillon, le "Spirit Optimizer", qui l'aurait aidé à surmonter le Covid.
De quoi faire sourciller dans une société norvégienne peu portée sur les croyances et les superstitions.
"C'est un imposteur, un charlatan et un escroc", estime le chroniqueur et écrivain humoriste, Dagfinn Nordbø.
S'il assure comprendre que ses positions puissent désarçonner, le chaman s'estime aussi et surtout victime de racisme - dans un écho au traitement dont l'actrice Meghan Markle s'était dite victime au sein de la famille royale britannique.
"Des gens blancs nous écrivent toute cette haine et ces menaces de mort (...) parce qu'ils ne veulent pas d'un homme noir dans la famille royale", affirmait-il dans une intervention sur Instagram le 9 juin.
A ses côtés, Märtha Louise confiait avoir été "vraiment choquée" de voir "de première main comment (...) les personnes de couleur sont traitées".
L'ex-maire conservateur d'Oslo, Fabian Stang, compte parmi les rares voix à se porter à la rescousse du couple.
"Beaucoup pensent comme moi que vendre des médaillons qui apportent la santé, ça dépasse les limites (...) mais il est étrange que tant de ceux qui haïssent Durek n'avaient rien contre l'homme de Snåsa", un célèbre guérisseur du cru mort en 2021, a-t-il écrit sur Facebook.
"Ne devrions-nous pas en 2022 pouvoir accueillir Durek les bras grands ouverts et l'inviter à un débat pointu sur les limites entre la science et le bluff?", concluait-il.
Mais sur le fond, rien n'y fait: plusieurs associations de professionnels de la santé ont décidé de se passer du patronage de la princesse à cause du penchant prononcé de l'élu de son coeur pour les médecines alternatives.
Si ce n'est pas dans l'ADN national de réclamer une rupture des fiançailles, plus de la moitié des Norvégiens souhaitent que Märtha Louise renonce à son titre de princesse, selon de récents sondages.
Quatrième dans l'ordre de succession - la règle de la primogéniture, sans distinction de sexe, n'était pas encore en vigueur à sa naissance -, la quinquagénaire avait fait une croix en 2002 sur le prédicat d'"Altesse royale" et s'était engagée en 2019 à ne plus utiliser sa qualité de princesse à des fins commerciales.
Elle-même est coutumière des polémiques puisque cette tenante des thérapies alternatives prétend pouvoir communiquer avec les anges, don qu'elle a essayé de partager - et monétiser - à travers des cours et des livres.
Son premier époux, Ari Behn, était un écrivain haut en couleurs qui détonait déjà au sein de la famille royale et avec qui elle a eu trois filles. Il s'est suicidé en 2019, trois ans après leur divorce.
"La famille royale doit être rassembleuse et donc à l'abri des controverses. Le problème, c'est que Märtha Louise et Durek Verrett sont tout le contraire: controversés et clivants avec une suspicion de charlatanisme", décrypte l'historien Trond Norén Isaksen.
"La plupart des Norvégiens déplorent qu'on puisse gagner de l'argent avec ce qu'ils estiment être des foutaises estampillées d'un cachet de princesse", dit-il.
Selon la presse people, le roi Harald, Märtha Louise et son frère, le prince héritier Haakon, auraient tenu des "réunions de crise" pour réfléchir à l'opportunité que la princesse conserve son titre.
Pour l'heure, le souverain s'est très peu exprimé sur son futur gendre, évoquant juste une "collision culturelle".
"Quelque chose doit être fait", souligne M. Norén Isaksen. "Le couple royal doit concilier deux impératifs, celui de parents qui veulent voir leurs enfants vivre heureux et celui lié à la tâche dont ils sont investis, à savoir protéger la couronne pour qu'elle continue de briller pendant encore mille ans”. - AfricaLog avec agence