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La présence de putschistes en question au sommet Afrique-France

Jun 01, 2010

Parmi les dirigeants africains, plusieurs sont issus de coups d'Etats, d'autres ont été élus avec des scores excessivement élevés: leur présence au sommet Afrique-France n'étonne personne, mais, et c'est nouveau, elle peut désormais être mise en cause par leurs pairs.

A l'honneur du 25e sommet franco-africain, présenté comme celui du renouveau et de la rupture avec les vieux réseaux d'influence post-coloniaux, le président sud-africain Jacob Zuma a jeté lundi un pavé dans la mare.

Interrogé sur la présence des chefs des juntes de Guinée et du Niger par la chaîne de télévision France 24, il a déclaré: "Nous souhaiterions que ces gens n'aient pas cette reconnaissance, parce que s'ils sont reconnus ici au même niveau pratiquement que les autres chefs d'Etat, cela pose un problème pour l'Afrique".

Le général Salou Djibo a pris la tête du Niger après avoir renversé, le 18 février, le président Mamadou Tandja, demeuré au pouvoir à l'issue d'une modification contestée de la Constitution. Quant au général guinéen Sékouba Konate, il a participé à un coup d'Etat fin 2008 et assume la présidence de son pays depuis l'automne dernier.

Ces deux militaires, qui foulent aujourd'hui les tapis rouges du Palais de l'Acropolis, siège du sommet de Nice (sud-est), et résident dans les hôtels somptueux de la Côte d'Azur, ne figuraient pas à l'origine sur la liste des invités. Après des "hésitations", ils ont finalement reçu un bristol, l'Elysée estimant qu'ils avaient donné des "garanties".

Interrogée lundi sur la déclaration du président sud-africain, la présidence française a rappelé que ces dirigeants avaient "adopté un calendrier électoral et engagé une transition dans un cadre consensuel". "On a donc considéré qu'il n'y avait aucune raison de ne pas les inviter", a-t-on ajouté.
En revanche, Paris n'a pas convié Madagascar, en pleine crise et sans perspective de déblocage rapide, ni les bannis de la communauté internationale, le Soudanais Omar el-Béchir et le Zimbabwéen Robert Mugabe.

Pour Jacob Zuma cependant, la présence de la Guinée et du Niger "encourage les militaires à renverser les dirigeants en place" et "les inviter signifie une reconnaissance". "C'est ainsi que c'est interprété sur le continent", a-t-il fait valoir.

"Ils ne devraient pas pouvoir entreprendre des coups d'Etat. C'est contre la culture démocratique que nous essayons de promouvoir en Afrique", a ajouté le chef d'Etat sud-africain, invité d'honneur d'un déjeuner offert par le président français Nicolas Sarkozy.
Pour les organisations de défense des droits de l'Homme, les deux putschistes en question sont loin d'être à Nice les seules personnalités à ne pas être au-dessus de tout soupçon.

"Prenons simplement l'exemple de l'Egypte, dont le président (Hosni Moubarak) co-préside le sommet: ce pays vit sous état d'urgence depuis des décennies et son président se fait élire avec des scores communistes", relève Reed Brody, de l'organisation Human Rights Watch (HRW).
"Parmi les invités, il y a d'anciens putschistes et chefs de guerre, comme les piliers de la Françafrique que sont le Centrafricain (François Bozizé) ou le Congolais (Denis Sassou Nguesso). Et d'autres qui se maintiennent au pouvoir en bourrant les urnes ou en terrorisant l'opposition, comme au Tchad", poursuit-il.

Autour de la vaste table réunissant les 38 dirigeants africains pendant deux jours figure aussi le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, ex-général élu en juillet 2009 un an après avoir renversé un civil, dans un pays devenu "habitué des coups d'Etat".

Pour l'expert de HRW, il est plutôt intéressant de voir "que certains dirigeants africains commencent à se poser la question de la légitimité et de la représentativité des leaders".

Un Conseil militaire a annoncé à la radio d'Etat nigérienne la suspension de la Constitution après un coup d'Etat jeudi qui a fait plusieurs morts et blessés, tandis que le président Mamadou a été "emmené" vers un lieu inconnu, selon des ministres.

"Le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSDR), dont je suis le porte-parole, a décidé de suspendre la Constitution de la sixième république et de dissoudre toutes les institutions qui en sont issues", a annoncé le colonel Goukoye Abdoulkarim sur les ondes de la Voix du Sahel.
A ses côtés figurait notamment le colonel Dijibrilla Hima Hamidou, dit "Pelé", commandant de la plus importante zone de défense du Niger (zone numéro un), a constaté l'AFP sur des images de la télévision d'Etat.

Le Conseil s'est doté d'un président, selon un communiqué. Il s'agit du chef d'escadron Salou Djibo. Il commande la compagnie d'appui de Niamey, qui dispose d'armements lourds, tels les blindés.

Le CSDR a mis en place un couvre-feu et fermé les frontières terrestres et aériennes, et appelé la population a garder son calme.

Dans la journée, des ministres ont affirmé avoir été séquestrés lors d'une réunion du cabinet.
"(...) Nous ne sommes pas libres de nos mouvements, nous ne pouvons pas sortir. Ils ont emmené Mamadou Tandja", a indiqué l'un d'entre eux joint sur son téléphone portable.

"Nous ne savons pas ce qui se passe (...) mais nous avons nos portables et nous sommes là où devait se dérouler le Conseil des ministres. Ils ont emmené le président", a confirmé un autre membre du gouvernement, sous couvert d'anonymat.

Le président Tandja, 71 ans, et son aide de camp "seraient retenus" dans la garnison de Tondibia", à une vingtaine de kilomètres de la capitale, ont indiqué auparavant à l'AFP des responsables sous couvert d'anonymat.

Plusieurs ministres, selon ces sources, seraient quant à eux retenus dans les locaux du Conseil supérieur de la communication, près du palais présidentiel.
Le CSDR a annoncé dans la nuit de jeudi à vendredi que le gouvernement était "dissous".

Le , pays pauvre du Sahel mais troisième producteur mondial d'uranium, est confronté à une grave crise politique née de la volonté du président de se maintenir au pouvoir coûte que coûte au delà de son mandat.

Des témoins ont fait état de tirs nourris dans la journée, notamment autour de la présidence, avec des combats à l'arme lourde dans les rues de la capitale et autour de la présidence.
Aucun bilan officiel sur d'éventuelles victimes n'avait été communiqué jeudi soir mais selon des témoins et une source médicale, au moins trois ou quatre soldats ont été tués - dans un blindé visé par un obus - et "une dizaine" de militaires ont été blessés jeudi à Niamey.

Un responsable français à Paris avait auparavant affirmé qu'une tentative de coup d'Etat était en cours au Niger et que "Tandja n'était pas dans une bonne position".
Paris a demandé jeudi aux Français de Niamey de rester chez eux.

Selon la source diplomatique française, "on savait qu'une partie de l'armée désapprouvait Tandja et son coup de force constitutionnel, on pensait jusque là cette partie très minoritaire".
"Il y a tradition de coup d'Etat dans ce pays, mais on ne pensait pas que ça viendrait aussi vite", a-t-elle ajouté.

Après dix ans de pouvoir, M. Tandja avait dissous l'année dernière le Parlement et la Cour constitutionnelle et obtenu une prolongation controversée de son mandat pour au moins trois ans à l'issue d'un référendum sur une nouvelle Constitution en août.

L'opposition, qui avait boycotté cette consultation ainsi que des législatives controversées en octobre, avait dénoncé un coup d'Etat et la communauté internationale a dénoncé les agissements du président.

C'est cette nouvelle constitution que conteste le CSDR jeudi.

Le porte-parole du département d'Etat américain Philip Crowley a estimé que l'action du président avait "très bien" pu déclencher le coup d'Etat et affirmé que le Niger devait "organiser des élections".
Dans l'après-midi jeudi, des soldats étaient déployés autour du palais présidentiel et dans les rues adjacentes, a constaté l'AFP.

 

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