Les forces de l'ordre ont dispersé mardi à Lomé une manifestation interdite de l'opposition togolaise, qui entendait contester dans la rue la réélection du président sortant Faure Gnassingbé mais n'a pu mobiliser que quelques centaines de personnes.
Par ailleurs, 11 personnes ont été interpellées dans la matinée et des ordinateurs saisis dans un bureau du principal parti de lopposition, lUnion des forces du changement (UFC).
"Les forces de lordre ont attaqué notre centre de traitement informatique pour prendre nos données, puisque nous avions dit que nous allions communiquer dans les 24 ou 48 heures les preuves de fraudes dont nous disposions", a déclaré à lAFP le secrétaire national à la communication de lUFC, Eric Dupuy.
"Ils ont saisi les ordinateurs, les fichiers, les procès verbaux et ont arrêté onze techniciens et cadres du parti. Ils veulent ainsi nous empêcher de prouver que la victoire de Faure Gnassingbé est bâtie sur des fraudes avérées", a affirmé M. Dupuy.
Le colonel Yark Damehame, commandant de la Force sécurité élection présidentielle (Fosep), a confirmé à lAFP ces arrestations et saisies. Interrogé sur le motif de ces arrestations, il a répondu qu'il s'agissait d'empêcher "la manipulation de résultats". "Cest suspect ce quils sont en train de faire", a-t-il dit.
Des membres de la mission dobservation électorale de lUnion européenne ont indiqué à lAFP quils étaient présents au moment des arrestations et de la saisie du matériel. Ils nont pas immédiatement fait de commentaires.
LUFC et trois petits partis de lopposition avaient appelé la population à protester contre les résultats "frauduleux" du 4 mars, donnant une large victoire au chef de l'Etat sortant Faure Gnassingbé sur son principal rival Jean-Pierre Fabre (60,92% des voix contre 33,94%).
La Force spéciale élection présidentielle (Fosep, comprenant au total 6.000 gendarmes et policiers) avait déployé, dès 7H00 du matin, des hommes un peu partout dans le quartier populaire de la capitale où était prévu le rassemblement.
Quelque 400 personnes, des jeunes pour la plupart, ont répondu à l'appel de l'opposition.
"Nous voulons changement, nous voulons nouveau président", ont entonné les manifestants, bras levés, sous le regard de quelques observateurs de l'ONU et de lUnion européenne.
Les policiers et gendarmes ont alors avancé vers eux en ligne, tapant avec leur matraque sur leur bouclier et lançant de temps en temps des grenades lacrymogènes. Certains manifestants leur ont jeté des morceaux de brique mais la très grande majorité se sont simplement repliés en courant dans les ruelles adjacentes.
"Ils disent quon veut casser, détruire, mais non, on crie seulement que le pays nest pas un royaume ni un héritage!", expliquait Agbegnaglo, 22 ans.
Faure Gnassingbé est le fils du général Gnassingbé Eyadéma, qui régna sans partage sur le pays pendant 38 ans (1967-2005). Lundi, le gouvernement avait fait savoir que la marche et le meeting prévus par lUFC n'étaient pas autorisés, affirmant que "les manifestations sur la voie publique ne peuvent être organisées les jours ouvrables parce qu'elles perturbent l'activité". Sur les lieux de la manifestation, les journalistes de lAFP nont pas aperçu M. Fabre qui a ensuite déclaré: "Dès que je suis arrivé en voiture, les jeunes étaient nombreux autour du véhicule. La Fosep commençait à tirer des gaz lacrymogènes, les jeunes couraient dans tous les sens. Nous sommes repartis". En milieu de matinée, son directeur de campagne, Patrick Lawson, a annoncé à la presse quune "nouvelle marche" serait organisée samedi prochain, "suivie dun meeting à la place de lIndépendance". Affirmant à nouveau que M. Fabre était le véritable "président élu", M. Lawson a assuré que celui-ci "nommera bientôt un Premier ministre qui entamera des discussions pour la mise en place dun gouvernement". L'UFC appelle à "la résistance" depuis lannonce de la réélection de Faure Gnassingbé mais peine à mobiliser son électorat, pourtant largement majoritaire dans la capitale. "Ce sont les plus téméraires qui sortent dans les rues, on a peur de se faire massacrer comme en 2005", assurait mardi Akouavi, une chômeuse de 35 ans. Les violences post-électorales davril 2005, après l'accession au pouvoir de Faure Gnassingbé, avait fait entre 400 et 500 morts selon lONU. Le président sortant a reçu l'appui de l'Union africaine (UA), qui a confirmé sa réélection et appelé l'opposition au calme "Les observateurs de lUA ont indiqué que globalement, daprès leurs observations, le scrutin sest déroulé de manière libre et transparente", malgré des plaintes "concernant lauthentification des bulletins de vote et la centralisation des résultats", a déclaré l'organisation panafricaine. - AFP |