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L'ananas ivoirien en crise et supplanté par l'Amérique latine

May 12, 2009

Autrefois leader sur le marché européen, son principal débouché, la filière ananas de Côte d'Ivoire traverse une crise profonde qui s'est traduite par une chute de 70% de sa production, et elle se trouve désormais supplantée par ses concurrents latino-américains.

Entre 1999 et 2008, la production ivoirienne d'ananas a connu une baisse vertigineuse, passant de 216.000 à 60.000 tonnes, selon l'Organisation centrale des producteurs-exportateurs d'ananas et de bananes (OCAB), principale structure de gestion de la filière.

"Pour n'avoir pas su réagir face à la concurrence des pays d'Amérique latine, la Côte d'Ivoire est devenue aujourd'hui le deuxième fournisseur de l'Europe", affirme à l'AFP Laurent Delangle, important planteur d'ananas installé à Aboisso (90 km à l'est d'Abidjan) et haut responsable de l'OCAB.

"La part ivoirienne sur le marché européen est passée de plus de 80% en 1999 à moins de 10% aujourd'hui, loin derrière le Costa Rica (80% actuellement)", déplore-t-il.

Depuis 2002, l'ananas du Costa Rica issu de la nouvelle variété "MD2", plus douce et moins acide, a séduit les consommateurs européens et fait subir "une impitoyable concurrence" aux ananas "Cayelle-lisse" de Côte d'Ivoire, selon un spécialiste de la filière.

Paradoxe, la descente aux enfers de l'un des principaux fruits ivoiriens a coïncidé avec "la hausse de la consommation en Europe, qui est passée de 200.000 tonnes à 800.000 tonnes avec l'Europe des 25", explique le Français Jacques Daudet, producteur installé dans le pays depuis trois décennies.

L'organisation de la filière ivoirienne, très dépendante des importateurs qui préfinançaient la récolte, a également contribué à la chute de la production.

Les quelque 30.000 petits planteurs, qui cultivent l'ananas dans le sud forestier, exportent par l'intermédiaire de coopératives vers l'Europe. Là-bas, les clients décident des prix à payer aux producteurs.

"Ce système qui n'est basé sur aucun contrat ferme a contribué à dévaloriser le produit, poussant de nombreux planteurs à se détourner de la culture", pointe Emile Nanga, producteur à Agboville, près d'Abidjan.

"Les planteurs se désintéressent de plus en plus de l'ananas au profit de l'hévéa et du palmier à huile", confirme Stéphane Niamkey, cultivateur à Bonoua (sud-est), la "cité de l'ananas".

Face à cette crise, l'OCAB veut mettre en oeuvre un "changement qui prend en compte les intérêts des petits planteurs", indique Michel Gnui, propulsé récemment à la tête de l'organisation, une décision contestée en justice par son prédécesseur.

"Nous allons chercher des financements pour leur fournir à des prix très bas de nouvelles variétés" et reconquérir le terrain perdu, souligne-t-il.

Pour M. Gnui, il y a urgence: "La Côte d'Ivoire s'est un peu +regardé le nombril+, depuis l'époque où elle était leader. Si elle s'était remise en question à temps, on n'en serait pas là aujourd'hui". - AFP