Par O. Titi Faye
Chaque fois qu’on se dit quelque chose de normal pourrait arriver en Guinée, quelque chose intervient pour vous dire « vous connaissez mal le pays ». Le pays, on le connait. Il est plus juste de dire, « Vous ne savez pas ce que les sorciers vont inventer de nouveau pour noyer le peuple » En fait, il s’agit de divertissement.
En effet, c’est avec beaucoup d’espoir et, en connaissance de cause, que les acteurs politiques, syndicaux, et de la société civile ont accepté le chronogramme issu des « accords de Ouagadougou que le Général Sékouba Konaté, chef actuel de la junte, a ramené. Le discours du 6 janvier a été diversement apprécié et la proposition de tenir les élections le 27 juin 2010 a été acceptée de tous. La conditionnalité majeure était le toilettage de la Constitution nationale pour l’armer de garde-fous contre toute confiscation de pouvoir à l’avenir. C’est à dire une consolidation de la Démocratie en Guinée.
De l’extérieur de la Guinée, il s’en est bien trouvé quelques-uns pour dire que « techniquement », ce serait un défi de réussir des élections bien faites en si peu temps. N’empêche qu’à l’intérieur du pays on est passé aux actes avec la nomination d’un Premier ministre de la transition, Un Comité national de la transition et un président de la transition en la personne même du remplaçant de Moussa Dadis Camara, mis hors circuit par son Aide camp Toumba Diakité.
Tout le monde a fini par croire que la volonté des leadeurs à différents niveaux s’associerait à celle des populations pour avoir raison des obstacles. Ce qui semble avoir été fait. La Constitution nationale a été nettoyée et des ceintures de sécurité ont été mises autour du respect des aspects fondamentaux qui garantissent, apparemment, la Bonne gouvernance. Rien n’est parfait. Il faudrait la rediscuter cette constitution et y renforcer ce qui dans la précipitation n’a pu l’être. Cette nécessité ne remet nullement en cause la validité du chronogramme électoral.
La problématique soulevée est : Faut-il soumettre la Constitution au référendum ou faire avaliser son contenu par décret ou par ordonnance dans la perspective des élections du 27 juin 2010 ? À vouloir la réponse qu’exige une question fermée, l’on suscite un faux débat dans un contexte de consultation sociopolitique. C’est inadmissible en l’espèce.
Légalement, la Constitution doit-être soumise à l’approbation des populations pour deux raisons principales que sont : la possibilité de décider, tous ensemble, des lois qui vont régir leur vie et l’appropriation même de ces lois que représente la Constitution. La méconnaissance par les populations du contenu de leur Constitution expose à de graves injustices dans le futur. Mais il s’agit d’une transition, donc par définition un processus qui suit des étapes.
C’est pourquoi, il est préférable de scinder la première problématique en un certains nombre d’interrogations de caractère méthodologique. L’une de ces interrogations serait : Faut-il mettre en pratique le contenu de la Constitution pour organiser les élections prévues ? La réponse est affirmative pour deux autres raisons.
La première raison est que la mise en pratique du contenu démocratique de la Constitution nationale a commencé au lendemain du jour où la Guinée a décidé de mettre en place un régime démocratique suite au référendum de décembre 1990. La pratique effective des principes et idéaux de Démocratie a connu des impairs et des interruptions à cause du dysfonctionnement des institutions nationales. La conséquence, on le sait, a été une confiscation du pouvoir.
Au cours de la nouvelle transition, imposée par le coup d’État du 23 décembre 2008, la révision constitutionnelle vise à porter les corrections nécessaires, avec des barrières, qui empêchent le retour aux pratiques qui favorisent la dictature et le totalitarisme sur fond d’interprétations partisanes des lois et régulations. Ceci étant fait, il n’y a pas d’obstacle à l’exercice de la Démocratie, à partir de cette Constitution, sous réserve de l’organisation d’un référendum. Même si ce référendum est indispensable.
La deuxième raison est celle qui consiste à mettre, rapidement, un terme à une crise sociopolitique qui a fait de nombreuses victimes en perturbant les fondements socio-moraux de la société guinéenne. Du point de vue de la légitimité et de la Constitution, l’objectif est de mettre fin à l’État d’exception militaire pour une vie politique normale. De cette perspective, également, il est nécessaire de partir du contenu de la nouvelle Constitution pour organiser les élections prévues. Cela non plus n’exclut pas la soumission de cette Constitution au référendum. C’est une nécessité vitale de l’expliquer dans les langues nationales pour favoriser son appropriation populaire.
L‘interrogation subsidiaire serait : Mais alors à quel moment cette Constitution sera-t-elle soumise à référendum ? Les compromis ont mené la Guinée à ce qu’on appelle « une transition apaisée ». Cela signifie d’une part que chacun a accepté de l’autre ce qui hier, lui paraissait inacceptable. Tous ceux qui ont concouru à cela, l’ont honnêtement fait pour le pays entier et ses populations sans distinction de sexes, de races et de religions. Le contraire aurait empêché toute entente.
Il n’est donc pas un parjure ni une hérésie de soumettre la Constitution nationale à référendum après les élections nationales pour pouvoir la polir. Cela pourra être le premier geste patriotique et nationaliste du parti politique qui gagnerait ces élections. La signature d’un décret ou d’une ordonnance prérogative autorisant l’organisation des élections du 27 juin à partir du contenu de la Constitution nationale n’est pas incompatible avec l’organisation du référendum de soumission aux populations. Ainsi vue, nous sommes en face d’une simple question de calendrier. C’est l’occasion d’éviter une transition illimitée. Ce serait un parjure et une hérésie de permettre aux sorciers de se repaitre encore du sang des innocents dans la plaine. Que cela soit écrit et accompli.
O. Tity Faye
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