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Les catastrophes naturelles, bonnes pour l’économie?

Nov 21, 2011

Par Steve Horwitz

Avec à la fois un tremblement de terre et un ouragan dans la même semaine aux USA, ce n'est pas seulement la saison des désastres naturels, mais aussi des désastres en termes d'analyse économique. Les deux catastrophes naturelles ont en effet produit de nombreux commentaires économiques assez mauvais de la part de divers médias et même de certains supposés experts
économiques. L’« analyse » la plus commune est une version du sophisme de la « vitre brisée » de Frédéric Bastiat.

Dans l'histoire de Bastiat, un jeune garçon jette une brique dans la fenêtre
d'un propriétaire de magasin. Une foule se rassemble et se lamente du
dommage. Finalement, quelqu'un fait remarquer que cela pourrait être bon
pour l'économie parce que maintenant le propriétaire du magasin devra payer
le vitrier pour remplacer la fenêtre. Cette augmentation de l'activité se
traduira pour le vitrier par de l'argent à dépenser pour, disons, une
nouvelle veste, ce qui signifie plus d'activité pour le tailleur et ainsi de
suite. Après un certain temps, les habitants se persuadent que la vitre
cassée est en fait une bonne chose.

Bien sûr, l'erreur ici est que cet argument néglige « ce qu’on ne voit pas
». Les 100 dollars que le propriétaire du magasin dépense à remplacer la
fenêtre auraient été dépensés autrement ailleurs si sa vitre n’avait pas été
cassée, peut-être dans de nouvelles chaussures. Dans ce cas, le propriétaire
du magasin aurait à la fois une vitre et une nouvelle paire de chaussures.
En l'état, il a seulement la vitre, donc l'acte du jeune garçon non
seulement n'a pas créé de richesse, mais il en a détruit.

La notion de richesse en tant que stock de biens (et services) est implicite
dans l'histoire de Bastiat. Ce qui compte en tant que richesse sont les
choses que nous percevons comme ayant une valeur, comme une fenêtre ou une
paire de chaussures. Quand nous nous concentrons sur la richesse comme un
stock, il est clair que casser la vitre n'augmente pas la richesse mais la
diminue. Chaque dollar dépensé pour réparer ou remplacer des biens
endommagés par l’ouragan dans le Vermont, le New Jersey, et ailleurs est un
dollar qui aurait été consacré à d'autres choses : les catastrophes
naturelles détruisent la richesse.

Mais alors pourquoi tant de gens soutiennent que de telles catastrophes sont
bonnes pour l'économie ? La réponse est sans doute qu'ils considèrent la
question en termes de produit intérieur brut (PIB), qui est un « flux », pas
un stock. Le PIB mesure la quantité d’« activité économique » qui se déroule
lors d’une période donnée, par exemple un an ou un trimestre. Si l'on
imagine une série de tuyaux qui transportent de l'eau dans un grand bassin,
le PIB mesure la vitesse de l'eau qui se déplace à travers les tuyaux,
tandis que la richesse est la quantité d'eau qui s'est accumulée dans le
bassin. Ceux qui affirment que les catastrophes stimulent l'économie
affirment que la nécessité des réparations et remplacements mènera à plus de
dépenses et ainsi à un flux plus élevé d'activité économique.

Cependant, ici aussi, on néglige « ce qu’on ne voit pas ». Après tout, même
si nous pensons en termes de débit, l'argent dépensé en réparations et
remplacements est simplement détourné d’utilisations alternatives pour
lesquelles il aurait servi en l'absence de l'ouragan. Ainsi comment
pouvons-nous encore expliquer pourquoi nous continuons à voir ces arguments
?

L'explication ultime réside sans doute dans le fait qu’on se concentre sur
certaines localités. Les catastrophes naturelles peuvent ainsi conduire à
une activité accrue dans les zones touchées, mais seulement parce que les
ressources sont tirées d'autres parties du pays ou de l'étranger, en y
réduisant l'activité. En d'autres termes, nous pouvons toujours augmenter la
pression dans un tuyau en détournant l'eau d'autres tuyaux. Les catastrophes
naturelles peuvent sembler être bonnes pour l'économie si nous nous
concentrons uniquement sur un tuyau et ignorons les autres.

Les critiques plus sophistiqués pourraient faire valoir que si les
ressources étaient « oisives », une catastrophe naturelle pourrait les faire
sortir de leur oisiveté et donc créer de la richesse. Comme le grand
économiste libéral William Hutt l’expliquait en 1939, être « oisif » ne
signifie pas que la ressource soi « improductive ». Une liasse de billets
dans un tiroir rend le service d'être disponible pour son propriétaire, qui
est la façon dont le propriétaire préfère l’avoir, plutôt que de la dépenser
à réparer une fenêtre.

Dans notre propre économie de nombreuses ressources sont oisives non du fait
d’échecs de marché, requérant un stimulus externe pour les activer, mais en
raison du « mal-investissement » pendant le boom artificiel précédent. Cela
est vrai du capital et du travail. Ils restent oisifs parce que de mauvaises
politiques, comme les récents programmes de relance budgétaire, et
l'incertitude sur l'avenir, créée par le gouvernement, les empêchent de
trouver un emploi productif adéquat. Les catastrophes naturelles ne peuvent
pas résoudre ces problèmes, seuls le temps et la liberté le peuvent.

L'incapacité d'imaginer « ce qu’on ne voit pas » est la source de bien de
mauvaises analyses économiques. Par exemple, de nombreux observateurs
prétendent que l'ouragan va créer des emplois, et ils ont raison. Toutefois,
création d'emplois n'est pas la même chose que création de richesse, si ces
emplois consistent à nettoyer les dégâts d'une catastrophe. Et c'est la même
chose pour la création d'emplois grâce à des programmes de relance publique
et autres : le chemin vers la prospérité vient du fait de réduire la
quantité de travail nécessaire pour ce que nous produisons actuellement,
afin d’en libérer pour produire d'autres biens que nous aimerions avoir,
mais que nous ne pouvons encore produire efficacement. C'est juste une autre
façon de voir pourquoi avoir à consacrer du travail à nettoyer les
conséquences d’un désastre est une perte de richesse, pas un gain.

Nous n’empêcherons jamais les désastres naturels, mais si les gens pouvaient
commencer à envisager « ce qu’on ne voit pas », peut-être que nous pourrions
mettre un terme aux désastres d’analyse économique…

 

Steven Horwitz est professeur d’économie à l’Université St Lawrence aux
Etats-Unis. Cet article a paru originellement en anglais sur
www.TheFreemanOnLine.org.

Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org
 

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