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Elections en Guinée: du fétichisme de l’ethno-politik à la real-politik?

Dec 01, 2010

Opinion de O. Tity Faye

Veni vidi vici – Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu ? Non ! Croyants, il n'y a de perfection que Dieu. L'homme n'est qu'une tentative de perfection. Le groupe isolé est l'anathème parfait…
En réalité, l'ethnie en tant que module politique d'élection est le rempart contre l'inefficacité du discours politique. Cette dernière est liée à l'absence d'idéologies et d'éducation politique des militants que les leadeurs de parti politique négligent toujours (Démocrate libéral ? Républicain conservateur (des traditions) ? Social Démocrates ? Panafricanistes ? )

On l'aurait compris. Avec toutes les péripéties de l'élection présidentielle en Guinée, l'utilisation de l'ethnie comme stratégie politique n'est pas la voie ouverte et facile à la gestion des affaires publiques du pays. Il faut apprendre à être un citoyen guinéen et en convaincre les autres sur la place publique pour bénéficier d'un piédestal national. Au-delà des convictions des uns et des autres, les candidats et leurs alliances respectives ont fini par faire ce qui aurait dû être le bréviaire en tout temps et en tout lieu : rassembler, consulter, discuter, faire des partenariats et des concessions sans distinction de sexe, de religion, d'âge, d'ethnie … Ce qui en définitive relègue au dernier rang les considérations individualisées ou communautaires au profit de la nation.

Alors qu'on accepte les résultats pour l'amour du pays et que sa construction commence avec l'apport de tous et de chacun dans l'alliance ou dans l'opposition. Croyants ? Alors tu sais qu'il n'y a de perfection que Dieu. L'homme n'est qu'une tentative de perfection. Le groupe isolé est l'anathème parfait de la perfection.

L'ethnie en tant que représentation sociale factice se renforce de temps en temps, notamment en des moments cruciaux dans les sociétés en crise identitaire. Celles dont l'évolution sociopolitique a subi une ou des ruptures. C'est le cas de l'Afrique et d'autres continents comme l'Asie. À dessein les colonisateurs ont crée une confusion entre l'ethnie, la tribu, et les populations pour nier à ces peuples toute conception d'évolution en nation. Il s'agit, encore aujourd'hui, de leur dénier toute communauté de vue et d'existence commune alors qu'ils vivent sur le même territoire suivant des codes d'échange et de collaboration propres.

Qu'ils soient d'origine arabes - à travers la religion et le commerce - ou d'exploitation coloniale - à travers l'économie globalement - l'on a fait croire à ces peuples que de par leur ethnie, leur mode de vie et comportement empruntés, leur langue ou la religion d'adoption, ils avaient un ascendant sur les autres ou vice versa. Cela n'a rien à voir avec les stratigraphies sociales de ces peuples ou leurs modes de vie. Ils auraient pu évoluer selon les besoins. Ce piège de stagnation stratigraphique sociale s'est refermé sur ces peuples qui se sont subitement, crées une identité distincte de leur ayant-droit. Une nouvelle identité reposant soit sur le nombre soit sur la supériorité contrefaite des us et coutumes - transformés à leur insu.

Pourtant, à travers le monde et au sein de ces États dominateurs et leurs peuples, il n'a jamais été question d'apports d'une ethnie en termes de découvertes ou de créations pour le bienêtre de l'humanité. Au sein de l'ethnie, l'innovation et la création - qui nécessitent la participation des autres - sont proscrites par définition et par fondement. Quant à trouver une définition de l'ethnie, on s'engouffre dans une aventure avec les tentatives d'approches.

Il y a un fait dont il convient de tenir compte : l'ethnie ne saurait remplacer un peuple ou prétendre à le chaperonner. Les tentatives ont toujours été désastreuses. C'est pourquoi malgré les prédominances ethniques qui peuvent ou ont pu exister aucun système politique n'en a découlé. Bien qu'en ordre d'apparition, elle soit antérieure au peuple, on parle plutôt de démocratie, le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple, et non d'ethnocratie, le gouvernement des ethnies par l'ethnie et pour l'ethnie. Sinon, Il y aurait eu une autre configuration géographique du monde.

Pourquoi l'ethnie ne peut-elle prévaloir dans un système de gouvernement ? Simplement parce qu'en soi, l'ethnie est improductive. C'est une simple unité d'hommes et de femmes vivant selon les mêmes mœurs et coutumes en utilisant une langue commune. Elle ne génère ni mode de production ni système économique ni système éducatif au-delà de la reproduction simple, autarcique. Individuellement, les membres d'une ethnie n'ont pas les mêmes aspirations. Ce qui les réunit au hasard, ou par calcul, c'est l'élan identitaire. Celle-là que les pseudo-leadeurs politiques utilisent comme idéologique à la suite des États coloniaux.

Les composantes traditionnels qui caractérisent l'ethnie sont immuables parce qu'ils constituent, ensemble, la marque qui distingue une ethnie de l'autre. Conséquemment, ils n'ont de valeurs que par comparaison, par la reconnaissance d'un ou de plusieurs groupes ethniques. L'absence de diversité fait de l'ethnie un module social moribond dont la survie est due à la faiblesse du développement économique. Son mode de vie fossile crée à l'intérieur même de l'ethnie des pulsions révolutionnaires en faveur du changement. Ce sont ces pulsions que les pseudo-leadeurs politiques « assassinent » ou manient en faveur de l'élan identitaire. C'est le fétichisme de l'ethnie. Il consiste à lui conférer une valeur sociopolitique et économique qu'elle est loin de générer, toute seule, en pratique.

Alors pourquoi, l'ethnie existe-t-elle toujours en tant que cellule sociologique ? Une cellule sociologique est une dynamique en soi. En ce sens, l'ethnie n'en est pas vraiment une. Dans la mesure où elle joue – uniquement - un rôle de conservation d'un statut quo ante. Elle se nourrit de l'Histoire anecdotique, en tant que passé brut, pour faire miroiter de fades splendeurs surannées aux utilités très limitées. Du point de vue de la psychosociologie, elle est une distinction inutile, et prévaricatrice de la nation. Encore une fois, du fait de son caractère stagnant l'ultime pulsion de l'ethnie est l'identité ! Cette dernière n'est pas une revendication de droits et devoirs au sein d'une société en transformation. L'identité réclame le droit à une ethnie d'exister dans son authenticité et d'être considérée de par sa distinction au-delà des lois sociales générales. Une prétention fatale en politique.

Toutes formes de tentatives visant à dissuader les précurseurs et les apologètes de l'ethnostratégie et de l'ethnopolitisation sont considérées comme une persécution avérée. C'est leur seule parade.
En fait, l'ethnie a succédé sans la remplacer à la tribu en tant que forme empirique de protection de l'individu contre un ou d'autres groupes d'hommes dominants ou considérés comme tels. Cette attitude est régie par la peur de l'autre. L'entretien de cette peur est la clef de la survie de l'ethnie. En même temps, la tribu a évolué en société générale avec un code de vie plus large et une éthique – tous deux - tirés de la diversité. Une alternative que l'ethnie récuse. Comment et pourquoi ?

Alors que la tribu intègre par alliance ou par partenariat pour s'élargir et évoluer, l'ethnie scrute les traits caractéristiques de l'appartenance identitaire distinctive qui privilégient certains paramètres dont la langue parlée, des traditions altérées et la religion par ricochet. L'empirisme de l'ethnie met en avant un purisme éculé qui s'exerce contre toute évolution. Il est question de « langue pure, de tradition pure, de comportement contrôlée et de recettes néfastes … » Celles anciennes, par rapport au niveau d'évolution qui a intégré des emprunts dus à la cohabitation avec les autres.

L'ethnie refuse la sociabilité qui est, également, un phénomène d'échange. La sociabilité repose sur la participation distinctive en termes d'évolution sociale moderne. Il s'agit pour les couches sociales d'accéder à des activités communes et de partager leur façon de faire. Le football qui utilise vingt-deux joueurs sur une aire de jeu relève d'une sociabilité populiste alors que le tennis de champ, qui implique deux personnes ou quatre en double, est plus sélectif. Dans les deux sports le phénomène de la participation est pertinent. Aucun d'entre eux n'est une création d'essence ethnique. On ne crée pas au sein de l'ethnie, on obéit à ses règles traditionnelles pour avoir le bénéfice de sa protection théorique, d'essence lyrique et dilatoire par rapport aux autres. Pas plus. C'est le prix et l'implication de la distinction effervescente provoquée. Créer, implique des apports extérieurs qui bousculent les frontières traditionnelles. C'est pourquoi l'ethnicisme ou ethnostratégie est une hypocrisie et une hypnose politique dont le seul objectif est de profiter des membres de sa propre ethnie pour atteindre des objectifs de glorioles en servant des intérêts, évidemment, impopulaires.

Praxis. Que nous apporte donc l'ethnie? Pour y répondre, il n'est nul besoin des exemples de royaumes et empires fracassés à ses pieds. L'histoire guinéenne, quand on la considère, donne des leçons édifiantes. Celle en cours, que les guinéens eux-mêmes sont entrain de s'administrer devra s'inscrire en bonne place dans le bréviaire du mode de vie de chacun.

Les dirigeants et les hommes d'État se font au gré des hasards de l'histoire non au nom ou aux grés du hasard des ethnies. La Guinée n'est pas une « ethnodynastie » stipulant que les représentants des ethnies se succèdent à la tête du pays selon un certain nombre d'années. Sinon, pourquoi ne l'a-t-on pas mentionné dans la dernière Constitution, en 2010 ? L'ethnie est aussi l'outil par excellence du leadeur sans envergure qui n'a de véritable ambition que celle de se promouvoir « chef ». Il piège son ethnie en l'utilisant à ses fins. Révisez vos manuels d'histoire. Tout leadeur politique qui s'installe au pouvoir sous l'égide de l'ethnie, sans consultation élargie, est voué à l'échec et à la vindicte de sa propre ethnie manipulée sur des promesses intenables au sein d'une nation en devenir.

En réalité, l'ethnie en tant que module politique d'élection est le rempart contre l'inefficacité du discours politique. Cette dernière est liée à l'absence d'idéologies et d'éducation politique des militants que les leadeurs de parti politique négligent toujours (Démocrate libéral ? Républicain conservateur (des traditions) ? Social Démocrates ? )

Que cela choque ou pas, l'on est forcé de reconnaitre que jusqu'ici en Guinée, la seule idéologie connue fut celle du Pdg de Sékou Touré. Que cela soit écrit et accomplie.

 

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