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Réactions après l’inculpation du Colonel Moussa Tiegboro Camara

Feb 12, 2012

Le collège des magistrats Guinéens qui enquêtent sur les massacres et viols du 28 septembre 2009 à Conakry au stade du même nom, a inculpé le 8 février, le Lt-Colonel Moussa Tiegboro Camara, actuel Secrétaire général de l’Agence nationale chargée de la lutte contre le trafic de drogue et le crime organisé, avec rang de ministre. Colonel Tiegboro Camara était un ancien membre du CNDD (Conseil national pour la démocratie et le développement), qui s’était emparé du pouvoir au lendemain de la mort du Président de la République, le Général Lansana Conté. Il est soupçonné par le collège des magistrats d’avoir une part de responsabilité dans les événements douloureux du 28 septembre 2009.

Alors que l’ex-chef de la junte du CNDD, Capitaine Moussa Dadis Camara, est officiellement déclaré convalescent à Ouagadougou, au Burkina Faso depuis le 8 janvier 2010. La nouvelle de l’inculpation de Tiegboro Camara, circulait à Conakry comme une rumeur, et même par SMS. Mais il était difficile de croire à la nouvelle, suite au manque de confiance et du scepticisme de l’appareil judicaire guinéen.

C’est HRW (Humann Right Watch) qui a rendu officiel la nouvelle dans son communiqué du 8 février 2012 en soutenant : "Moussa Tiegboro Camara et les gendarmes de son unité étaient dans le stade avec les membres de la garde présidentielle. Certains des gendarmes de son unité ont participé au massacre."

Les réactions

«Je confirme que le Colonel Moussa Tiegboro Camara a été inculpé par le collège des magistrats commis pour instruire l’affaire du 28 septembre 2009» a déclaré M. Ibrahima Béavogui, porte-parole du Ministère guinéen de la justice. Lequel a ajouté: «C’est une évolution au niveau de la justice en Guinée. Il vous souviendra qu’il n’y a pas longtemps, le gouverneur de la ville de Conakry a comparu. Cela veut dire que les autorités publiques acceptent de répondre aux convocations de la justice. Il fait partie de ceux qui ont massacré les gens au stade du 28 septembre. Il ne reconnaît pas les faits. Donc, à ce jour, ce n’est qu’une inculpation…»

«Colonel Tiegboro a été inculpé. Mais, cela n’a pas d’effets. J’ai été violée au stade. J’ai perdu ma virginité. Ce n’est pas une arrestation de Tiegboro qui va me rendre ma virginité ou me faire oublier les atrocités que nous, femmes violées, avons subi au stade de Dixinn», témoignage d’une victime du 28 septembre 2009, rapporté par un hebdomadaire de la place.

Aliou Barry, président de l’ONDH (Observatoire national des droits de l’Homme) a déclaré que les défenseurs de droits humains sont soulagés du fait que l’arrêt de l’impunité soit engagé en Guinée.
Selon lui, la Commission internationale des Nations-unies qui a été mise en place après les évènements du stade du 28 septembre avait «clairement démontré que M. Tiegboro Camara était en première ligne au stade, il avait même rencontré les leaders politiques. C’est à juste titre qu’il a été inculpée, mais nous savons qu’inculper ne veut pas dire rendre coupable. Nous espérons que la justice guinéenne va travailler dans un climat de sérénité. Nous espérons que le Colonel Tiegboro ne sera pas la seule personne à être inculpée sur les évènements du 28 septembre.»

Il ne sera pas offusqué que le Colonel continue assure les fonctions de secrétaire général de l’Agence nationale de lutte contre le trafic de drogue et de crime organisé. Car, déclare Aliou Barry, c’est la première fois dans l’histoire de la Guinée depuis 1958 qu’il y ait inculpation d’un responsable de son rang sur les crimes commis en Guinée.

M. Barry craint toutefois des réactions au sein de la troupe, du fait que le poste qu’occupe Moussa Tiegboro Camara est «très bien perçue au sein des forces armées.» C’est pourquoi il souhaite que le gouvernement pense à la protection des victimes qui témoignent devant le collège des magistrats. Le président de l’ONDH espère aussi que la justice guinéenne ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Il estime que les premiers responsables à inculper dans les massacres et viols du 28 septembre 2009 devaient être capitaine Moussa Dadis Camara et son ex-aide de camp, Aboubacar Sidiki Diakité, alias Toumba.

«Mais si on prend cette inculpation, le projet de la réforme de l’armée, je pense que le pays est en train, si douloureusement et difficilement, de prendre le chemin qui mène à l’Etat de droit», a-t-il souligné avant de dire qu’il ne croit pas que l’inculpation de Tiegboro Camara met au second plan Dadis et Toumba.

Il craint des «débordements» suite à cette inculpation qui intervient dans un contexte difficile lié au blocage du dialogue politique, la réforme de l’armée avec la vague de retraite qui la caractérise et les préparatifs des élections législatives.

Les leaders politiques qui ont été témoins du massacre et des viols du 28 septembre, comme tant d’autres citoyens de Conakry, se sont réjouis de l’acte posé par le collège des magistrats. Ils encouragent les autorités judiciaires à persévérer sur la même voie, de sorte qu’aucun crime ne reste désormais impuni en Guinée.

Mais Lt-Colonel Moussa Tiegboro Camara qui réfute l’accusation, n’aurait pas voulu que son inculpation soit rendue publique.

A en croire certaines sources non officielles, l’inculpation du Colonel Tiegboro intervient à la veille de la visite en Guinée d’une délégation de la CPI (Cour pénale internationale). Certains sceptiques pensent que l’acte des magistrats ne serait que de la poudre aux yeux.

Le 28 septembre 2009, les responsables politiques réunis au sein des Forces vives de Guinée avec la société civile et les syndicalistes, avaient appelé à une manifestation pacifique contre la probable candidature du Capitaine Moussa Dadis Camara, alors chef de la junte militaire du CNDD (Conseil national pour la démocratie et le développement), qui s’était emparé du pouvoir au lendemain de la mort du Président de la République, le Général Lansana Conté le 22 décembre 2008. La manifestation avait été violemment réprimée.

Les défenseurs des droits de l’homme ont été indignés. La Commission d’enquête que les Nations-Unies ont chargé de faire la lumière sur cette répression, a fait état de 157 personnes tuées par balles réelles, plus d’un millier de blessés et une quarantaine de femmes violées. Ladite Commission avait rendu le Capitaine Moussa Dadis Camara et certains de ses proches, auteurs de ces violences.

Alors que la commission nationale d’enquête mise en place par le capitaine Moussa Dadis Camara a minimisé les chiffres publiés par l’ONU en soutenant qu’il n’y a eu qu’une cinquantaine de morts. Les victimes de ces tristes évènements, réunies au sein de l’AVIPA (Association des victimes du stade du 28 septembre) se sont investies durant ces trois dernières années pour que jaillisse toute la lumière sur ces massacres.

Les présumés auteurs indexés par les défenseurs des droits humains et par la commission onusienne ont été promus à des postes de hautes responsabilités à l’image du colonel Moussa Tiegboro Camara qui vient d’être inculpé. Il a été nommé par le président Alpha Condé, secrétaire général de l’Agence nationale chargée de la lutte contre le trafic de drogue et le crime organisé, avec rang de ministre.

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