Opinion de Mouctar Diaby
Tous les Guinéens peuvent convenir que l’enthousiasme qui avait accompagné les
élections du premier tour s’est évanoui tant les combines ont fini par jeter du
discrédit sur la manière dont le processus électoral est conduit. Aujourd’hui plus
que jamais, notre démocratie naissante traverse une phase critique de son évolution
et il est important pour tout le monde que les pendules soient mises à l’heure.
Notre aspiration démocratique n’a pas changé entre les deux tours et nous attendons
de la part des autorités de la transition un comportement démocratique et non des
combines dans lesquelles tout le peuple Guinéen est perdant.
Personnellement, je refuse de croire que les institutions sont bloquées par les
agissements des partis politiques et que les Guinéens sont incapables d’organiser le
second tour. Tout observateur averti verrait clairement que les autorités de la
transition entretiennent une désorganisation latente des institutions pour nourrir
des desseins qui ne tarderont pas à se savoir. Le disfonctionnement de la Ceni, avec
une dualité à sa tête, peut être réglé en un temps record si le président
intérimaire désigne une personne neutre et informe les deux candidats de sa
décision. Auparavant, il peut envoyer aux partis une liste restreinte de personnes
neutres dont la probité est reconnue et les informer qu’il choisira dans cette
liste. Une fois que les personnes de la liste seront reconnues comme neutres par
chacun des partis, il pourra faire un choix discrétionnaire de la personne qui
devrait conduire l’institution. Ceci ferait rapidement l’unanimité au sein de la
population même si les partis cherchent à tirer sur les ficelles. Personne ne lui en
voudrait de faire le choix de la personne qui conduirait la transition à bon port.
Qu’il ne l’oublie pas, il a la mission de conduire la transition jusqu’à son terme
et non quelqu’un d’autre.
Il est important de souligner que le manque de protection et de soutien de la Ceni
de la part du pouvoir en place et la primature constituent une fragilisation
importante du processus électoral. La question que l’on peut se poser maintenant est
la suivante : À qui profite la confusion? Plusieurs Guinéens voient dans ces
manœuvres le manque de volonté pour organiser le second tour car techniquement il
suffit juste d’un geste de l’autorité suprême pour y parvenir. Par ailleurs, le
manque de précision du rôle de chaque institution (CENI, MATAP et CNT) crée une zone
grise permettant aux membres du gouvernement transitoire de se donner de grands
pouvoirs et la possibilité de vicier le système institutionnel pour assouvir leur
besoin de s’accrocher. Cette délimitation nette doit être tranchée par le président
en place s’il veut que la transition soit gérable. Un autre point important est le
manque de pouvoir notoire du Conseil national de transition qui joue le rôle de
figurant car aucune responsabilité palpable ne semble lui être confiée alors qu’il
est sensé conduire la transition.
Pour toutes ces raisons il est urgent que l’autorité suprême de la transition qui se
trouve être la présidence prenne des mesures idoines pour : 1) Choisir un président
de la Ceni neutre et crédible, 2) Renforcer le pouvoir de la Ceni dans tout le
processus de collecte et de délibération, 3) Limiter le rôle du MATAP strictement à
l’aspect logistique pour ne pas créer des conflits d’intérêts, 4) Fixer la date du
scrutin le plus rapidement possible. Si le souhait réel de l’autorité de la
transition est de quitter le pouvoir après des élections crédibles, il faudrait
guider ces élections avec méthode et efficacité. Ne l’oublions pas, seule la vérité
est pérenne, le mensonge est éphémère. Espérons donc que la vérité démocratique soit
le seul motif du pouvoir en place.
Mouctar Diaby, Montréal
Administrateur économique et social
mfdiaby@hotmail.fr