“ J’ai un devoir à remplir, veiller à ce que ces élections qui viennent soient transparentes et crédibles. ” Alors qu’il a reporté sa conférence de presse dans la journée du dimanche, sur le sujet de son projet d’ordonnance portant modification des dispositions relatives à l’organisation des élections en Guinée, Jean-Marie Doré, le Premier ministre guinéen, s’est empressé le même jour, à 21 h, pour être l’invité du journal télévisé de la RTG. La RTG s’est révélée “un cadre restreint” pour lui, afin d’aborder à fond, le sujet de son projet d’ordonnance, avec un ton parfois satirique. Ceux des journalistes des médias privés et étrangers en ont eu pour leur compte. Voici l’intégralité de cette intervention.
AfricaLog vous propose l’intervention du Premier ministre Jean-Marie Doré
Ce n’est pas un mystère. Le premier tour a été émaillé de beaucoup d’irrégularités, de lacunes, d’insuffisances mais surtout de manière grave, par le manque de logistique adapté au terrain et aux urgences du vote. Nous sommes en train de prendre toutes les dispositions pour que, tout ce qui a fait défaut au premier tour puisse être rattrapé afin que le futur président soit élu dans des conditions incontestables. Puisque nous sommes comme des trapézistes dans le cirque, ils n’ont plus droit, comme le Gouvernement n’a pas droit à l’erreur, alors méthodiquement, on va combler les lacunes, remédier à tout ce qui a fait défaut.
Quelles sont ces irrégularités?
Vous avez d’abord un découpage anarchique qui a situé certains bureaux de vote à plus de 200 km de l’agglomération, alors que la loi dit que ça doit être en moins de cinq kilomètres. De telle sorte que dans la région forestière, comme dans certaines zones de la Haute Guinée, les électeurs ont dû renoncer à aller voter parce qu’ils ne pouvaient pas parcourir des énormes distances à pied et même à vélo.
Mais Monsieur le Premier ministre, la faute incombe à la Céni ou au gouvernement, parce que le gouvernement est associé?
Justement, les accords de Ouaga qui sont une sorte de traité, confiaient au gouvernement d’organiser les élections et de restructurer l’armée, la caserner et l’équiper. Mais tout ce que nous n’avons pas encore élucidé est survenu, pour contrecarrer l’action normale du Gouvernement. Tout le monde s’est mis à empêcher que le Gouvernement assume ses responsabilités dans la gestion du processus électoral. Alors, de toute part, montaient des cris pour commenter de travers la moindre proposition venant du gouvernement pour améliorer le processus, de telle manière que le 26 juin, dans beaucoup de préfectures, le matériel de vote, n’était pas parvenu ou bien il est parvenu, mais il ne pouvait pas être distribué dans les sous-préfectures et dans les districts. C’est ainsi, par exemple, on a dû recourir à un hélicoptère de l’armée, au pied levé, pour déposer dans la région forestière les instruments du vote, les PV des résultats, les bulletins de vote etc. Il fallait non seulement les recevoir au chef-lieu de la région, mais encore les transporter, par voie terrestre dans les lieux. Dans certaines régions, dans certaines préfectures, les documents sont arrivés vers 16h ou 17h ; ou bien les membres des bureaux de vote étaient présents, mais il n’y avait pas ce matériel. Ou bien que le matériel est arrivé, mais les membres des bureaux de vote n’ont pas identifié leurs bureaux de vote, c’est ce qu’il faut corriger. Ne pas seulement dire c’est à Conakry ici on a fait. Il faut aller concrètement dans les faits. Nous allons maintenant assumer nos responsabilités. Parce que nous avons contribué qu’après le premier tour, qu’on veut attribuer au Gouvernement tout ce qu’il ne va pas bien. Et la Céni assure les lauriers. Nous voudrions faire des élections historiques.
Cela veut dire qu’on a complètement violé les accords de Ouaga?
M. Fana, là où je suis, je dois aider le Général Sékouba Konaté à présenter un bilan positif pour permettre au gouvernement de sortir la tête haute de la Transition. Le plus tôt sera le mieux. Mais tant que nous serons-là, nous allons nous engager à faire appliquer correctement la loi, à gérer correctement le processus, sans chercher à faire plaisir à quelqu’un. Parce qu’aujourd’hui,
il s’agit de choisir entre M. Cellou Dalein Diallo et M. Alpha Condé. Vous ne pouvez pas échapper à ce choix. Mais nous ne voudrons pas qu’au soir de la proclamation des résultats un des candidats prenne des insuffisances administratives pour nous attribuer la cause de son échec. Je refuse catégoriquement que les défaillances soient attribuées au Matap. Or qu’est-ce qu’on dit : la Commission électorale nationale indépendante est l’institution chargée de l’organisation de toutes les élections politiques et du référendum en République de Guinée. C’est le paragraphe 1, le paragraphe 2 dit : elle est techniquement aidée par les départements ministériels concernés par le processus électoral, notamment le ministère en charge de l’Administration du territoire. Mais ce texte de loi doit obligatoirement être précisé. Parce que, “ techniquement” cela veut dire quoi ? Pour qu’on ne conteste pas au Matap, une intervention sur le plan technique, il faut prendre un décret pour préciser le rôle que le Matap doit jouer à côté de la Céni.
Justement M. le Premier ministre, on a appris à travers les radios étrangères et certains sites guinéens votre intention de proposer la modification de la Constitution. Qu’en est-il réellement?
Pour répondre à votre question, je répète encore pour le public qui nous écoute le paragraphe 2 de l’article 2 du Code électoral qui dit que la Céni est techniquement aidée par les départements ministériels concernés par le processus électoral, notamment le ministère en charge de l’Administration du territoire. Donc, il s’agit de prendre un décret pour préciser le sens du mot techniquement. C’est qu’il ne s’agit pas de toucher à la Constitution. Elle n’est pas concernée. Ce qui est concerné, c’est l’article 2 du Code électoral, cela relève du mystère.
Pourquoi on n’a pas pu recenser ces rumeurs avant le premier tour?
Mais vous comprenez dans un processus aussi compliqué que le nôtre, vous ne pouvez pas avoir l’œil sur tout. C’est moi qui ai l’initiative de convoquer les institutions républicaines pour qu’on voit ce que chacun pense du premier tour. Dans une commission ad hoc que nous avons mis sur pieds d’un commun accord, ils ont relevé un certain nombre de lacunes. Mais ce n’est pas tout. Si nous nous apercevons aujourd’hui qu’il y a des lacunes qui risquent de pervertir le processus, vous croyez que nous allons attendre ? Mais nous allons corriger immédiatement. C’est ce que nous faisons. Alors c’est un vrai mystère sur les causes de tous ces coassements, de tous ces hululements que l’on entend dans la cité mais qui n’ont absolument rien à voir avec l’objet du débat. Il y a peut-être des gens qui anticipent sur le malheur pour rechercher les causes de leur état morbide. Mais pour la République de Guinée et pour les deux candidats en lice, il s’agit pour le gouvernement de tout mettre en œuvre pour qu’aucune insuffisance ne vienne entacher la transparence, la régularité et la légalité du scrutin. Puis aussi il y a d’autres choses que l’on constate, que l’on corrige au fur et à mesure. Je crois, peut-être que c’est ce qui est à l’origine de ça, certains proposent que l’on voit clair dans le serveur du site informatique, pourquoi ? Moi je ne sais pas. Je ne suis pas un expert. Je pense que le bruit n’est pas fondé ou bien que c’est fondé, alors il faudrait vérifier sur la régularité du scrutin. Parce que ce n’est pas n’importe quel scrutin. Il ne s’agit pas d’élire un maire, il s’agit d’élire le chef de l’Etat de notre pays et qui a l’autorité sur les 12 millions de Guinéens. Mais je ne vois pas… Je suis le premier étonné de tous ces bruits-là. On dit que je veux piétiner la Constitution, faire une nouvelle Constitution ou bien par illettrisme. Mais cela peut être dû à l’illettrisme de certains qui ne comprennent rien à la chose publique. Moi j’ai des responsabilités, je les assume jusqu’au bout. C’est aussi simple que ça.
Qu’est-ce qu’il faut pour organiser parfaitement le second tour ?
Il faut qu’en plus de la Céni, qui a des problèmes importants, …
C’est justement à cette Céni que je fais allusion…
S’il vous plait, contrairement à ce que pensent les gens, si nous voulions tomber dans ce piège, nous aurions commencé par demander la dissolution de la Céni. Mais si vous dissolvez la Céni, vous renvoyez les élections aux calendes grecques. C’est pourquoi nous pensons qu’il faut corriger les insuffisances de la Céni qui n’ont pas l’habitude.
Est-ce qu’on peut parler de la composition de la Céni...
Si vous entrez dans ce débat, vous n’en sortirez pas. On dit qu’on fasse les élections le 19 septembre. Tous ceux qui crient, ne savent absolument rien de la matière en cause. Notre désir est qu’on tienne les dates autant que possible, mais qu’on tienne les dates dans des conditions de transparence telles que personne ne viendrait pointer du doigt le gouvernement que je dirige sous l’autorité du Général d’Armée Sékouba Konaté. Il faut que nous rendions nos copies de façon propre. Il n’y a pas d’autres secrets dans cette affaire. Mais il y a des gens qui appréhendent de manière un peu confuse, leur avenir. Tel n’est pas mon cas. J’ai un devoir à remplir: c’est de veiller à ce que ces élections qui viennent, soient transparentes et crédibles.
Donc, pas question de revoir la Constitution?
M. Fana, je répète encore. Il s’agit de prendre un décret d’application du paragraphe 2 de l’article 2 du Code électoral. Voilà. On a envisagé toutes les hypothèses. J’ai convoqué mes conseillers et je leur ai posé la question comment il faut faire pour que le rôle du Matap soit incontestable. Parce qu’aujourd’hui le Matap est lié à la Céni par un protocole de coopération. Mais ce protocole est invoqué par la Céni lorsqu’il s’agit de l’arranger. Mais quand ça ne l’arrange pas, … C’est parce que je n’aime pas beaucoup des situations comme ça, il faut que ce soit clair, que le rôle de la Céni ne soit pas contesté durant le parcours électoral. Il faut que cela soit clair. Le binôme de la Céni doit être respecté, le binôme du Matap doit être respecté, c’est tout. Et puis nous allons voir si le site informatique fonctionne de façon à faire entier complètement le devoir de chacun. Que les gens profèrent des injures, ce n’est pas bon pour notre pays, non seulement pour la République mais pour le futur Président de la République. Si on initie la gestion de la Guinée par des outrages sur les marchés, sur les rues, ce n’est pas bon.
Je voudrais rappeler à chacun qu’il y a des lois. La charte des partis impose, pour faire un meeting, un cortège, il faut déposer un préavis. Je rappelle qu’on va devoir appliquer strictement les lois sur le maintien de l’ordre. Parce que personne n’a le monopole de s’emparer des voies publiques pour gêner la vie des citoyens. Je vais donner des instructions claires au Ministre d’État chargé de la sécurité publique et de la protection civile, pour qu’il n’y ait plus de manifestation comme ça. Parce que certaines de ces manifestations sont organisées pour provoquer le gouvernement, pour mettre en question la quiétude des populations. Nous sommes devant un enjeu considérable, c’est doter notre pays d’un chef d’Etat à l’autorité incontestable, à la légitimité incontestable. Or, s’il y a des désordres dans la gestion du processus (…).
Au sortir des urnes, les gens vont commencer à contester l’autorité du Président, or il y a beaucoup de problèmes. La Guinée a un grand retard à rattraper. J’estime que le besoin de notre peuple est profond, et quelque soit les coincements de gauche à droite, moi et mon gouvernement, nous allons continuer jusqu’à la sortie de la Transition. Nous sommes pressés de sortir de la Transition.
Donc la date du 19 septembre sera respectée?
Dès que les insuffisances seront liquidées, immédiatement nous allons passer au vote. Parce que c’est dans l’intérêt supérieur des candidats ; que tout soit clair avant d’aller aux urnes. Mais des gens disent que M. Doré et son gouvernement veulent s’accrocher au pouvoir… Si nous voulions nous accrocher, pourquoi ne pas dissoudre la Céni ? C’est la manière la plus plausible, la plus incontestable de s’accrocher au pouvoir. Nous voulons que la Guinée rentre dans la constitutionnalité. Il faut que le futur Président de la République soit le Président de tous les Guinéens, il faut qu’il soit accepté par la Basse Guinée, par le Foutah, par la Haute Guinée, par la Forêt. Ce n’est pas parce que son crâne ne me plaît pas, c’est parce qu’il a été élu régulièrement, conformément à la loi. Mais il y a des gens qui veulent ignorer tout cela, imposer leur vouloir médiocre à notre peuple. Ça ne se fera jamais.
Un message particulier…
Je demande à notre peuple de faire confiance à notre gouvernement de la République. Nous avons dans ce gouvernement des jeunes cadres compétents, talentueux, intelligents. Il faut leur laisser la possibilité d’être au service de leur peuple. La Guinée a plus que besoin de paix, elle a besoin que ses immenses ressources soient exploitées et que le produit de l’exploitation soit mis à résoudre les énormes problèmes de l’éducation, au problème de santé, aux problèmes de l’habitat, les problèmes d’infrastructures… Il faut que les élections soient correctement organisées. Personne n’a intérêt, ni le Général Sékouba Konaté, ni aucun ministre de mon gouvernement ne veut rester un jour de plus, après l’élection-là, mais il faut que ce soit des élections qui renferment tous des actes pour semer la transparence, la crédibilité. Sinon ça devient un boulet terrible pour le futur Président de la République. Alors par illettrisme ou par mauvaise foi, par ignorance des faits sociaux, des faits politiques ou légaux, des gens qu’on croyait intelligents se mettent à raconter n’importe quoi … Je demande à tous les ministres à s’engager fermement à communiquer avec notre peuple pour les informer sur les immenses choses que nous sommes en train de faire pour sortir ce peuple de l’obscurité, sortir des ténèbres et semer la concorde, la fraternité.
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