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Le coup d’Etat au niger, défi aux tripatouilleurs du continent

Feb 22, 2010

Depuis le 18 fĂ©vrier 2010, le Niger vit son 4e coup d’Etat : 1974 avec le gĂ©nĂ©ral Seni KountchĂ©, 1996 avec le gĂ©nĂ©ral Ibrahim BarĂ© MaĂŻnassara, 1999 avec le commandant Daouda Malam WankĂ©, et le dernier en date avec le commandant Salou Djibo, qui est l’homme fort du Conseil suprĂŞme pour la restauration de la dĂ©mocratie (CSRD), l’organe qui exerce le pouvoir d’Etat.

Ce putsch intervient après des mois de tensions consĂ©cutives au refus d’un homme de se plier aux lois de son pays : Mamadou Tandja. Celui-lĂ  mĂŞme que ses compatriotes appelaient le « militaire civilisĂ© Â» a Ă©tĂ© Ă©lu en novembre 1999 puis rĂ©Ă©lu en dĂ©cembre 2004.

Après avoir promis à Sarkozy, le 22 mars 2009, de ne pas rempiler au terme de son mandat (décembre 2009), cela rappelle une autre promesse faite par Eyadema à Chirac en 2003, le colonel Tandja se parjurera par un référendum le 4 août 2009 et commettra d’autres forfaitures pour s’accrocher au trône. En mettant fin à cette ambition de présidence à vie, le commandant Salou Djibo et ses compagnons d’armes ont fait œuvre de salubrité politique comme nous l’écrivons dans notre éditorial du 19 février 2010. (Lire A la loupe de l’Obs.)

Au lendemain de ce pronunciamiento, force est de reconnaître que le CSRD jouit d’un préjugé favorable et bénéficie d’un délai de grâce de la part des Nigériens excédés par les foucades politiques de l’enfant terrible de Difa. En témoignent les marches de soutien des populations dès le lendemain de l’avènement de la junte.

Certes l’UA, la CEDEAO et la communauté internationale ont condamné ce contre-coup d’Etat, mais c’est plus par principe, car le pouvoir déchu était hors-jeu au regard de la légalité. D’ailleurs, diplomates et analystes politiques estiment que cette transition militaire pourrait ouvrir rapidement la voie à des élections, reportées par l’impopulaire réforme constitutionnelle de Tandja. En tout cas les putschistes l’ont promis deux jours après leur arrivée au pouvoir.

Donnons-leur un peu de temps tout en Ă©grenant une petite liste, non exhaustive, des pays qui ont reprofilĂ© leur constitution au grĂ© de la volontĂ© de leur dirigent :
 au Gabon, au Togo et au Tchad, les dĂ©funts Omar Bongo Ondimba, EyadĂ©ma et le prĂ©sident Idriss DĂ©by ont promis plusieurs fois de s’effacer, mais seule la grande faucheuse a arrĂŞtĂ© les deux premiers, tandis que le 3e, lui, est toujours aux commandes du Tchad ;
 en CĂ´te d’Ivoire, Robert Guei, en sauveur de NoĂ«l en 1999 a fini de balayer la maison ivoirienne et a voulu s’y installer dĂ©finitivement ;
 en GuinĂ©e Dadis Camara, après moult promesses de ne pas s’éterniser au camp Alpha-Yaya, a finalement Ă©tĂ© frappĂ© d’amnĂ©sie, et n’eĂ»t Ă©tĂ© la balle de son aide de camp, il se serait incrustĂ© au pouvoir ad vitam aeternam ;
 au Burkina Faso, Blaise CompaorĂ© aurait dĂ» quitter son fauteuil en 2005 au terme d’un double septennat. Mais voilĂ  qu’en 1997, la limitation Ă  deux mandats a Ă©tĂ© effacĂ©e de l’article 37.

Trois ans après, le mĂŞme article a Ă©tĂ© de nouveau remodelĂ©, et dĂ©sormais le prĂ©sident du Faso a Ă©tĂ© Ă©lu pour 5 ans et rĂ©Ă©ligible une fois. L’enfant terrible de ZiniarĂ© peut donc prolonger son bail Ă  Kosyam jusqu’en 2015. Et après ? Normalement, il ne le peut plus après cette date. A moins que... On entend dĂ©jĂ  de nombreux zĂ©lateurs prĂŞts Ă  charcuter Ă  la hache ou au scalpel notre Loi fondamentale sous le prĂ©texte que nos « Etats sont jeunes et nos dĂ©mocraties encore fragiles... Â» ; argument spĂ©cieux s’il en est, car renforcement de l’Etat de droit et de la dĂ©mocratie ne signifie aucunement immobilisme politique.

Celui qui est considĂ©rĂ© historiquement comme l’ancĂŞtre des constitutionnalistes, Ă  savoir Solon(1), Ă  qui des citoyens demandèrent un jour : « Dites-nous quelle est la meilleure constitution ? Â», rĂ©pondit : « Dites-moi pour quel peuple et Ă  quelle Ă©poque Â». Plus tard, Aristote disait que « les gouvernants doivent se donner une Loi pour ne pas tyranniser les gouvernĂ©s, car ils sont appelĂ©s, eux aussi, Ă  ...obĂ©ir un jour Â» (2).

Notre contemporain Maurice GlĂ©lĂ©, (3) professeur de droit Ă  Paris I PanthĂ©on Sorbonne, lors d’une confĂ©rence Ă  Cotonou sur le thème « Une constitution pourquoi faire ? Â», a soulignĂ© le peu de respect qu’ont les dirigeants africains pour les constitutions et les consĂ©quences qui en dĂ©coulaient.

Cet Ă©nième coup d’Etat sonne donc comme un avis de grosse tempĂŞte sur les tripatouilleurs professionnels. Lorsqu’une population est « ras-le-bolisĂ©e Â» par l’impĂ©ritie et les pirouettes politiques des dirigeants, lorsque les opposants et les syndicats battent le macadam jusqu’à user les semelles et mĂŞme jusqu’à avoir des cors aux pieds sans ĂŞtre entendus, seuls les bruits de bottes peuvent sortir ces dirigeants de leur surditĂ©. HĂ©las le fusil Ă©tant plus bruyant et dissuasif que l’urne en Afrique.

Une Constitution qui circonscrit toute destinée présidentielle à 2 ou 3 mandats doit être ABSOLUMENT respectée quand bien même on aurait mille chantiers à terminer, car on sait que, passé un certain temps au pouvoir, la sclérose s’installe. Mais comme l’histoire n’a jamais servi de leçon aux hommes...; L’observateur Paalga

Notes (1) Solon, sage et philosophe de l’antiquité grecque, a été chargé de rédiger la première constitution grecque

(2) Aristote in Politique, Livre III

(3) Maurice Glélé, président de la commission constitutionnelle du Bénin

 

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