Le président guinéen Alpha Condé a annoncé vendredi soir un "report léger" de la date du référendum sur une nouvelle Constitution et des législatives qui devaient se dérouler dimanche, après des mois de protestations meurtrières contre ce que l'opposition considère comme une manœuvre pour rester au pouvoir.
"C'est par responsabilité nationale et sous-régionale que nous avons accepté un report, léger, de la date des élections", a dit M. Condé dans une intervention inopinée à la télévision nationale.
"Nous devons toujours rester dans le cadre de la Cédéao (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest) et de l'Union africaine", a-t-il expliqué.
"Ce n'est ni une capitulation, ni une reculade", a ajouté M. Condé, assurant que "le peuple de Guinée exprimera librement son choix à travers le référendum et choisira librement ses députés", sans fixer de nouvelle date.
Avant ce report surprise, les Guinéens étaient appelés à se prononcer dimanche sur une nouvelle Constitution, défendue comme "moderne" par le chef de l'Etat. Elle codifierait l'égalité des sexes, interdirait la circoncision féminine et le mariage des mineurs. Elle veillerait à une plus juste répartition des richesses en faveur des jeunes et des pauvres, selon lui.
L'opposition n'en croit pas un mot. Pour elle, le projet est le subterfuge d'un ancien opposant historique devenu, à bientôt 82 ans, un autocrate qui, comme bien d'autres dirigeants africains avant lui, entend plier la Constitution à son désir de briguer un troisième mandat à la fin de l'année quand celui en cours aura expiré.
Depuis mi-octobre, la mobilisation contre M. Condé donne lieu à des manifestations massives, à des journées villes mortes qui impactent l'économie d'un des pays les plus pauvres de la planète et à de graves épisodes de brutalité policière.
Au moins 30 civils et un gendarme ont été tués depuis lors.
Ces tensions, les appels de l'opposition à non seulement boycotter mais empêcher le déroulement du référendum et des législatives qui étaient également prévues pour dimanche, ainsi que les attaques des derniers jours contre des bureaux ou du matériel de vote, ont amplifié les craintes d'accès de violence dans un pays coutumier des manifestations et des répressions brutales.
L'armée a été mise en état d'alerte dès mardi. Pure précaution selon les autorités.
Des années d'animosité politique, les soupçons pesant sur le vote, de même que le maintien envers et contre tout de ce rendez-vous malgré le boycott et les appels de la communauté internationale à tout faire pour associer l'opposition, ont laissé la place à une campagne très éloignée d'un exercice démocratique apaisé.
Les signes tangibles de cette campagne étaient rares cette semaine dans la capitale Conakry. Des panneaux portant des slogans tels que "oui à l'égalité" ou "oui à l'investissement dans la jeunesse" surplombent les artères encombrées de voitures. Mais peu ou pas de rassemblements publics en vue.
Le projet de Constitution limite à deux le nombre des mandats présidentiels. Le chef de l'Etat sortant en a déjà deux au compteur. Sauf, redoute l'opposition, que l'adoption d'une nouvelle Constitution lui permettrait de remettre ce compteur à zéro.
"Qu'y a-t-il de mal à ça ?", demande Sékou Condé, un cadre du parti présidentiel. La plupart des Guinéens veulent que le président Condé reste pour développer le pays, assurait-il. - AfricaLog avec agence