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Roger Muntu: "Dans tout ce que je fais, l’Afrique doit y ressortir ainsi que ma culture"

Sep 14, 2009

CrĂ©ateur du M2Show une Ă©mission de divertissement diffusĂ©e sur Internet et M2Production sa maison de production, Roger “ Rajah” Muntu est un entrepreneur ambitieux qui veut changer la façon dont les choses fonctionnent dans le milieu du showbiz africain aux Etats-Unis. Ce professeur de français, de latin, d’informatique et web designer, ne manque pas de marquer les gens qui le rencontrent; son enthousiasme et son dynamisme sont palpables. MariĂ© et père de trois filles, c’est de main de maĂ®tre que Roger Muntu mène sa vie professionnelle, ses passions et sa vie de famille. 

AfricaLog: Qui est Roger Muntu? Parlez nous un peu de vous.

Roger Muntu: Je suis originaire de la république démocratique du Congo, ex Zaïre, où j’ai grandi et fait mes études. J’ai décidé de venir continuer mes études ici aux Etats-Unis. Je suis arrivé à New York où j’ai commencé à prendre des cours de théâtre parce que depuis mon enfance j’ai toujours été passionné par la comédie et l’animation. Mais pour faire plaisir à mes parents, j’ai dû changer de cap. J’ai déménagé à Washington où j’ai continué mes études en informatique et dans l’enseignement et plus tard j’ai décidé de créer une maison de production musicale et vidéo.

AfricaLog: Apparemment vous êtes un touche à tout; professeur de français et de latin, informaticien, chanteur, comédien, animateur, et producteur. Est –ce qu’il y a quelque chose que vous ne faites pas? Comment arrivez-vous à combiner tout ça?

Roger Muntu: Vous savez, je suis un acteur depuis mon enfance, j’étais celui qui faisait rigoler tout le monde et qui imitait bien les gens. La musique également comme tout bon congolais faisait parti de mon horizon en grandissant. Je chantais dans des chorales au pays, à l’école pendant les cérémonies culturelles et je faisais aussi du théâtre. Donc, la chanson et la comédie sont mes passions avec lesquelles j’ai grandi. En ce qui concerne l’informatique, je ne voulais pas faire ça; ce qui m’intéressait le plus c’était la comédie. Mais vous savez, nos parents africains décident parfois pour nous et m’ont interdit de faire de la comédie. D’après eux ça ne payait pas bien. J’étais donc forcé d’aller à l’université et de faire quelque chose de “bien”. A l’époque l’informatique paraissait bien pour eux et je me suis lancé. Pendant que j’étais en école d’informatique, j’ai rencontré un ami qui avait une école et qui m’a demandé de lui donner un coup de main en enseignant le Français et l’informatique. Ce que j’ai accepté, et c’est comme ça que je me suis retrouvé dans l’enseignement. Plus tard le professeur de latin de l’école est parti et on m’a proposé cette classe de latin. J’avais déjà fait six années de latin pendant mes années de lycée, j’étais donc à l’aise pour l’enseigner. Finalement, je suis resté dans l’enseignement et j’ai passé tous les certificats dont j’avais besoin pour être professeur certifié.

AfricaLog: Et comment arrivez-vous à combiner la vie de famille et votre vie professionnelle aussi chargée?

Roger Muntu: Il est vrai qu’en tant que professeur à plein temps, j’ai également continué la comédie qui est aussi ma passion, la musique, et l’animation. Certes, la vie de famille en prend un coup quand on essaie de combiner tout ça; mais la solution est dans l’organisation de votre quotidien. Tout est planifié à l’avance avec moi. De telle heure à telle heure je sais que je suis avec mes élèves et de telle heure à telle heure je sais que je suis à la maison avec ma famille ou je récupère mes filles à leurs sorties d’activités ou je suis entrain de composer une chanson ou une comédie et ainsi de suite. Le samedi par exemple, ma famille sais que c’est mon jour à moi, je suis en studio; j’ai des rendez-vous, j’enregistre avec des artistes… le dimanche, je me consacre à ma famille. Et c’est comme ça que j’arrive à ménager tout ça.

AfricaLog: Comment est venu l’idée de créer le M2Show?

Roger Muntu: Travaillant avec les artistes et composant moi même des chansons et des comédies, je me suis rendu compte qu’on n’avait pas un media de proximité via lequel on pouvait faire la promotion des artistes et la publicité de nos produits. Avec l’avènement d’Internet et le fait que je sois informaticien de profession, je me suis dit qu’il fallait que j’utilise ça à notre avantage et donc, j’ai créé le M2Show. Ce qui a permis de booster ma maison de production M2Production dans le sens ou les gens venaient enregistrer sachant qu’il y avait un media directement accessible pour faire la publicité de leurs produits, de la création et montage des clips vidéos, des posters à la création du site web des artistes. Donc, tout ça attire des artistes vers M2Production.

AfricaLog: Justement, en tant que producteur, Qui sont les artistes qui sont sur votre label?

Roger Muntu: On a travaillé avec des artistes déjà connus comme Keysha, JB Mpiana, Bouro Mpela (ancient danseur du quartier latin de Koffi Olomidé); on a assisté à la création d’une des vidéos de Missy Elliot. Maintenant, pour ce qui concerne les artistes qui sont à cent pour cent sous notre label et qui ont signé des contrats avec nous, il y a une dizaine. On est en studio actuellement entrain de travailler sur leurs albums, ce sont de tout nouveaux chanteurs qui ne sont pas encore connus du public; et d’ici janvier, la maison de production compte faire leurs promotions.

AfricaLog: Parlez nous un peu de votre comédie “ L’interview du Maréchal Mobutu aux Etats-Unis”…

Roger Muntu: Cela a commencé quand j’étais tout petit; chaque fois que je portais des képis, on me rembourrait les oreilles avec “oh, tu ressemble à Mobutu”. Un jour ici, je me suis dit pourquoi ne pas faire une comédie sur le Maréchal Mobutu. Donc, avec quelques acteurs, j’ai monté le film en Virginie et à Washington. C’était un succès terrible, par exemple sur youtube en moins d’une année plus de cent mille personnes l’ont regardé. Je l’ai aussi mis en DVD. Actuellement, je suis à la recherche d’une maison de production qui peut accepter de diffuser le film dans les grandes salles de cinéma à une échelle nationale et internationale.

AfricaLog: Malgré toutes vos activités aux Etats-Unis vous ne semblez pas indifférent sur la situation sociale et politique dans votre pays.

Roger Muntu: Ma chanson “Goma” est une chanson de rap que j’ai sorti à cette période ou les femmes et les jeunes filles étaient violées et tuées dans la région du Kivu à Goma. J’avais d’abord pensé la faire en lingala, mais je me suis demandé, combien de personnes vont l’écouter; puisque je vis ici aux Etats-Unis, j’ai finalement décidé de la faire en anglais pour toucher un public beaucoup plus large aussi bien ici aux USA qu’en Europe et en Afrique. J’ai grandi au Congo, j’ai bien vécu là-bas, donc, je suis bien conscient de la situation de mon pays. Etant dans la position dans laquelle je me trouve aujourd’hui, je me sens comme un peu obligé d’apporter ma contribution pour le bon fonctionnement du pays. Moi je suis un africain et pas un américain, donc, dans tout ce que je fais, l’Afrique doit y ressortir ainsi que ma culture c’est ce qui me définit.

AfricaLog: Pensez-vous qu’il y a du progrès au Congo par rapport aux années Mobutu? Quelle est votre opinion sur la situation actuelle du pays?

Roger Muntu: Je pense qu’elle n’a jamais changé, au contraire elle s’est empirée. Si aujourd’hui il y a des gens au pays qui réclament l’ère Mobutu, ce qui est drôle, parce qu’il était un dictateur, vous comprenez que la situation n’est pas meilleure. Les autorités africaines ne pensent qu’à remplir leurs poches et elles s’en foutent de la population. Avec le travail que des artistes engagés comme nous faisons et avec la force du seigneur, j’espère vraiment qu’un jour, les gouvernements africains prendrons conscience pour assurer au moins le minimum vital à leurs populations.

AfricaLog: Vous avez un film en préparation sur la vie d’un immigré africain aux Etats-Unis. Quand est ce que le film sortira? Parlez-nous-en. Est ce un film autobiographique?

Roger Muntu: Vous savez, ce film ne parle pas seulement de moi; je peux dire que c’est un film autobiographique pour tous les africains qui ont immigré aux USA. C’est l’histoire d’un homme d’affaire qui gagnait bien sa vie en Afrique et qui décide de s’installer en Amérique après la faillite de son entreprise. Il arrive à New York chez son ami qui est marié à une américaine. Voilà où le film est autobiographique. Quand on arrive ici, la plus part des africains qui ont immigré aux USA rencontrent des difficultés d’ordre culturelles, linguistiques, économiques et autres. Par exemple, il dit à son ami qu’il ne va rester que deux semaines chez lui, mais les deux semaines deviennent trois mois, ce qui commence à être embêtant pour sa famille d’accueil mais cela n’aurait pas été un souci si c’était chez nous en Afrique. Voilà, ce sont des images comme ça que je présente dans le film. Le titre du film sera “Zola” et il sortira, je l’espère, fin novembre de cette année.

AfricaLog: En tant qu’entrepreneur africain vivant aux Etats-Unis qu’est ce que vous pouvez partager avec nos lecteurs sur votre expérience. Qu’est ce que vous pensez du milieu du showbiz aux USA?

Roger Muntu: En tant qu’entrepreneur africain vivant aux Etats-Unis, je peux vous confirmer qu’il y a vraiment beaucoup de difficultés. En Europe, les africains sont déjà très avancés en terme de business parce qu’ils sont beaucoup plus unis et le milieu est facilement accessible; il y a beaucoup de producteurs et distributeurs qui ont commencé ce business depuis très longtemps. Je pense que les Etats-Unis c’est le nouveau monde pour tout le monde, mais plus particulièrement pour nous les africains; ce qui fait que nous ne sommes pas encore reconnus au niveau ou nous aimerions être. L’autre raison qui rend les choses difficiles c’est que l’Amérique est un très grand pays de 50 Etats, ce n’est pas facile d’accéder à toutes les communautés africaines, qui sont très éparpillées contrairement à la France ou à la Belgique. Ensuite, je dirais aussi que ici, nous les africains, nous ne sommes pas solidaires, il n’y a pas un réseau où nous nous rassemblons pour se donner un coup de main; chacun fait son truc de son côté ; les congolais ici, les camerounais là bas, les ivoiriens dans leur coin, on ne se connaît même pas; ce qui fait qu’ il faut vraiment beaucoup se battre pour arriver à toucher une large communauté africaine. Petit à petit ça se fait, je suis passionné par ce que je fais, je pense qu’on y arrivera un jour.

 

Sur le Net www.them2show.com

 

Propos recueillis par Chimène K. Siewe

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